LA FRANCE PITTORESQUE
31 août 1811 : mort de l’explorateur
Louis-Antoine de Bougainville
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Publié le mardi 30 août 2016, par Redaction
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Né à Paris le 12 novembre 1729 , il fit ses études avec succès, et en sortant du collège à l’âge de 22 ans, se faisait également remarquer par ses connaissances dans les langues anciennes, et par ses progrès dans les sciences exactes.

Sa famille l’ayant destiné au barreau, il entreprit l’étude des lois et fut reçu avocat au parlement. Tout en se livrant à ce genre d’étude, et sans interrompre ses travaux sur les mathématiques, pour lesquelles il avait marqué des dispositions peu communes, il voulut entrer dans la carrière militaire et se fit inscrire aux mousquetaires noirs. Quinze jours après sa réception dans ce corps, il publia la première partie de son Traité du calcul intégral pour servir de suite à l’Analyse des infiniment petits, du marquis de l’Hôpital.

Louis-Antoine de Bougainville

Louis-Antoine de Bougainville

En 1755, il entra comme aide-major, dans le bataillon provincial de Picardie. L’année suivante, il devint aide-de-camp de Chevert, qui commandait, en 1754, le camp de Sarrelouis. Il se rendit à Londres dans l’hiver de la même année, avec le titre de secrétaire d’ambassade, et fut reçu membre de la Société royale de cette ville. En septembre 1755, Bougainville rejoignit Chevert au camp de Richemont. Nommé en 1756, aide-de-camp du marquis de Montcalm, chargé de la défense du Canada, il partit de Brest le 27 mars et reçut bientôt le commandement d’un détachement d’élite. Pendant la saison la plus rigoureuse, et par une marche forcée de près de soixante lieues, tantôt à travers des bois impénétrables et sur un terrain couvert de neige, tantôt sur les glaces de la rivière de Richelieu, il s’avança jusqu’au fond du lac du Saint-Sacrement, où il brûla une flotille anglaise sous le fort qui la protégeait. La charge de maréchal-des-logis du plus grand corps d’armée fut la récompense de ce service important.

Le 6 juin 1756, un corps de cinq mille Français se trouvant harcelé par une armée anglaise de vingt-quatre mille hommes, Bougainville ouvrit l’avis courageux de les attendre de pied ferme. On n’eut que vingt-quatre heures pour fortifier un camp retranché. La troupe française s’y arrêta, et repoussa l’ennemi qui, au bout de six heures, se retira avec une perte de six mille hommes. Bougainville y fut blessé à la tête. En novembre suivant, le gouverneur du Canada, qui ne se croyait pas en état de défendre la colonie, l’envoya demander des renforts à la cour de France. Il revint au Canada, en janvier 1759, après avoir reçu du roi le grade de colonel à la suite du régiment de Rouergue, et le titre de chevalier de Saint-Louis. Le marquis de Montcalm le nomma commandant des grenadiers et des volontaires, et lui ordonna de couvrir, avec ces deux corps, la retraite de l’armée française lorsqu’elle se replia sur Québec.

La bataille du 10 septembre 1759, où Montcalm fut tué, ayant fait tomber la colonie au pouvoir des Anglais, Bougainville revint en France, et fut employé, en 1761, à l’armée d’Allemagne, comme aide-de-camp du duc de Choiseul-Stainville. Il s’y distingua tellement que le roi voulant le récompenser d’une manière particulière lui fit don de deux canons, de quatre livres de balle qu’il plaça dans sa terre de Normandie. La paix sur terre et sur mer qui survint en 1762, décida Bougainville à changer de carrière ; nous allons le voir s’illustrer comme navigateur.

On sait que les commerçants de Saint-Malo ont en de tout temps des bâtiments armés en course pour protéger leurs spéculations. Bougainville, qui avait eu des relations avec eux dans ses voyages au Canada, n’eut pas de peine, après la perte de cette colonie, à les convaincre des avantages qu’ils pourraient retirer d’un établissement aux îles Malouines, situées à l’autre extrémité du continent de l’Amérique. Ils consentirent à équiper des navires, et le roi lui accorda le rang de capitaine de vaisseau, avec la permission de fonder à ses dépens un établissement dans ces îles.

Il partit de Saint-Malo, en 1765, avec sa petite flotte. Mais les Espagnols, jaloux de cette colonie naissante qui se formait près de leurs grands établissements, firent valoir, auprès du gouvernement français, leurs droits sur les îles Malouines, et en réclamèrent la possession. Bougainville fut chargé de les leur remettre, à condition que la cour d’Espagne l’indemniserait de ses frais. Louis XV lui donna, pour remplir cette nouvelle mission, le commandement de la frégate la Boudeuse, et il partit de Saint-Malo, le 15 novembre 1766, accompagné de la flûte l’Étoile, chargée de vivres.

Dès qu’il eut rendu les îles Malouines aux Espagnols, il entreprit un voyage autour du monde dont le récit, publié par lui-même, est devenu son plus beau titre de gloire. Il alla relâcher à Montevideo, dans la rivière de la Plate, et s’y trouvait à l’époque où l’on expulsa les jésuites des missions du Paraguay. On trouve dans sa relation les détails de cet événement, qui n’en sont pas la partie la moins intéressante. Il fit ensuite route au sud, et pénétra dans le grand Océan ou mer du sud, par le détroit de Magellan. Ce ne fut qu’à force d‘intrépidité et d‘habileté qu‘il parvint à surmonter les dangers de toute espèce qui le menacèrent dans ce passage périlleux. Il rencontra sur sa route, à près de mille lieues des côtes occidentales d‘Amérique, un groupe d‘îles, qu’il nomma Archipel dangereux, situé entre le 17e degré et le 19e et demi de latitude sud, et dont l’étendue en longitude est d’environ sept degrés. Il reconnut ensuite les îles de la Société, et relâcha à Tahiti, la plus importante de ces îles, et que les Espagnols avaient nommée Sagittaria.

