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Dire des coq-à-l’âne
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Publié le vendredi 13 janvier 2017, par Redaction
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Un coq-à-l’âne est un discours sans suite, incohérent, qui n’a aucun rapport au sujet dont on s’entretient
 

Supposons qu’une personne parlant d’un coq viendrait brusquement à parler d’un âne, il sauterait du coq à l’âne. Le coq-à-l’âne ne se compose pas seulement d’une sottise isolée, comme le calembour et le quolibet, mais d’une série de sottises réunies sans aucune liaison.

Au XVe siècle on appelait ainsi de petits poèmes français où l’on passait, sans aucune suite, d’un sujet à un autre. Voici un sizain qui se trouve dans un ouvrage d’un auteur de ce siècle, appelé Lacurne :

Par mon serment
De moy vraimet,
Vous vous raillez ;
Trop vous faillez (vous vous trompez),
Car vous saillez (sautez)
Du coq en l’âne évidemment.

Ces plaisanteries ont fait le charme de nos aïeux et l’on en trouve des traces dans les fabliaux des XVe et XVIIe siècles. Burchiello, poète italien, a excellé dans ce genre et son commentateur Doui est allé encore plus loin en extravagance. Guillaume du Sable, écrivain du XVIIe siècle, a publié sous cette forme une satire des affaires du temps où il parle même d’une façon cynique du pape, des rois et de la Sorbonne.

« La plupart des gens, dit un auteur appelé de Jouy, font des coq-à-l’âne comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir. » Voici un quatrain de Regnard à ce sujet :

Pour être un bel esprit,
Il faut avec mépris écouter ce qu’on dit,
Rêver dans un fauteuil, répondre en coqs à l’ânes,
Et voir tous les mortels ainsi que les profanes.

Il faut remarquer que Regnard a écrit le mot ânes au pluriel, ce qui peut s’excuser pour la versification, mais qui ne doit pas exister sous le rapport grammatical, puisque le mot âne est accompagné de l’article singulier. Rabelais (XVIe siècle) a usé et même abusé du coq-à-l’âne.

Reste à déterminer l’origine de cette locution. Elle viendrait, dit-on, de l’histoire d’un coq et d’un âne qui, voyageant ensemble en compagnie d’un chat, faisaient la nuit un grand vacarme dont le résultat était une confusion indescriptible.

Ce qui pourrait donner de l’authenticité à cette histoire, c’est qu’elle se trouve dans le recueil des contes de Grimm (XVIIIe siècle). Le poète satirique Marot, du XVIe siècle, disait : « Je te supplie de m’excuser si du coq à l’asne vais sautant », et dans l’auteur Du Bellay, du même siècle, on trouve cette phrase : « Autant te dy-je des satyres que les Français, je ne sçay comment, ont appelées cocs à l’asnes. »

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