LA FRANCE PITTORESQUE
Monnaie frappée (La première)
avec une légende en français
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Publié le mercredi 3 septembre 2014, par LA RÉDACTION
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La petite pièce d’argent dont nous offrons la représentation à nos lecteurs est la première monnaie française qui ait été frappée avec une légende en français. A la vérité, cette monnaie n’a pas été frappée sur le sol national.

Monnaie de Charles VIII frappée en Italie

Monnaie de Charles VIII frappée en Italie

Ainsi que l’indique sa légende, elle a été frappée dans une ville du royaume de Naples, pendant que Charles VIII en était le maître. « La ville d’Aquila ou de l’Aigle, dans l’Abruzze, fut la première qui se déclara pour le roy. Ferron dit qu’à cause de cela il luy accorda beaucoup de privilèges, et entre autres celui de battre monnoye. »

C’est Le Blanc qui parle ainsi dans son Traité historique des monnoies de France, publié en 1690. Il ajoute : « J’ai trouvé trois pièces de cette monnoye ; la première paroistra assez singulière à cause de la légende mise en françois par une ville italienne, pendant que nous la mettions en latin sur les nostres. Sans doute cette ville en usa ainsi afin de marquer combien elle estoit bonne Françoise. »

Voici la description de cette pièce : du côté principal, ou face, on voit l’écusson aux armes de France, surmonté d’une couronne royale ouverte ; la légende est : CHARLES ROI D FRE. En bas, un "K", initiale du nom du roi, entre deux étoiles. Au revers, une rosace, les armoiries parlantes de la ville d’Aquila, un aigle, et la légende : CITE DE LEIGLE avec une croix au commencement.

Voici les descriptions des deux autres monnaies d’Aquila ou de l’Aigle à légendes latines mentionnées par Le Blanc, et qui sont figurées dans son livre :

1. Du côté principal, écusson comme ci-dessus et lettre "K" en bas. Légende : KAROLUS. D.G. REX. FR. ; Charles, par la grâce de Dieu, roi des Français. Dans le champ, une petite croix tréflée, cantonnée de quatre clous ; au-dessous, petit écusson aux armes de la ville d’Aquila. Légende : AQUILANA CIVITAS. Petite croix au commencement.
2. Même type que ci-dessus ; seulement, le nom de Charles VIII est écrit CAROLUS au lieu de KAROLUS, et au pied de la croix du revers, l’aigle des armoiries d’Aquila n’est pas inscrit dans un écusson. On remarque aussi que les lettres D.G. ont été omises sur cette pièce ; on ne lit pas non plus d’ailleurs leur équivalent en français sur la pièce en langue vulgaire, sans doute faute d’espace.

Depuis Charles VIII, où nous lisons pour la première fois du français sur une monnaie d’un de nos rois, il faut sauter cinq règnes pour trouver des monnaies françaises à légendes en français, mais cette fois, ce sont des monnaies réellement françaises, des monnaies destinées à circuler en France.

C’est à Henri III que l’on doit cette innovation, qui a si peu frappé Le Blanc qu’il n’en dit mot dans l’article qu’il a consacré au règne de ce prince dans le livre cité plus haut, et où cependant figurent plusieurs de ces pièces, doubles deniers tournois et deniers tournois, qui eurent cette autre particularité d’être de cuivre fin au lieu d’être de billon. Cette innovation remonte à l’an 1575, suivant Le Blanc. « Jusqu’alors, dit-il, on ne s’étoit point servi en France de monnoye de cuivre pur ; mais, le billon manquant pour faire des doubles et des deniers, on fut obligé de se servir du cuivre pour fabriquer ces petites monnoyes, ce qu’on a toujours fabriqué depuis. On ordonna en même temps qu’il ne pourroit entrer dans les payements que pour vingt sols de cette monnoye de cuivre. »

C’est probablement à cette nécessité financière qu’on doit la dérogation aux us et coutumes qui fit paraître pour la première fois une légende en langue vulgaire. Il s’agissait de faire accepter du cuivre au lieu de billon au populaire, à qui surtout étaient destinés les doubles et les deniers nouveaux : c’était bien le moins qu’on lui dît dans sa langue ce que valaient ces espèces anormales.

Le latin n’en persista pas moins sur la monnaie d’or et d’argent jusqu’à la Révolution, où la langue savante fut détrônée par le français, en 1791, en vertu des décrets du 9 avril 1791 et du 6 février 1793. La première de nos monnaies d’or à légende en français paraît être le louis de 24 livres, dont la face montre le buste à gauche de Louis XVI avec la date de 1792 et la légende : LOUIS XVI ROI DES FRANCOIS. Au revers, le génie ailé de la France debout devant un autel et écrivant sur une table de loi le mot CONSTITUTION. Dans le champ, on voit un faisceau, emblème de l’union et de la force armée, et un coq, symbole de la vigilance. La légende est : RÈGNE DE LA LOI. A l’exergue, c’est-à-dire en bas, on lit : L’AN 4 DE LA LIBERTÉ.

La première monnaie d’argent à légende en français paraît être la pièce de 30 sols, qui précéda le louis d’or. La face de cette pièce montre le buste de Louis XVI à gauche, avec la même légende placée plus tard sur le louis, mais avec la date : L’AN 4 DE LA LIBERTÉ.

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