Bougainville hissant les couleurs françaises sur un rocher du détroit de Magellan

Bougainville hissant les couleurs françaises sur un rocher du détroit de Magellan

De là il fit route à l’ouest, découvrit l’archipel des Navigateurs, puis traversa la partie septentrionale d‘un autre archipel, qu’il appela les Grandes-Cyclades, dans la persuasion où il était qu’il l’avait découvert le premier. Mais dès 1606, Quiros avait navigué dans ces parages, et donné aux îles qui s’y trouvent le nom de Terres du Saint-Esprit. Ce sont les mêmes îles que Cook visita en entier en 1774, et qu’il nomma Nouvelles-Hébrides. La Nouvelle-Hollande n’était pas encore bien connue, et Bougainville se flattait de pouvoir sortir du grand Océan, en suivant le parallèle de 15 ou 16 degrés de latitude sud. Il rencontra sur cette route un écueil à fleur d’eau à environ cent vingt lieues de la côte orientale de cette grande île, parvint à l‘éviter, continua sa route à l’ouest et eut connaissance, à quarante-cinq lieues plus loin, d‘un autre récif très étendu.

Le manque de vivres l’empêcha heureusement de s‘engager dans un parage qui pouvait être funeste ; il se dirigea vers le nord, contourna la partie septentrionale de la nouvelle Guinée, et fut arrêté dans cette nouvelle route par une terre inconnue qu‘il nomma la Louisiade. Il évita néanmoins de faire route à l‘ouest, où il aurait trouvé la chaîne continue de récifs qui barrent le détroit situé entre la Nouvelle-Guinée et la Nouvelle-Hollande, et qui cernent cette dernière île presque en entier. Plusieurs frégates anglaises s’y sont perdues depuis, et Cook s’y est vu en danger de périr.

Bougainville fut obligé de lutter contre les vents de sud-est, qui sont constants dans cette partie du globe, et de louvoyer pour passer à l’est des terres de la Louisiade. Enfin il arriva, après une navigation de quinze jours, au cap le plus oriental, qu’il appela le Cap de la Délivrance. Il passa ensuite le détroit de Bougainville, qui sépare les îles Salomon de la grande île qui porte aussi son nom, vint relâcher au port Praslin, près de l’extrémité de la Nouvelle-Irlande, découvrit un grand nombre d‘îles en poursuivant sa route, relâcha encore au port de Cajeli dans l’île Bourou, près d’Amboine, et de là se rendit à Batavia, d’où il fit voile pour la France.

Il arriva à Saint-Malo le 16 mars 1769. Bougainville avait déjà donné un Traité du calcul intégral (1754-1756, 2 volumes). La relation de son Voyage autour du monde par la frégate du roi la Boudeuse, etc., fut publiée à Paris, en 1771 et obtint un succès prodigieux. Elle fut traduite en anglais l’année suivante. L’abrégé en fut traduit en allemand. Cette relation ne fait pas moins d’honneur à l’humanité qu’à l’habileté de Bougainville, qui se plaça par cette campagne au rang des plus illustres navigateurs. Il est le premier Français qui ait fait le tour du monde. Les soins qu’il prit de ses équipages prévinrent les maladies contagieuses, et à son retour en France, il n’avait perdu que sept hommes sur les deux bâtiments qui étaient sous ses ordres.

La Boudeuse

La Boudeuse

Il sut aussi par sa douceur se concilier l’amitié des peuplades autochtones. Trente ans après son départ de l’île Bourou, les Français de l’expédition du contre-amiral d’Entrecasteaux y virent deux vieillards qui l’avaient connu, et qui versèrent des lames d’attendrissement en entendant prononcer son nom. Bougainville commanda avec la plus grande distinction des vaisseaux de ligne, pendant la guerre d‘Amérique. Il fut promu, en 1779, au grade de chef d’escadre, et, l‘année suivante, à celui de maréchal-de-camp dans les armées de terre. Il avait projeté un voyage au pôle, que l’arrivée du comte de Brienne au ministère l’empêcha d’exécuter. En 1790, il fut envoyé pour calmer les troubles qui s’étaient manifestés dans l’armée navale de Brest, commandée par d’Albert de Rioms, qu’il remplaça dans son grade.

Mais dans ces temps de délire, tout effort pour rétablir l’ordre était inutile, et Bougainville se retira, après plus de quarante ans d’éclatants services. Il fut élu à l’Institut dans la section de géographie, en 1796, puis nommé membre du Bureau des longitudes, et accepta le titre de sénateur, lors de la création du sénat. Il mourut le 31 août 1811, dans sa 82e année, laissant trois enfants. Commerson, qui l’avait accompagné, comme botaniste, dans son voyage autour du monde, lui a dédié un des nombreux genres qu’il eut occasion de créer ; il appartient à la famille des nyctagynées ou belles-de-nuit, et a reçu de ce botaniste le nom de Buginvillaea — écrit par la suite Bougainvillea. On a faussement attribué à Bougainville un Essai sur l’île d’O-Taïti, l’ouvrage étant de Taitbout.

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