LA FRANCE PITTORESQUE
Carême national, civique
et politique en 1794 (Projet d’un)
(D’après « La Revue savoisienne », paru en 1888)
Publié le dimanche 10 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Les archives de la Mairie d’Annecy possèdent une pièce curieuse qui montre que l’administration du district de la ville avait pris, le 13 avril 1794, un arrêté en vue d’établir un carême. Il serait intéressant de retrouver cet arrêté pour en connaître les motifs et de savoir s’il y fut donné suite. Il serait également intéressant de savoir ce qu’étaient ces sociétés populaires du département dont il est question dans ce document, et qui se proposaient d’acheter beurres et fromages. Etaient-ce déjà des sociétés coopératives de consommation ? Voici cette pièce :

« Du second floréal an second de la République, une, indivisible et démocratique [21 avril 1794]. Le Conseil général de la commune d’Annecy dûment convoqué et assemblé dans la salle ordinaire de ses séances. Présidence du citoyen Jean-Pierre Dussollier, premier Officier Municipal ; assistants, les citoyens François Favre, Maire, Burnod, Rosset, Buttin, Balleydier, Pacthoud et Masson, Officiers Municipaux, Brunier, agent national près la commune. Nycollin, Collomb, Lachenal Jean, Favre Bernard, Perret, Vayrat, Salomon, Boch, Dunand et Garbillon, notables ; ces membres absents, malades et en commission. Lecture faite du procès-verbal de la dernière séance, la rédaction en a été adoptée. Lecture faite de l’arrêté de l’administration de ce district, du vingt-quatre germinal dernier [13 avril] concernant un carême national, civique et politique.

Troupeau passant le gué. Peinture de Constant Troyon

Troupeau passant le gué. Peinture de Constant Troyon

« Le Conseil général, considérant que l’article cinq du dit arrêté ne paraît pas s’accorder avec le décret du second vendémiaire dernier qui porte que les ventes et achat de bétail sur pied continueront de se faire de gré à gré, comme elles ont eu lieu avant et depuis la loi des onze et vingt-neuf septembre dernier.

Considérant que la défense de tuer des bestiaux dans ce district pourrait engager des propriétaires de ceux qu’ils destinent à la boucherie, de les aller vendre dans des districts voisins, et peut-être encore de chercher à les exporter hors du territoire de la République et même de les estropier pour se soustraire au dit arrêté, ou parce qu’ils n’auraient pas de quoi les nourrir, ou parce qu’ils auraient besoin de s’en défaire pour fournir à leurs autres besoins.

« Considérant que les fruits, légumes et jardinage d’hiver sont consommés ou hors d’usage [ou ne peuvent servir] pour la nourriture des habitants, et que ce ne sera que dans quelques mois qu’on pourra percevoir ceux de la belle saison. Considérant qu’en s’abstenant de viande, la consommation des grains deviendrait nécessairement beaucoup plus grande, tandis qu’il faudrait au contraire chercher à la diminuer, vu leur pénurie, qui va augmenter de jour en jour surtout eu égard à la défense relative aux veaux qui en même temps qu’elle nécessite leur nourriture en farines pendant un certain temps [il s’agit probablement ici d’un récent arrêté défendant la vente des veaux âgés de quelques jours seulement], diminuera très sensiblement le produit du beurre et du fromage, subsistances qui deviendraient néanmoins toujours plus nécessaires par la privation de la viande, et dont la rareté sera encore plus considérable par les achats en ce genre que se proposent de faire différentes sociétés populaires du département.

« Considérant qu’il ne se consomme ordinairement dans cette commune et même dans le reste du district, que des bestiaux devenus inutiles ou à charge, et qu’il arrive rarement qu’on y en prépare et engraisse pour les boucheries, et qu’ainsi en suspendant l’abatage des dits bestiaux, il n’en résulterait pas le profit que d’abord l’on pourrait s’imaginer. Considérant que lorsque la Commission des subsistances, d’après les tableaux du recensement des grains de ce district a pensé qu’il en avait assez, elle a compté sans doute, notamment sur le débit de la viande et sur ses ressources en cette partie. Considérant enfin qu’une mesure prohibitive qui n’atteindrait qu’une section de la République, relativement à une denrée de première nécessité, pourrait devenir dangereuse, ou produire l’avantage des uns au préjudice des autres citoyens, sans qu’il en résultât un bien pour la République entière, et que tout au moins l’utilité d’une pareille mesure ne pourrait se déterminer que d’après un aperçu général de l’ensemble de la République.

« Arrête, après avoir ouï l’agent national, que l’administration de ce district sera invitée d’examiner dans sa sagesse s’il ne conviendrait pas de suspendre l’exécution du dit arrêté jusqu’après l’avis du représentant Abbite, du Comité du Salut public et de la commission des subsistances, et cependant les citoyens Jacques Antoine Lacharrière et Joseph Exertier sont chargés de prendre la note exacte et précise de tous les bestiaux existants dans l’arrondissement de cette commune en conformité de l’article huit du dit arrêté ».

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