LA FRANCE PITTORESQUE
25 août 1270 : mort du roi de France
Saint-Louis en Afrique
(D’après « Éphémérides politiques, littéraires et religieuses présentant, pour
chacun des jours de l’année un tableau des événements, etc. », édition de 1812)
Publié le mercredi 24 août 2016, par Redaction
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Louis IX, fils de Louis VIII et de Blanche de Castille, avait succédé à son père en 1226, sous la tutelle de sa mère, qui réunit pour la première fois les qualités de tutrice et de régente. Louis IX paraissait un prince destiné à réformer l’Europe si elle avait pu l’être ; à rendre la France triomphante et policée et à être en tout le modèle des hommes. Sa piété, qui était celle d’un anachorète, ne lui ôta aucune vertu de roi.

Une sage économie ne déroba rien à sa libéralité ; il sut accorder une politique profonde avec une justice exacte, et peut être est-il le seul souverain qui mérite cette louange ; prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats sans être emporté, compatissant comme s’il n’avait jamais été que malheureux, il n’est pas donné à l’homme de porter plus loin la vertu.

Il ne manqua alors à la France, pour être la plus heureuse de toutes les nations, que de jouir toujours de la présence de son souverain ; mais elle fut malheureuse par les vertus mêmes qui devaient faire le bonheur du monde. L’an 1244, Louis, attaqué d’une maladie violente, crut entendre une voix qui lui ordonnait de prendre la croix contre les infidèles ; à peine put-il parler, qu’il fit vœu de se croiser ; la reine sa mère, la reine sa femme, son conseil, tout ce qui l’approchait, sentit le danger de ce vœu funeste. L’évêque de Paris même lui en représenta les dangereuses conséquences ; mais Louis regardait ce vœu comme un lien sacré qu’il n’était pas permis aux hommes de rompre.

Décès du roi Saint-Louis

Décès du roi Saint-Louis

Il laisse à sa mère le gouvernement du royaume, et part avec sa femme et ses trois frères que suivent aussi leurs épouses ; presque toute la chevalerie de France l’accompagne. Louis, en descendant sur les côtes d’Egypte, signale son arrivée par une victoire. Celle de la Massoure donne encore aux Sarrasins une plus haute idée de son courage ; ce fut là qu’on le vit pleurer et venger la mort du comte d’Artois son frère ; mais bientôt la fortune change, une famine cruelle désole l’armée ; pour comble de malheur, Louis est pris avec ses deux frères ; il avait été modeste dans ses prospérités, il fut grand dans les fers. Sa liberté coûta cher à l’Etat : on ne pouvait racheter à un trop haut prix un si grand prince ; il fut délivré ; mais il alla encore perdre, en Palestine, quatre années qu’il aurait pu consacrer au bonheur de ses sujets.

Enfin, la mort de la reine mère le force de revenir en France ; le vaisseau sur lequel il s’était embarqué heurta contre des rochers avec tant de violence, qu’il y eut trois toises de la quille emportées ; on pressa le monarque de passer sur un autre ; il refusa en disant : « Qu’il aimait mieux périr avec tous ceux qui l’accompagnaient, que de sauver sa vie aux dépens de celle des autres. »

Arrivé heureusement en France, il reçut un honneur qu’on ne peut rendre qu’à un roi vertueux. Le roi d’Angleterre, Henri III, et ses barons, le choisirent pour arbitre de leurs querelles ; il prononça l’arrêt en souverain ; et si cet arrêt, qui favorisait Henri III, ne put apaiser les troubles d’Angleterre, il fit voir au moins à l’Europe quel respect les hommes, ont, malgré eux, pour la vertu. Son frère, le comte d’Anjou, dut à la réputation de Louis et au bon ordre de son royaume, l’honneur d’être choisi par le pape pour roi de Sicile, honneur qu’il ne méritait point par lui-même.

Louis avait augmenté ses domaines de l’acquisition de Namur, de Péronne, d’Avranches, de Mortagne, du Perche ; il pouvait ôter aux rois d’Angleterre tout ce qu’ils possédaient en France ; les querelles de Henri III et de ses barons lui en facilitaient les moyens ; mais il préféra la justice à l’usurpation.

Treize ans de sa présence avaient réparé en France tout ce que son absence avait ruiné ; mais sa passion pour les croisades l’entraînait : il part une seconde fois, et à peu près avec les mêmes forces ; mais ce n’est plus ni du côté de la Palestine, ni du côté de l’Egypte qu’il tourne sa dévotion et ses armes ; il fait cingler sa flotte vers Tunis. Son frère Charles d’Anjou, roi de Naples et de Sicile, ambitieux, cruel, intéressé, faisait servir la simplicité héroïque de Louis à ses desseins : il voulait devenir maître du royaume de Tunis, et rendre ces côtes d’Afrique tributaires de son royaume de Sicile, comme elles l’avaient été du temps de Roger, prince normand. L’armée française va donc débarquer dans les Etats du roi de Tunis vers les ruines de Carthage.

Mais bientôt le roi est assiégé lui-même dans son camp, par les Maures réunis. Les mêmes maladies que l’intempérance de ses sujets transplantés et le changement de climat avaient attirées dans son camp en Egypte, désolèrent son camp de Carthage. Un de ses fils, né à Damiette pendant sa captivité, mourut de cette contagion devant Tunis. Enfin le roi en fut attaqué ; il se fit étendre sur la cendre, et expira à l’âge de cinquante-cinq ans, avec la piété d’un religieux et le courage d’un grand homme. Ce n’est pas un des moindres jeux de la fortune, que les ruines de Carthage aient vu mourir un roi chrétien, qui venait combattre des Musulmans dans un pays où Didon avait apporté les Dieux des Syriens.

Ce fut Saint Louis qui fit bâtir à Paris l’hôpital des Quinze-Vingts, après son premier voyage de la Terre-Sainte, pour y loger trois cents gentilshommes auxquels les infidèles avaient crevé les yeux. Il avait donné ordre de dresser dans les provinces un état des pauvres laboureurs qui ne pouvaient travailler, et de pourvoir à leur subsistance. Il se dérobait souvent à ses courtisans pour exercer quelque œuvre de charité, ou pour prier en silence ; on s’en plaignait quelquefois : « Ah ! disait-il, si j’employais les moments dont on me reproche l’inutilité, au jeu ou à d’autres plaisirs , on me le pardonnerait. »

La malheureuse expédition dans laquelle périt Saint-Louis fut la sixième et la dernière des croisades ; le malheur qui l’avait terminée éteignit cet enthousiasme religieux qui avait dépeuplé l’Europe pendant deux siècles.

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