LA FRANCE PITTORESQUE
5 octobre 1465 : signature du traité
de Conflans entre la ligue
du Bien public et Louis XI
(D’après « Histoire générale de France depuis les temps les
plus reculés jusqu’à nos jours » par Abel Hugo (Tome 4), paru en 1841)
Publié le samedi 1er octobre 2016, par Redaction
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Le traité de Conflans et celui de Saint-Maur terminèrent la guerre dite du Bien public, révolte féodale conduite notamment par Charles, comte de Charolais — plus tard désigné sous le nom de Charles le Téméraire — contre une autorité royale incarnée alors par Louis XI
 

La bataille incertaine de Montlhéry (27 juillet 1465) n’avait donné raison ni tort à personne. Toutefois, Louis XI, docile aux insinuations de Sforce, duc de Milan, qui lui conseillait de tout accorder, pour dissiper la ligue, sauf à ne consulter ensuite que les circonstances, s’empressa d’entrer en négociation.

Voici quelles furent les conditions de cette paix : « Afin de pourvoir aux désordres du royaume, aux exactions, charges et dommages du peuple, et aux doléances des seigneurs du sang et autres sujets, le roi commettra trente-six notables hommes du royaume, savoir : douze prélats, douze chevaliers et douze notables du conseil, se connaissant en justice. Il leur sera donné pouvoir d’informer les fautes commises dans le gouvernement du royaume, et d’y mettre remède convenable. Ils s’assembleront le 15 décembre, et auront terminé leur travail en deux mois au moins, et trois mois et dix jours au plus. Le roi promet, par parole de roi, de tenir ferme et stable ce qu’ils ordonneront. Toute division sera mise à néant, et nul ne pourra reprocher à autrui le parti qu’il a tenu. Aucune poursuite n’aura lieu à raison de cette guerre, et les confiscations seront révoquées. »

Louis XI

Louis XI

Puis, venaient les conditions accordées à chacun des princes ou seigneurs. Le duc de Berry eut la Normandie en toute souveraineté ; le duc de Calabre, Mousson, Saint-Menehoult, Neufchâtel, et cent mille écus comptant ; le comte de Charolais, les villes rachetées sur la Somme, et, de plus, Boulogne, Guînes, Péronne, Montdidier et Roye ; le duc de Bourbon, Donchery, plusieurs seigneuries en Auvergne, et cent mille écus ; le duc de Bretagne, Montfort, Étampes et la régale dans tous ses domaines ; le comte de Dunois eut une compagnie de cent lances ; le sire d’Albret et le comte d’Armagnac eurent des pensions et des terres ; le comte de Dammartin recouvra ses domaines, et eut une compagnie de cent lances ; Loheac fut premier maréchal de France ; enfin, le comte de Saint-Pol obtint l’épée de connétable.

« Le roi voulait par là détacher de la cour de Bourgogne un sujet puissant ; le comte de Charolais, de son coté, comptait avoir en France un serviteur zélé ; et Saint-Pol qui était chef de la maison impériale de Luxembourg, fier de sa naissance, de ses biens et de ses charges, songeait à faire servir à ses desseins les cours de France et de Bourgogne, et se croyait trop puissant pour rester longtemps sujet. »

Ce traité de paix, qui a conservé le nom de Traité de Conflans, fut signé à Conflans, le 5 octobre 1465, avec le comte de Charolais, et à Saint-Maur, le 29 octobre seulement avec les princes ligués. Le parlement s’y opposa, et il ne fut enregistré qu’après de vifs débats. La chambre des comptes manifesta une pareille opposition.

Le roi, qui n’avait signé le traité que pour dissoudre la ligue, ne fut pas fâché de ces résistances. Il avait de secrets desseins qu’il ne tarda pas à mettre à exécution. La paix fut proclamée le 30 octobre. Le même jour, le roi se rendit à Vincennes, afin d’y recevoir l’hommage de son frère pour le duché de Normandie, celui du comte de Charolais pour les terres de Picardie, et le serment du connétable. La porte et les appartements du château étaient gardés par les soldats du comte de Charolais « qui avait exigé que le roi lui cédât, pour ce jour, le château de Vincennes pour sûreté de tous. » Mais les Parisiens, au nombre de vingt-deux mille hommes armés, voulurent , pour donner une marque d’affection à Louis XI, lui servir d’escorte ; ils entourèrent le château, et en gardèrent toutes les issues jusqu’au moment où le roi revint avec eux coucher dans Paris.

La politique de Louis XI se manifesta dans la conduite qu’il tint après le traité de Conflans. Il annonça l’intention de réparer les désordres de la guerre civile, et appela dans ses conseils les grands du royaume, les magistrats, les bourgeois dont le zèle et les lumières pouvaient concourir au bien de l’État. Pour s’attacher le bâtard de Bourbon, il lui donna en mariage Jeanne, sa fille naturelle, et pour dot, Usson en Auvergne, et plusieurs villes en Dauphiné. Il rétablit dans leurs charges ceux qu’il crut en avoir été dépouillés injustement, ou les donna à ceux qu’il en jugea le plus dignes. La place de chancelier fut rendue à Guillaume Juvénal des Ursins. Dauvet, premier président de Toulouse, fut nommé premier président de Paris.

Charles le Téméraire en 1460. Peinture de Rogier van der Weyden (1400-1464)

Charles le Téméraire en 1460. Peinture de Rogier van der Weyden (1400-1464)

Afin de plaire au parlement, le roi ordonna que, lorsqu’il vaquerait un office de président ou de conseiller, le parlement présenterait trois candidats parmi lesquels il choisirait le plus digne. Comme les Parisiens s’étaient distingués pendant la guerre, il leur donna le privilège de n’être pas obligés d’aller plaider hors de Paris, et les exempta de l’arrière-ban et du logement de gens de guerre.

La cession des domaines faite aux princes ligués laissait la France ouverte de toutes parts aux invasions des Bourguignons, des Bretons et des Anglais ; Paris était devenue presque ville frontière. Il fallait entretenir dans les places de fortes garnisons. Le roi avait prévu ce fâcheux résultat ; mais son premier but avait été de rompre la ligue, sauf à revenir contre le traité dans des circonstances plus favorables.

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