LA FRANCE PITTORESQUE
Ordre non chevaleresque
de la Mouche à Miel né en 1703
(D’après « Histoire des ordres de chevalerie et des distinctions honorifiques en France », paru en 1867)
Publié le mercredi 14 septembre 2011, par Redaction
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En 1703 naît l’ordre éphémère et non chevaleresque de la Mouche à Miel : créé à Sceaux par la duchesse du Maine, consacré aux fêtes et à l’amusement, ses statuts prévoient de faire jurer aux postulants de notamment danser pendant la canicule jusqu’à ce que sueur en perce les vêtements et d’escalader hardiment toutes les meules de foins sans crainte des culbutes
 

L’ordre de la Mouche à Miel n’est pas beaucoup plus sérieux que le précédent et n’eut pas une durée plus longue. C’est Alexandre Dumas qui nous livre les détails de cette institution dans Le Chevalier d’Harmental.

Face de la médaille de l'ordre de la Mouche à Miel

Face de la médaille de l’ordre de la Mouche à Miel

« L’ordre de la Mouche à Miel avait été fondé par madame la duchesse du Maine, à propos de cette devise empruntée à l’Aminte du Tasse, et qu’elle avait prise à l’occasion de son mariage : Piccola si ma fa puo gravi le ferite, devise que Malezieux, dans son éternel dévouement poétique pour la petite-fille du grand Condé avait traduite ainsi :

L’abeille, petit animal,
Fait de grandes blessures.
Craignez son aiguillon fatal,
Evitez les piqûres.
Fuyez, si vous pouvez, les traits
Qui partent de sa bouche ;
Elle pique et s’envole après,
C’est une fine mouche.

« Cet ordre, comme tous les autres, avait sa décoration, ses officiers, son grand maître : sa décoration était une médaille représentant d’un côté une ruche, et de l’autre la reine des abeilles ; cette médaille était suspendue à la boutonnière par un ruban citron, et tout chevalier devait en être décoré chaque fois qu’il venait à Sceaux. Ses officiers étaient Malezieux, Saint-Aulaire, l’abbé de Chaulieu et Saint-Genest ; son grand maître était madame du Maine. Il se composait de trente-neuf membres et ne pouvait dépasser ce nombre.

« Voici quels étaient les statuts de l’ordre :

« Art. Ier. – Jurer et promettre une fidélité inviolable, une aveugle obéissance à la grande fée Ludovise, dictatrice perpétuelle de l’ordre incomparable de la Mouche à Miel.

« Art. II. – Jurer et promettre de se trouver dans le palais enchanté de Sceaux, chef-lieu de l’ordre de la Mouche à Miel, toutes les fois qu’il sera question de tenir chapitre, et cela, toutes affaires cessantes, sans même que l’on puisse s’excuser sous prétexte de quelque incommodité légère, comme goutte, accès de pituite ou gale de Bourgogne.

« Art. III. – Jurer et promettre d’apprendre incessamment à danser toute contredanse comme furstemberg, derviches, pistolets, courantes, sarabandes, gigues et autres, et de les danser en tout temps, mais encore plus volontiers, si faire se peut, pendant la canicule, et de ne point quitter la danse, si cela n’est ordonné, que les habits ne soient percés de sueur, et que l’écume n’en vienne à la bouche.

« Art. IV. – Jurer et promettre d’escalader généreusement toutes les meules de foin de quelque hauteur qu’elles puissent être, sans que la crainte des culbutes les plus affreuses puisse jamais arrêter.

Revers de la médaille de l'ordre de la Mouche à Miel

Revers de la médaille de l’ordre de la Mouche à Miel

« Art. V. – Jurer & promettre de prendre en protection toutes les espèces de mouches à miel, et de ne faire jamais mal à aucune, de se laisser piquer courageusement sans les chasser, quelque endroit de la personne qu’il leur plaise d’attaquer, soit mains, joues, jambes, etc., dussent-elles, de ces piqûres, devenir plus grosses et plus enflées que celles d’un majordome.

« Art. VI. – Jurer et promettre de respecter le premier ouvrage des mouches à miel, et, à l’exemple de notre grande dictatrice, d’avoir en horreur l’usage profane qu’en font les apothicaires, dût-on crever de réplétion.

« Art. VII. – Jurer et promettre de conserver soigneusement la glorieuse marque de la dignité, et de ne jamais paraître devant la dictatrice sans avoir au côté la médaille dont on va vous honorer.

« Le nouvel élu mettait un genou en terre, et la fée Ludovise lui passait au cou le ruban orange et la médaille qu’il soutenait. Le fait est que madame du Maine avait trouvé plus sûr de couvrir cette réunion toute politique d’un prétexte tout frivole, certaine qu’elle était qu’une fée dans les jardins de Sceaux paraîtrait moins suspecte à Dubois et à Voyer d’Argenson qu’un conciliabule à l’Arsenal. »

Cet ordre pour rire, destiné aux personnes des deux sexes qui composaient la cour de la duchesse, ne fut naturellement approuvé ni par le souverain pontife ni par le roi de France et tomba bientôt dans un oubli complet.

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