LA FRANCE PITTORESQUE
24 septembre 1784 : mort
du comédien Grandval
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Publié le dimanche 23 septembre 2012, par Redaction
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Le nom de Grandval rappelle les beaux jours de la comédie française ; cet acteur a laissé une grande réputation. Il était né en 1711, et débuta à Paris, à peine âgé de dix-huit ans, par le rôle d’Andronic, dans la tragédie de Campistron. Il y eut un succès extraordinaire. Cependant il avait un défaut, assez commun aux enfants de Paris, défaut désagréable à la ville, insupportable au théâtre, et qu’on appelle grasseyement.

La prononciation nette est une des qualités premières du comédien, et les professeurs du conservatoire en devraient faire une condition impérieuse à leurs élèves. On peut se corriger du grasseyement, car beaucoup d’acteurs et d’actrices de nos jours l’évitent soigneusement à la scène, et, par un caprice ridicule, y reviennent dès que la toile est baissée. On ne saurait comprendre comment ce qu’ils reconnaissent pour défectueux, quand ils sont sur le théâtre, peut leur paraître agréable dans la société.

Quoi qu’il en soit, au dire des journaux du temps, Grandval fut un grand acteur. Il jouait avec un égal succès les premiers rôles dans la tragédie et dans la comédie : il excellait dans les petits-maîtres. Il quitta le théâtre à l’âge de cinquante ans ; mais il n’était pas riche, et son travail lui était nécessaire ; il reparut quelques années après parle rôle d’Alceste dans le Misanthrope, et y enleva tous les suffrages.

On dit que ses camarades, jaloux de ce nouveau succès, exigèrent de lui qu’il jouât un rôle dans Alzire, avec l’espérance charitable que son grasseyement, auquel le public n’était plus accoutumé, lui porterait malheur dans la tragédie : on ajoute qu’en même temps, ils prirent la précaution d’aposter une cabale au parterre, qui gagna son argent avec probité, en huant Grandval dès les premiers vers qu’il prononça. Il se retira à la campagne avec son amie Mlle Duménil, pour y vivre dans la retraite. Néanmoins c’est à Paris qu’il mourut, âgé de soixante-treize ans.

La Harpe dit dans sa correspondance : « Bellecourt succéda à Grandval ; mais il s’en fallait de beaucoup qu’il en approchât. Il n’en avait ni la finesse, ni la grâce, ni les manières délicates, ni surtout cette noblesse naturelle qui a distingué Grandval, le seul de tous les comédiens qui, sur la scène, ait eu l’air d’un homme du monde. »

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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