LA FRANCE PITTORESQUE
Les caves de Moët & Chandon :
20000 lieues sous la terre
(Source : Le Figaro / L’Avis du vin)
Publié le dimanche 9 décembre 2012, par Redaction
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Sous l’avenue de Champagne, à Epernay, là où se dresse la maison Moët & Chandon, 28 kilomètres de caves se déploient sur trois niveaux. Galeries, dédales et caveaux à 30 mètres sous terre
 

Ancien négociant en vin, Claude Moët a 60 ans lorsqu’il s’installe, en 1743, faubourg de la Folie (aujourd’hui avenue de Champagne) et décide de faire creuser une cave sous sa propriété. Dès 1748, il fournit la cour de Louis XV. Son fils, Claude Louis Nicolas Moët, développera l’export vers les pays voisins, mais c’est surtout Jean-Remy Moët, petit-fils du fondateur, qui donnera à la maison sa vocation internationale en 1793. Entrepreneur doué, visionnaire, maire d’Epernay... il ne cessera d’innover pour faire rayonner le nom de Moët et de sa ville, malgré un contexte économique difficile. Tout ce que la France compte de personnalités s’arrête à Epernay pour visiter les caves. En 1813, elles s’étendent sur deux kilomètres.

Moët & Chandon : percement de caves

Moët & Chandon : percement de caves

Au fil du XIXe siècle, la maison acquiert des caves particulières contiguës formant un écheveau complexe. Il faudra continuer à creuser le ventre de la terre à la lumière des chandelles, des torchères, des lampes à pétrole... pour construire des galeries perpendiculaires et communicantes, des caveaux où laisser reposer le vin. En 1880, les caves s’étendent sur 11,5 kilomètres. Neuf ans plus tard, la maison est l’une des premières à bénéficier d’une installation électrique, ce qui va considérablement faciliter les travaux titanesques, qui s’achèveront vers 1902. Un document qui date de 1895 prouve qu’à l’époque, des visiteurs ont déjà la possibilité de descendre dans les caves sur deux niveaux grâce à une plate-forme électrique.

Un record en Champagne
Jusqu’au début du XXIe siècle, plusieurs caves seront rachetées pour atteindre les 28 kilomètres de galeries et de dédales actuels : le plus grand réseau de caves de la Champagne. Aujourd’hui, c’est avec recueillement que l’on descend sous terre, où règnent le silence et la pénombre. Le circuit autorisé au public prend environ une heure pour parcourir près de un kilomètre. En levant la tête, selon la galerie où l’on se trouve, on traverse les époques au regard des éléments naturels, des matériaux, de l’architecture. Ici, un plafond de craie, brut, irrégulier, taillé dans la roche, qui porte encore les empreintes des outils qui l’ont façonné. Là, de la brique qui consolide les contours friables et perméables.

Les ramifications paraissent interminables, les galeries labyrinthiques se rejoignent, se recoupent... On croit reconnaître son chemin, il n’en est rien. Les galeries se suivent et ne se ressemblent pas. Certaines étroites, très basses, longées par les pupitres de remuage, percées par les essorts d’aération (« un puits » qui remonte vers la surface, 30 mètres plus haut), d’autres plus larges, deux fois plus hautes que la normale, une autre encore où veille une statue de la Vierge à l’Enfant... Toutes sont faiblement éclairées pour ne pas déranger les lots de flacons de champagne qui attendent patiemment le nombre d’années nécessaire à l’apogée du vin.

De mystérieuses inscriptions
Sur chaque lot de bouteilles reposant en cave, on aperçoit des petites planches de bois dites « planchots », avec des inscriptions donnant certaines indications : emplacement dans la cave, quantité de bouteilles, millésime, caractéristiques du vin ; seul le chef de cave peut les décrypter. La calligraphie sur planchots, pratiquée depuis toujours, magnifie depuis peu les étiquettes des cuvées millésimées de Moët & Chandon. Passage obligé par la galerie Impériale, qui doit son nom à l’amitié unissant Jean-Remy Moët et Napoléon. Les parois de craie alternent avec caveaux (bouteilles en cours de maturation) et niches (où l’on posait les chandelles pour éclairer les travaux).

Napoléon rendant visite à J. Moët, maire d'Epernay, en juillet 1807

Napoléon rendant visite à J. Moët, maire d’Epernay, le 26 juillet 1807

Une plaque en marbre, gravée, illustre la première visite de Napoléon en 1807, après la signature du traité de Tilsit. Il reviendra en 1810 avec un foudre en chêne de l’Algarve rempli de 1 000 litres de porto. Ce foudre est exposé à l’une des extrémités de la galerie Impériale avec une plaque commémorative. Client dès 1801, Napoléon Bonaparte a rendu visite à Jean-Remy Moët à quatre reprises. Il a passé neuf commandes (300 bouteilles à chaque fois), qui sont répertoriées dans les livres de commandes dont la maison détient les originaux.

La Réserve des grands millésimes
La Réserve des grands millésimes (RGM), l’oenothèque de Moët & Chandon, concentre 70 millésimes. Si les premières traces écrites du premier millésime remontent à 1842, le plus ancien qui y est entreposé est le 1892. Le Grand Vintage 2004, 70e millésime, vient d’être mis en vente.

On traverse les siècles pour rejoindre le début du XXe siècle : le Caveau des 32, baptisé ainsi en raison des 32 caveaux qui le longent. Puis vient la Cave Museux, une galerie beaucoup plus haute, plus large, plus longue, construite avec des machines à l’ère de l’électricité... La visite se termine : il est temps de s’arrêter pour déguster une flûte de Moët Impérial ou de Grand Vintage.

Moët Impérial est la cuvée icône de la maison, ainsi nommée en hommage à l’amitié entre Jean-Remy Moët et Napoléon Ier. Les cuvées millésimées constituent une interprétation libre et personnelle du chef de cave et révèlent le caractère singulier d’une année. A l’autre extrémité de la galerie Impériale bat le coeur de Moët & Chandon. Derrière une épaisse grille en fer forgé, toujours fermée à clé — laquelle reste dans la poche du chef de cave Benoît Gouez —, se trouve le « coffre-fort », la mémoire de la maison : la Réserve des grands millésimes.

Pour visiter :
Les caves de la maison Moët & Chandon se trouvent à cinq minutes à pied de la gare d’Epernay. Visites : à partir de 16,50 €/personne (avec une flûte de champagne).

20, avenue de Champagne, 51200 Epernay (03.26.51.20.20 ; www.moet.com ou www.wineinmoderation.com ou la page Facebook Moët & Chandon France).

Valérie Faust
Le Figaro

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