LA FRANCE PITTORESQUE
1er juillet 1690 : bataille
et victoire de Fleurus
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Publié le jeudi 30 juin 2016, par Redaction
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Il s’agit d’une bataille — désignée également sous l’appellation de Bataille de la guerre de la ligue d’Augsbourg — opposant l’armée française commandée par le maréchal de Luxembourg, aux armées d’une coalition rassemblant les Provinces-Unies, les Impériaux, l’Espagne et l’Angleterre commandées par le général allemand Waldeck.

Si, durant la campagne de 1689, les Français furent réduits aux opérations défensives, dès que la campagne de 1690 s’ouvrit, le maréchal de Luxembourg ne tarda pas à changer en Flandre la face des affaires. Informé que Waldeck, général courageux et intelligent, mais irrésolu, indolent, apathique même, était campé derrière la Sambre, Luxembourg, qui avait un génie ardent, une imagination prompte, un coup d’œil juste, et quelques traits du grand Condé, dont il était l’élève, passa la rivière, et alla le 30 juin se poster à Vilaine, à environ une demi-lieue des ennemis.

Plan de la bataille de Fleurus

Plan de la bataille de Fleurus

Le lendemain 1er juillet, l’armée française se mit en marche sur cinq colonnes, et se trouva à huit heures du matin en présence de l’ennemi, qui, pendant la nuit, s’était préparé au combat. L’armée impériale avait sa droite sur les hauteurs, entre Heppignies et Wangenies ; sa gauche s’alignait de Vagnée à Saint-Amand ; devant elle était Fleurus ; son artillerie était placée sur les hauteurs, et son front couvert par deux ruisseaux. L’armée française, rangée en bataille, s’étendait entre Vilaine et Fleurus ; la cavalerie de l’aile gauche avait sa droite devant ce village ; l’infanterie occupait le terrain entre l’aile gauche et Ligny ; l’aile droite s’étendait de Ligny à Boignée ; l’infanterie était formée sur six hommes de profondeur, avec les piquiers au centre des bataillons.

Luxembourg, qui avait autant d’infanterie et plus de cavalerie que Waldeck, observant que ce général n’avait aucun corps d’observation pour l’avertir des mouvements des Français sur ses dernières, résolut de le tourner : cette manœuvre, heureusement exécutée, fut décisive.

Tandis qu’une attaque vigoureuse de front, appuyée par le feu de trente pièces d’artillerie, attirait toute l’attention de l’armée impériale autour de Fleurus, Luxembourg, marchant avec rapidité sur sa droite, s’avança jusqu’à l’arbre des Trois-Buvettes, sur la grande chaussée, et rangea sa cavalerie en bataille. Waldeck, en apprenant ce mouvement sur ses arrières, accourut pour s’y opposer. A son approche, Luxembourg mit le duc du Maine à la tête de la cavalerie de droite, et le duc de Choiseul à la tête de celle de gauche ; il plaça dans leurs intervalles trois bataillons et cinq canons, et remplit un grand vide à sa gauche, par neuf bataillons de la seconde ligne, protégés par trente pièces de canon.

La cavalerie impériale, ne pouvant soutenir l’impétuosité des charges de la cavalerie française, fut en un instant rompue et .dispersée. L’infanterie de Waldeck, mêlée dans ses escadrons, effrayée de cette défaite, se retira en hâte, et éprouva de grandes pertes. Pendant ce succès de la droite française, la gauche reçut l’ordre d’attaquer ; mais le passage des ruisseaux qui la séparaient de la droite des ennemis y ayant causé du désordre, et son commandant, M. de Gournai, ayant été tué, elle fut forcée à la retraite jusqu’à Fleurus, où elle se rallia.

Le prince de Waldeck, au lieu de poursuivre alors son succès, et d’attaquer le centre de l’armée française, dont il pouvait, en passant la Sambre, prendre les bagages, détacha de son aile droite la cavalerie de la seconde ligne pour renforcer sa gauche, qui était très maltraitée. Luxembourg profita habilement de cette faute capitale : il ordonna à sa cavalerie ralliée de s’étendre, pour déborder le front des troupes ennemies ; tint les Impériaux et les Hollandais, malgré leurs efforts, enfermés dans les villages où il les avait repoussés, et fit avancer de nouveau son aile droite pour décider la journée.

Bataille de Fleurus le 1er juillet 1690

Bataille de Fleurus le 1er juillet 1690. Estampe de 1691

A la vue de ce mouvement, secondé par le centre et la gauche de l’armée française, Waldeck ordonna la retraite. Tilladet, qui avait remplacé de Gournay, culbuta les troupes chargées de la protéger ; les corps ennemis laissés dans les châteaux et les villages, séparés du gros de leur armée par ce mouvement rapide, ne purent opposer qu’une faible résistance. Luxembourg, se contentant de les faire investir, tourna ses efforts contre l’aile gauche ennemie, composée de quatorze bataillons espagnols, protégés à droite et à gauche par de la cavalerie, et ce noyau, autour duquel auraient pu se reformer les débris de l’armée vaincue, chercha son salut en se dispersant dans les bois.

Waldeck, abandonnant le champ de bataille couvert de morts, de blessés, de fuyards, se retira d’abord à Charleroi, ensuite à Bruxelles. Cette journée lui coûta 6 000 morts ; il eut 9 000 blessés, et laissa au pouvoir des Français 8 000 prisonniers, parmi lesquels plus de 700 officiers, 49 pièces de canon, 200 chariots remplis de munitions, et 200 drapeaux ou étendards.

« Je n’ai vu, dit un officier qui parcourut le champ de bataille après la victoire de Fleurus, sur le visage des Allemands et des Hollandais gisant dans la poussière, que l’image de la mort toute plate ; mais la fureur et la rage étaient peintes sur la figure des Français ; ils semblaient encore menacer « l’ennemi et le vouloir égorger. »

Parmi les actions courageuses qui marqueront cette bataille mémorable, on distingua celle de Guesne, guidon de gendarmerie. Abattu d’un coup de sabre, cet officier fut un moment sans connaissance ; rappelé à la vie, son premier regard tomba sur son drapeau, qu’avaient enlevé des soldats ennemis ; le désir de l’arracher de leurs mains lui rendit son audace et sa force : il fondit sur les impériaux, reprit son étendard, et rejoignit son corps au milieu des applaudissements.

Le lieutenant général Dumetz, le plus habile ingénieur de la France après Vauban, fut enveloppé par la cavalerie impériale, et tué sur le refus qu’il fit de se rendre. Le roi en faisait un cas particulier. Il avait, quelque temps auparavant, rendu à sa valeur une justice éclatante. Dumetz était d’une grande laideur ; la dauphine l’apercevant, dit tout bas à Louis XIV : « Voilà un homme qui est bien laid. — Et moi, répondit le roi, je le trouve bien beau ; c’est un des hommes les plus braves de mon royaume. »

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