LA FRANCE PITTORESQUE
C’est la plume de l’aigle
qui dévore toutes les autres
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Publié le vendredi 1er décembre 2023, par Redaction
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Cela se dit, en général, d’une personne distinguée par la supériorité de son mérite, et, en particulier, d’un écrivain dont le génie éclipse les autres écrivains
 

Ces vers d’une ode de P. Motin à Mathurin Régnier l’illustrent :

Laisse là les faiseurs de rimes,
Qui ne sont jamais malheureux,
Sinon quand leur témérité
Se feint un mérite si rare,
Que leur espoir précipité
À la fin devient un Icare.

Si l’un d’eux voulait te blasmer,
Par coustume, ou par ignorance,
Ce ne seroit qu’en espérance
De s’en faire plus estimer.
Mais alors, d’un vers menaçant,
Tu luy ferois voir que ta plume
Est celle d’un aigl puissant
Qui celles des autres consume.

L’origine de cette espèce de proverbe est due à un préjugé répandu parmi les naturalistes de l’antiquité et du Moyen Âge, qui pensaient que les prérogatives de la royauté attribuée à l’aigle sur les autres oiseaux existaient même après sa mort, et que les plumes détachées de son corps avaient sur celles de ses ci-devant sujets la même suprématie et la même propriété dévoratrice que l’oiseau-roi avait exercées durant sa vie.

C'est la plume de l'aigle qui dévore toutes les autres
C’est la plume de l’aigle qui dévore toutes les autres. © Crédit illustration : Araghorn

« Les plumes de l’aigle, » mêlées à celles des autres oiseaux, dit Pline, les consument toutes. » — Aquilarum pennae mixtas reliquarum pennas devorant. (Natur. hist., X, IV.)

Ce fait, dans lequel l’ignorance a voulu voir un prodige, s’explique tout naturellement. Les plumes de l’aigle, tenant de la nature de la corne, ou se racornissant plus que les plumes des autres oiseaux, doivent se consumer moins vite qu’elles et paraître encore intactes quand celles-ci sont en dissolution.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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