LA FRANCE PITTORESQUE
3 octobre 1611 : naissance de
la courtisane Marion Delorme
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Publié le lundi 28 septembre 2015, par Redaction
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Née le 3 octobre 1613 d’une famille bourgeoise de Châlons-en-Champagne, elle fut, à ce qu’on croit, la maîtresse de des Barreaux ; il est certain du moins qu’elle fut celle de Cinq-Mars, qu’on appelait, comme on sait : Monsieur le Grand. On appela Marion Madame la Grande ; on alla même jusqu’à dire qu’elle était mariée secrètement avec Cinq-Mars : « Elle fut accusée, dit Dreux du Radier, de rapt, de séduction, et d’avoir contracté par cette voie un mariage clandestin et prohibé. »

C’était à la sollicitation de Richelieu, rival malheureux de Cinq-Mars, que la maréchale d’Effet, mère de ce dernier, s’était portée accusatrice de Marion, et elle n’eut pas de peine à obtenir un arrêt qui défendait aux parties de se voir. Cette occasion fit naître l’ordonnance du 26 novembre 1639, relative aux mariages clandestins.

Ce fut le terme de l’intrigue de Cinq-Mars avec Marion, qui n’attendit pas la mort de son amant pour se livrer à de jeunes seigneurs. Sa maison devint le rendez-vous des jeunes gens de la cour : elle accorda successivement ses faveurs à Michel Particelly, dit d’Emery, surintendant des finances, et se fit appeler madame la surintendante ; au duc de Brissac ; au chevalier de Grammont ; à Saint-Evremont. Elle était liée avec Ninon de Lenclos, et partageait avec elle les suffrages de tout ce que Paris et la cour avaient de plus spirituel et de plus aimable.

Marion Delorme

Marion Delorme

Du temps de la Fronde, la maison de Marion Delorme devint le rendez-vous des émissaires des princes mécontents. Elle apprit en janvier 1650 l’arrestation des princes de Condé et de Conti, du duc de Longueville, et qu’elle était sur le point d’être arrêtée aussi ; mais elle était alors très malade, ou feignit de l’être. Enfin, à la fin de juin 1650, le bruit de sa mort se répandit. Loret en parle ainsi dans sa Muse historique (2 juillet 1650) :

La pauvre Marion Delorme,
De si rare et plaisante forme,
A laissé ravir au tombeau
Son corps si charmant et si beau.

Si la narration de cette mort par Tallemant des Réaux accrédite la disparition de Marion Delorme le 30 juin 1650, certains auteurs prétendirent qu’elle mourut bien plus tard, et que ce fut elle-même qui fit courir le bruit de sa mort ; on raconte qu’elle vit de ses fenêtres passer son convoi. Ici commence sa nouvelle vie ; le jour même de son convoi, elle partit pour l’Angleterre, y épousa un riche lord, devint veuve, et revint en France avec une somme de près de 100 000 francs que lui avait laissée son mari.

Mais sur la route de Paris, près de Dunkerque suivant les uns, près de Louvain suivant les autres, elle fut attaquée par des voleurs. Le chef de la bande la trouvant à son gré, la prit pour sa femme, et la laissa veuve au bout de quatre ans. Marion Delorme revint en France et y épousa, dit le librettiste et historien de la musique Jean-Benjamin de La Borde, un procureur fiscal de Giez (peut-être Gy, car on ne connaît aucun village du nom de Giez en Franche-Comté) en Franche-Comté, nommé Lebrun. Après dix-sept ans de mariage, des affaires les amenèrent à Paris, et les y retinrent cinq ans. Marion Delorme y perdit encore son mari. A l’âge de quatre-vingt-un ans, elle se trouvait à la merci de deux domestiques, qui bientôt la firent aller demeurer au Marais, puis la volèrent et disparurent.

Lors de son retour à Paris, elle était allée en 1682 à Versailles, avait rencontré Ninon de Lenclos dans la galerie, l’avait reconnue, mais n’en avait pas été reconnue. Dans la détresse où Marion Delorme se trouva après le vol de ses domestiques, elle imagina cependant de recourir à Ninon ; un voisin se charge de la commission ; il revient bientôt après annoncer que Ninon vient d’expirer (en 1706). Cette nouvelle abrégea les jours de Marion Delorme, que quelque personnes font cependant vivre jusqu’en 1741, à l’âge de cent trente-quatre ans.

C’est cette dernière opinion qu’a embrassée Jean-Benjamin de La Borde dans sa Lettre de Marion Delorme, aux auteurs du journal de Paris (1780). La Borde fait naître Marion Delorme à Balhéram (village inconnu en Franche-Comté), en Franche-Comté, le 5 mars 1606, et l’appelle Marie-Anne Oudette Grappin. Il s’appuie sur un extrait mortuaire qu’il rapporte, mais qu’il altère pour le faire cadrer à ses vues.

Les registres de la paroisse Saint-Paul, de 1741, contiennent en effet l’extrait mortuaire d’Anne Oudette Grappin, veuve en troisièmes noces de Lebrun, et âgée de cent trente-quatre ans. L’un des témoins de l’acte est un petit-cousin de la défunte ; l’acte de baptême est relaté dans l’acte mortuaire et transcrit à la fin du registre ; et le nom de Marie ne se trouve ni dans l’acte mortuaire, ni dans la copie de l’extrait baptistaire. Il est certain que le 5 janvier 1741, mourut à Paris une femme âgée de cent trente-quatre ans et dix mois ; mais rien ne prouve que ce fut Marion Delorme, et il est plus que permis de douter que ce fut elle.

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