LA FRANCE PITTORESQUE
À l’ami soigne le figuier,
à l’ennemi soigne le pêcher
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Publié le mercredi 29 juillet 2015, par Redaction
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Une recommandation de bien aimer ses amis et de bien haïr ses ennemis
 

C’est en réalité la recommandation de donner à une grande amitié une grande haine pour contrepoids, attendu que, suivant un autre proverbe : Celui qui n’est pas grand ennemi, n’est pas grand ami.

Le figuier est considéré comme emblème d’amitié parce que son fruit fut employé symboliquement pour exprimer des vœux de fécondité, d’abondance et de prospérité dans plusieurs cérémonies religieuses ou civiles d’Athènes et de Rome. On sait que dans la dernière de ces villes il était particulièrement consacré aux étrennes du jour de l’an, et qu’il eut la même destination au Moyen Age.

Le pêcher, au contraire, est regardé comme un emblème de haine à cause de la tradition qui rapporte que cet arbre, dont le fruit passait primitivement pour un poison en Perse d’où il est originaire, fut transplanté par les rois de ce pays sur les terres des Égyptiens leurs ennemis, qu’ils voulaient empoisonner. Pline le Naturaliste a dit de cette antique tradition : Falsum est venenata (mala persica) cum cruciatu in Persis gigni, et paenarum causa a regibus translata in Aegyptum, terra mitigata. Id enim de persea diligentiores tradunt, quae in totum alia est (Lib. XV, XIII).

Ce que Littré, dans son excellente traduction, a rendu ainsi : « Il est faux que dans la Perse ce fruit [la pomme persique] soit un poison douloureux et que les rois de ce pays l’aient, par vengeance, transplanté en Égypte, où il perdit ces propriétés malfaisantes. Les auteurs exacts ont dit cela du perséa, qui » diffère entièrement du pêcher. »

Il y a une remarque importante à faire sur le proverbe dont il est ici question et sur celui que nous y avons joint pour en expliquer le sens. C’est que tous deux expriment une idée qui blesse à la fois la morale et la vérité : la morale, parce que l’inimitié est une transgression du devoir imposé aux hommes ; la vérité, parce que la haine que l’on a contre les uns ne produit pas nécessairement l’affection pour les autres, comme le démontre très bien cette pensée de Sénac de Meilhan : « On dit que ceux qui savent bien haïr savent bien aimer, comme si ces deux sentiments avaient le même principe. L’affection part du cœur, et la haine de l’amour-propre irrité ou de l’intérêt blessé. »

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