LA FRANCE PITTORESQUE
Arbre de la Liberté dépouillé
de ses cocardes et rubans tricolores,
vol de bonnets de police
(D’après Gazette des tribunaux paru en 1794)
Publié le dimanche 10 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Un jugement du Tribunal d’appel de la police correctionnelle en date de 1794 nous apprend qu’ivres sans doute, les dénommés Lemaire et Ducand aperçoivent au sortir d’un cabaret, l’arbre de la Liberté planté devant le corps-de-garde, qui se trouve à l’extrémité du Pont-au-Change. Ducand forme le projet de monter au haut de cet arbre...
 

Lemaire l’en défie ; Ducand croit que son honneur lui défend de reculer. Il s’élève jusqu’à la cime de l’arbre, et en arrache des cocardes et des rubans aux couleurs nationales. Lemaire veut imiter son collègue ; la garde nationale s’y oppose. Lemaire répond par des injures ; on l’arrête ; on arrête Ducand ; on arrête Perrotot et Vescel, surpris dans l’attroupement qu’avaient excité cette audace et cette profanation.

Au corps-de-garde, Lemaire outrage les volontaires, s’oubliant même au point d’en frapper plusieurs. On les conduit tous devant le commissaire de police. Perrotot et Vescel donnant la caution qu’exige la loi, conservent leur liberté, mais le commissaire met en état d’arrestation Ducand et Lemaire.

Le Tribunal de la police correctionnelle condamne Ducand à trois mois d’emprisonnement dans la maison de correction, Lemaire à la même peine et à 50 livres d’amende, défendant à Vescel et à Perrotot de récidiver ; et comme ils se sont représentés, il prononce la décharge de leurs cautions. Ordre est donné d’imprimer le jugement à 100 exemplaires, dont 10 seront affichés aux frais de Lemaire et Ducand. En outre, il est exigé que les rubans et cocardes arrachés de l’arbre de la Liberté, soient remis à la garde nationale.

Mais Lemaire et Ducand interjettent appel de ce jugement, invoquant les deux motifs suivants : ils prétendent non seulement qu’ils étaient ivres, et qu’il n’existe par ailleurs aucune preuve du délit qu’on leur impute. La Gazette des tribunaux attire l’attention du lecteur sur le fait que l’ivresse n’opère point d’excuse légale ; qu’en outre les déclarations et dépositions des témoins étaient tranchantes et décisives.

Plantation d'un arbre de la Liberté

Plantation d’un arbre de la Liberté

Le commissaire national conclut à la confirmation du jugement. Le Tribunal, attendu qu’il résulte, tant du procès-verbal, dressé par le commissaire de police, que des dépositions des témoins, que Nicolas Ducand a excité du tumulte et a troublé la tranquillité publique en montant à l’arbre de la Liberté qui venait d’être planté au-devant du corps-de-garde, étant au bas du Pont-au-Change, et en arrachant une cocarde et des rubans aux couleurs nationales, ce qui est une profanation du signe de la liberté, et qu’il a encouru la peine portée par l’article 28 du titre 2 de la loi sur la police correctionnelle.

Attendu pareillement, qu’il résulte du même procès-verbal, et des dépositions des témoins, que François Lemaire a outragé, et même frappé la garde nationale en fonctions, et qu’il a encouru les peines portées par les articles 19 et 20 de la même loi.

Met l’appellation au néant : ordonne que le jugement, dont est appel, soit exécuté selon sa forme et teneur ; condamne les appelants à l’amende. Ordonne que ce jugement soit imprimé, au nombre de 100 exemplaires, et affiché au nombre de 10, aux frais de Ducand et Lemaire.

Un jugement du Tribunal criminel du département de Paris nous apprend que les gardes d’un magasin national, établi dans la maison du bon Pasteur, rue du Cherche-Midi, assurés de la disparition de différents objets, chemises, guêtres, etc., s’attachent à en découvrir la cause. Montois, garçon du magasin, avait vendu deux bonnets de police, à raison de 3 livres le bonnet, l’un à Mau, l’autre à un postillon. Il en était convenu. On le soupçonne du vol des effets qui manquent. On le questionne. Il affirme qu’il n’a rien pris.

On lui propose de faire une perquisition dans sa chambre. Il n’ose s’y refuser. Guyard, garde-magasin, plusieurs de ses confrères, et quelques garçons, s’y transportent. Ils y trouvent sept bonnets de police, sept chemises et huit paires de bas, deux des bonnets portant l’empreinte de l’administration, et les noms, l’un d’Echian, l’autre de Soulier : c’étaient des échantillons destinés à rester dans le magasin.

On porte ces objets au comité de police de la section du Bonnet Rouge, où l’on conduit Montois. Il soutient que les effets trouvés dans sa chambre lui appartiennent ; que des fournisseurs lui ont donnné les bonnets de police à l’époque où il était garçon d’un autre magasin, du magasin de Trainel. Le commissaire l’envoie au directeur du juré d’accusation du sixième arrondissement. Dans son interrogatoire, le prévenu réitère ses déclarations, mais les questions pressantes du directeur lui arrachent l’aveu du vol des deux bonnets marqués de l’empreinte de l’administration. « Je me suis rendu coupable de ce délit, ajoute Montois, parce que j’étais ivre ».

L’acte d’accusation mentionne qu’à l’audience, le débat dissipe jusqu’à l’ombre du doute. Le juré de jugement déclare : « 1° Qu’il a été pris des bonnets de police, dans un magasin appartenant à la Nation ; 2° Que Montois est convaincu de les avoir pris ; 3° Qu’il les a pris dans l’intention de voler ; 4° Que la valeur des effets volés est de 10 livres et au-dessus ».

Le Tribunal, après avoir entendu l’accusateur public, condamne Daniel-Joseph Montois, à la peine de quatre années de fers, conformément à l’article 6 de la section 5 du titre I de la seconde partie du Code pénal, dont il a été fait lecture. Le condamne, en outre, à être préalablement exposé aux regards du peuple pendant six heures, etc., conformément à l’article 28 du titre premier de la première partie du même code. Ordonne que tous les bonnets de police, déposés au greffe, pour servir de pièces à conviction, soient rendus à Guyard, garde-magasin national, à qui ils avaient été confiés.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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