LA FRANCE PITTORESQUE
29 août 1780 : mort de l’architecte
Jacques-Germain Soufflot
(D’après « Biographie universelle, ancienne
et moderne » (Tome 43), paru en 1825)
Publié le mardi 29 août 2023, par Redaction
Imprimer cet article

Jacques-Germain Soufflot naquit le 22 juillet 1713 à Irancy, près d’Auxerre, de parents riches, qui lui donnèrent une éducation brillante. Son père, lieutenant au bailliage de cette ville, aurait désiré qu’il suivît la même carrière ; mais le jeune Soufflot manifesta de si bonne heure un goût irrésistible pour les beaux-arts, qu’il eût été aussi imprudent qu’inutile de vouloir contrarier sa vocation.

Dès sa plus tendre jeunesse, la vue d’un beau monument, la simple coupe d’une pierre, fixaient son attention pendant des heures entières et lui faisaient oublier tous les autres plaisirs de son âge. Il suivait les maçons et les charpentiers, liait conversation avec les architectes, les questionnait, et quelquefois les étonnait.

Son père prit le sage parti d’encourager le penchant qu’il n’avait pu vaincre. Il lui donna les meilleurs maîtres, puis l’envoya en Italie, à Rome surtout, et jusque dans l’Asie Mineure, pour y étudier les monuments. Soufflot appelait l’Italie le paradis des artistes. De Saint-Aignan, ambassadeur de France auprès du Saint-Siège, le fit admettre au nombre des pensionnaires du roi, à Rome. II avait à peine passé trois années dans cette ville qu’ayant appris que les Chartreux de Lyon voulaient reconstruire leur église, il leur envoya le plan d’un dôme. Cette esquisse parut si parfaite, qu’il fut décidé que le dôme serait construit sur ses dessins ; et, dans la maturité de son âge et de son talent, Soufflot se plaisait à dire que l’ouvrage qui avait commencé sa célébrité était peut-être celui qui la justifiait le mieux.

Jacques-Germain Soufflot, par Louis-Michel van Loo

Jacques-Germain Soufflot, par Louis-Michel van Loo

Quoi qu’il en soit, à son retour d’Italie, il s’arrêta plusieurs années à Lyon, où il fut successivement chargé de construire l’Hôtel du change ; la salle de comédie, l’une des plus belles de France, et enfin l’Hôtel-Dieu. C’est ce dernier monument qui mit le sceau à sa réputation et qui le fit appeler à Paris. Il y fut reçu des académies d’architecture et de peinture. Le roi lui donna le cordon de Saint-Michel, et le nomma contrôleur, puis intendant- général de ses bâtiments.

En 1757, la construction de la basilique de Sainte-Geneviève de Paris fut en quelque sorte mise au concours. Les plans de Soufflot furent adoptés ; mais l’exécution de ce magnifique monument, dont on admirait déjà le portail, la nef et les bas-côtés, ne put être dirigée par lui que jusqu’à la naissance du dôme. Il essuya, au sujet de ce dôme, des contradictions nombreuses et vives, des critiques très amères ; et, quoique l’érection en fût garantie par les calculs les plus scrupuleux et les moins contestables, quoique ses détracteurs fussent des envieux, Soufflot n’eut pas la force de résister à ces injustes tracasseries. Ce qui l’affligea le plus vivement, c’est qu’il trouva des ennemis dans des hommes qu’il avait le plus affectionnés, et qui lui devaient le plus de reconnaissance.

Sa santé en dépérit. Attaqué d’une maladie de langueur, il mourut, peu de temps après, à Paris, dans les bras de son ami, l’abbé de l’Épée, le 29 août 1780, et fut inhumé dans la vieille église de Sainte-Geneviève.

Dans une délibération solennelle, la faculté de droit de Paris, qui devait les dessins et les plans de son École à Soufflot — lequel avait refusé toute espèce d’honoraires —, donne à tous les descendants de Soufflot, portant son nom, le privilège de suivre gratuitement les cours de la faculté. Soufflot construisit également la maison du duc de Lauzun, dans le faubourg du Roule ; le château d’eau de la rue de l’Arbre-Sec, l’Orangerie du château de Ménars, le Trésor et la grande Sacristie de Notre-Dame de Paris. Enfin ce fut sur ses dessins que l’on construisit la grande chaire de cette basilique, qui fut remarquée par l’élégance et la nouveauté de ses formes.

Malgré son désintéressement, Soufflot laissa, en mourant, une grande fortune à son frère et à ses sœurs. Il fit, par son testament, des legs assez considérables à quelques amis, et notamment à Joseph Vernet, qu’il nomma son exécuteur testamentaire. Il était d’un caractère vif et brusque ; mais il avait le cœur aimant, noble et généreux. On l’appela le bourru bienfaisant. Sa passion pour l’architecture ne lui avait fait négliger ni la peinture, ni l’art statuaire, ni même la littérature. Il avait traduit en vers, avec autant de grâce que de précision, plusieurs morceaux de Métastase. II avait fait lui-même son épitaphe, en quatre vers, qu’on a placés au-bas de son portrait, et qui le peignent fidèlement :

Pour maître, dans son art, il n’eut que la nature ;
Il aima qu’au talent on joignît la droiture :
Plus d’un rival jaloux, qui fut son ennemi,
S’il eût connu son cœur, eût été son ami.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE