LA FRANCE PITTORESQUE
18 août 1572 : cérémonies du mariage
de Henri IV, alors roi de Navarre
(D’après « Histoire générale de France depuis les temps les plus
reculés jusqu’à nos jours » (tome 4) par Abel Hugo, paru en 1841)
Publié le samedi 13 août 2016, par Redaction
Imprimer cet article

Quelques semaines plus tôt, la reine de Navarre, Jeanne d’Albret, nièce de François Ier et mère de Henri de Navarre, futur Henri IV, était de retour à Paris et avait hâte de voir son fils marié pour le ramener dans ses États ; mais pendant qu’elle pressait avec activité les préparatifs des noces, elle fut atteinte d’une pleurésie dont elle mourut après cinq jours de maladie, le 9 juin 1572.

« Le roi [Charles IX, frère de Marguerite de Valois promise au futur Henri IV] témoigna beaucoup de douleur de cette mort ; il en porta le deuil et commanda que le corps fût ouvert pour savoir là cause de sa mort. On trouva que, de longue main, les poumons étaient ulcérés ; que le travail et les grandes chaleurs avaient allumé une fièvre continue ; mais plusieurs ont cru que le mal était au cerveau, et qu’elle avait été empoisonnée en une paire de gants parfumés », écrit l’historien Matthieu. L’opinion populaire accusa de cet empoisonnement Catherine de Médicis elle-même, et Pierre de L’Etoile, qui recueillait avec soin toutes les historiettes de son temps, dit que l’empoisonneur fut le parfumeur de la reine-mère Catherine, messire René, Italien qui demeurait sur le pont Saint-Michel.

Marguerite de Valois, fille de Henri II, soeur de Charles IX et femme du futur Henri IV. Dessin de François Clouet (1559)

Marguerite de Valois, fille de Henri II, soeur de Charles IX et femme
du futur Henri IV. Dessin de François Clouet (1559)

Henri de Béarn était en route pour rejoindre sa mère à Paris, lorsque, étant arrivé à Chaunay, en Poitou, il apprit sa mort. Cette nouvelle l’accabla ; il fut aussitôt saisi d’une fièvre violente, et quand la maladie cessa, il refusa d’abord de continuer son voyage. Les invitations réitérées de Charles IX, les lettres de l’amiral Gaspard de Coligny lui-même le décidèrent enfin à venir à la cour. Le jeune roi de Navarre entra à Paris avec une suite nombreuse, vêtue comme lui d’habits de deuil, triste présage de nouvelles infortunes.

Le pape Pie V, mort le 1er mai précédent, avait obstinément refusé les dispenses nécessaires pour le mariage du prince protestant avec la princesse catholique. Grégoire XIII, son successeur, envoya un bref que le cardinal de Bourbon, chargé de célébrer l’acte religieux, ne trouva pas assez clair : il fallut différer ; mais bientôt des deux parts, étant convenu de passer outre, on supposa, pour calmer les scrupules du cardinal, une lettre de l’ambassadeur du roi à Rome, annonçant l’envoi de la dispense dans toutes les règles, et les fiançailles se firent au Louvre le 16 août.

Le mariage eut lieu le lendemain. « Il y avait devant le temple de Notre-Dame un grand échafaud, duquel on entrait en un plus bas, pour passer toute la nef, jusques au chœur, et de là à un autre, qui par une poterne menait dedans l’évêché ; tout cela bien garanti de la foule, par balustres. Deux jours après les fiançailles (le 18 août), le roi [Charles IX] et la reine sa mère [Catherine de Médicis], accompagnés des princes du sang, ceux de Lorraine et officiers de la couronne, vinrent prendre la mariée à l’évêché.

« De l’autre côté marcha le roi de Navarre avec ses deux cousins, l’amiral, le comte de La Rochefoucauld et autres. Ces deux bandes s’étant rendues en même temps sur l’échafaud, le cardinal de Bourbon observa les paroles et cérémonies à lui prescrites, et puis les réformés, durant que la mariée oyait la messe, se promenèrent au cloître et à la nef. Là le maréchal Damville, ayant montré au haut de la voûte les drapeaux gagnés à Montcontour, l’amiral répondit : Il faudra bientôt arracher ceux-là, pour y en loger de mieux séants, voulant parler de ceux qu’il espérait gagner sur les Espagnols.

« Après la messe finie, dit l’historien Davila (témoin oculaire), les huguenots furent rappelés par le maréchal Damville, et le mariage fut béni par le cardinal de Bourbon. Dans cette occasion, plusieurs remarquèrent que quand il demanda à Madame Marguerite si elle voulait prendre le roi de Navarre pour époux, elle ne répondit rien, mais le roi son frère, mettant la main sur elle, la força à baisser la tête. Ce mouvement fut interprété comme si elle avait donné son consentement ; mais elle, et devant, et depuis, toutes les fois qu’elle pouvait parler librement, déclarait qu’elle ne consentait point ni à renoncer au duc de Guise, auquel elle avait précédemment engagé sa foi, ni à prendre pour mari un ennemi capital de ce duc. »

Mariage de Marguerite de Valois et de Henri de Navarre, futur Henri IV. Illustration d'Hermann Vogel (1907)

Mariage de Marguerite de Valois et de Henri de Navarre, futur Henri IV
Illustration d’Hermann Vogel (1907)

La reine Marguerite, dans ses Mémoires, n’a pas consigné cet incident singulier, bien qu’elle se soit étendue avec complaisance sur d’autres détails :

« Nos noces, dit-elle, se firent avec autant de triomphe et de magnificence que de nulle autre de ma qualité. Le roi de Navarre et sa troupe y ayant laissé et changé le deuil en habits très riches et beaux, et toute la cour parée, moi habillée à la royale avec la couronne et couet d’hermine mouchetée — pièce d’hermine qui prenait au-dessous la poitrine et allait en s’arrondissant jusqu’à la ceinture — qui se met au devant du corps, toute brillante des pierreries de la couronne, et le grand manteau bleu a quatre aulnes de queue porté par trois princesses ; les échafauds dressés à la coutume des noces des filles de France depuis l’évêché jusqu’à Notre-Dame, et parés de drap d’or, le peuple s’étouffant en bas à regarder passer sur cet échafaud les noces et toute la cour. Nous vînmes à la porte de l’église, où M. le cardinal de Bourbon, qui faisait l’office ce jour-là, nous ayant reçus pour dire les paroles accoutumées en tel cas, nous passâmes sur le même échafaud jusqu’à la tribune qui sépare la nef d’avec le chœur. »

Marguerite, sans donner d’autres détails sur la célébration de son mariage, termine son récit en disant :« Nous étant ainsi mariés, la fortune, qui ne laisse jamais une félicité entière aux humains, changea bientôt cet heureux état de triomphe et de noces en un tout contraire. » Quelques jours plus tard (24 août) avait lieu le massacre de la Saint-Barthélemy.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE