LA FRANCE PITTORESQUE
16 août 1755 : le Dauphin, père
de Louis XVI, tue par mégarde
un de ses écuyers
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Publié le jeudi 16 août 2012, par Redaction
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Le Dauphin revenait de chasser la perdrix à Villepreux : ayant voulu décharger son fusil avant de monter en carrosse, il ne s’aperçut pas que M. de Chambors, son écuyer de service, s’avançait en ce moment pour lui donner la main. Chambors reçut le coup, qui le renversa par terre. On ne saurait peindre la désolation et le désespoir du dauphin à la vue de ce terrible accident. Chambors lui dit : « Ma vie n’est-elle pas à vous ? Ne devait-elle pas être sacrifiée à votre service ? »

Louis de France, père de Louis XVI

Louis de France, père de Louis XVI. Peinture
d’Anne Baptiste Nivelon

Ces sublimes paroles servaient encore à redoubler le désespoir du prince ; il aida lui-même à remettre le malheureux Chambors dans la voiture qui devait le ramener à Versailles ; il voulait y monter avec lui ; Chambors s’y opposa, et lui dit : « Monseigneur, je vous recommande ma femme et l’enfant qu’elle porte. » Dès qu’on est arrivé à Versailles, le dauphin fait dire à Chambors, que s’il peut supporter sa vue, il veut aller lui rendre tous les services qui dépendront de lui. Chambors le supplie de s’épargner un spectacle qui lui serait trop sensible, et le conjure de modérer sa douleur.

Le célèbre Moreau, premier chirurgien de l’Hôte-lDieu, accourt, par ordre du prince, employer tout son art pour conserver la vie à Chambors ; mais tous ses soins sont inutiles ; la blessure était mortelle, et le malheureux Chambors expire le 21 août suivant, dans la vingt-neuvième année de son âge, laissant sa veuve, âgée de vingt-un ans, grosse de quatre mois. Le dauphin écrivit la lettre suivante à cette veuve désolée : « Vos intérêts, madame, sont devenus les miens ; vous me verrez toujours aller au devant de ce que vous pouvez souhaiter ; et pour vous, et pour cet enfant que vous allez mettre au jour, je serais bien fâché que vous vous adressassiez à d’autres qu’à moi ; ma seule consolation dans l’horrible malheur dont je n’ose me retracer l’idée, est de contribuer à adoucir, autant qu’il dépendra de moi, la douleur que vous ressentez, et que je ressens comme vous-même. »

Le dauphin tint sur les fonts de baptême, le fils dont madame de Chambors accoucha cinq mois après la mort de son mari ; il s’intéressa toujours vivement au sort de cet enfant, à la situation de sa mère, et à celle toutes les personnes qui lui appartenaient.

Quatre ans après la mort de M. de Chambors, sa veuve ayant désiré se présenter au dauphin avec son fils, voici quelle fut la réponse du prince : « Puisque vous avez, madame, le courage de me voir, je ne puis refuser de renouveler par votre présence des idées si affligeantes pour moi, que le temps ne saurait les effacer ; c’est une suite de mon malheur, dont je ne puis me plaindre, et que je dois supporter toutes les fois que je pourrai adoucir le vôtre, et exaucer quelqu’un de vos désirs. Je charge l’abbé de Marbœuf de vous remettre ou envoyer ma lettre, et de vous proposer de venir mardi prochain, si ce jour vous convient. »

Le dauphin s’interdit, pour le reste de sa vie, le plaisir de la chasse, et fut toujours inconsolable d’avoir fait innocemment une veuve et un orphelin.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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