LA FRANCE PITTORESQUE
3 septembre 1729 : mort du
théologien Jean Hardouin
()
Publié le samedi 1er septembre 2012, par Redaction
Imprimer cet article

De la boutique de son père, libraire à Quimper, Jean Hardouin, né en 1646 dans les livres et pour les livres, passa aux jésuites, des jésuites à la bibliothèque du collège de Louis-le-Grand (où il remplaça convenablement, en 1683, le poudreux père Garnier dans les fonctions de bibliothécaire), et de la bibliothèque de Louis-le-Grand, à la tombe, où il descendit, vieux de quatre-vingt-trois années d’étude.

Néanmoins , et malgré cette existence toute enfouie sous les bouquins, pour ne pas s’étonner de son effrayante érudition, et des quinze ou vingt gros in-4° qu’il a enflés de ses connaissances, de ses rêveries et de ses paradoxes, il faut savoir encore que, tous les jours, en toute saison, dès quatre heures du matin, le père Hardouin était debout, ou, pour dire plus correctement, assis devant un livre ; qu’il venait à peine de se coucher lorsqu’il se levait, et que tout le temps qu’il dérobait au sommeil et aux autres nécessités de la vie animale, était impitoyablement absorbé par le travail.

C’est pitié qu’une si prodigieuse activité n’ait pas mérité au révérend père l’immortalité sur laquelle il comptait si bien ; mais il a subi la commune destinée de tous ces docteurs des seizième et dix-septième siècles, inabordables aujourd’hui, et qui, par les seuls titres de leurs in-folios repoussent la curiosité la plus intrépide. Si l’on excepte l’édition de l’Histoire naturelle de Pline, ouvrage si mutilé par le temps, et dont les réparations auraient exigé un savoir si profond et si varié, que les plus habiles et les plus audacieux savants avaient jusqu’alors reculé devant pareille tâche, les écrits du père Hardouin valent à peine, pour la plupart, l’honneur d’être nommés.

Les opinions du père Hardouin étaient aussi hardies en médailles qu’en littérature classique : aussi l’abbé Barthélemy prétendait-il qu’elles avaient perdu même le droit d’être réfutées. Son épitaphe — dont voici la traduction — est curieuse, en ce qu’elle le peint assez bien : « Dans l’attente du jugement, ci-gît le plus paradoxal de tous les hommes, français de nation, jésuite de religion ; phénomène littéraire, qui adora et pilla la vénérable antiquité. Déraisonnant savamment, il enfanta, éveillé, les rêves les plus bizarres, les visions les plus fantastiques. C’était un sceptique pieux, un enfant pour sa crédulité, un jeune homme pour son audace, un vieillard pour ses radotages. En un mot, ci-gît Hardouin. »

Ce portrait serait achevé, si l’on y ajoutait quelques traits sur l’orgueil effronté, sur l’aigreur dédaigneuse du père Hardouin, et sur la bonne foi avec laquelle il avouait en petit comité qu’il n’avançait des sottises que pour être neuf et original. Comme il fallait, à cette époque, qu’un savant, pour être complet, fût en possession de quelque chaire, l’infatigable jésuite trouva le loisir de professer la rhétorique et la théologie.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE