LA FRANCE PITTORESQUE
Bonaparte : quand la légende
travestit l’Histoire
(D’après « Gazette anecdotique », paru en 1882)
Publié le mercredi 5 mars 2014, par Redaction
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En 1882, le colonel Th. Jung publie Lucien Bonaparte et ses Mémoires dont on n’avait donné jusqu’ici que des éditions incomplètes. On trouve dans ces curieux mémoires la rectification de bien des faits admis pour vrais par les annalistes qui se sont occupés de l’Empire, témoin, entre autres, l’histoire de la fameuse montre brisée par Lucien devant son redoutable frère Napoléon au milieu d’une scène qu’on a bien souvent racontée
 

Or voici, rapprochées l’une de l’autre, deux piquantes versions de ce même fait empruntées l’une à l’Echo des salons de Paris et l’autre, rectifiant la première, aux susdits Mémoires de Lucien :

Lucien Bonaparte, par François-Xavier Fabre

Lucien Bonaparte, par François-Xavier Fabre

LA LEGENDE (Extrait de l’Echo des salons de Paris depuis la Restauration, tome II)

Un mois avant que Lucien quittât la France, il eut avec Bonaparte un entretien très vif sur son peu de considération et sur les malheurs que son esprit de conquête attirerait un jour sur la France.

Bonaparte se fâcha et, s’approchant de la fenêtre, il dit à son frère : « Voyez-vous cette étoile ? » Lucien répondit qu’il ne voyait rien. « Eh bien ! je la vois », lui répliqua Napoléon, et aussi longtemps que je l’apercevrai seul, je ne cesserai d’y avoir confiance ! »

Lucien tira sa montre, et, de colère, la jeta sur le parquet devant Bonaparte en lui disant : « Vous serez brisé comme cette montre, et un jour viendra où vous serez malheureux, ainsi que la France et toute votre famille ! »

L’HISTOIRE (Lucien Bonaparte et ses Mémoires, tome II, 1882.)

« — Ce que vous pensez de moi, citoyen Lucien, parbleu, je suis curieux de le savoir, dites donc vite (c’est Napoléon qui parle).

— Je pense, citoyen consul, qu’ayant prêté serment à la Constitution du 18 brumaire, entre mes propres mains, comme président du conseil des Cinq-Cents, et vous voyant la mépriser ainsi, si je n’étais pas votre frère, je serais votre ennemi.

— Mon ennemi ! ah ! pour le coup, je vous le conseillerais ! Mon ennemi ! C’est un peu fort ! me dit-il en s’avançant sur moi dans l’attitude de me frapper, ce que je rends encore grâce à Dieu qu’il n’ait pas fait, car je n’étais pas disposé à le souffrir patiemment ; mais il s’arrêta en face de la froide immobilité que je lui opposai.

— Mon ennemi, toi ! Je te briserais, vois-tu, comme cette boîte ! »

Et disant cela , c’était sa tabatière qu’il tenait, il la lança violemment sur le plancher.

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