LA FRANCE PITTORESQUE
Planète Mars : la télégraphie
sans fil à l’affût des habitants en 1907 ?
(D’après « Les Annales politiques et littéraires : revue
populaire paraissant le dimanche », paru en 1907)
Publié le jeudi 20 octobre 2016, par Redaction
Imprimer cet article
En 1907, le chroniqueur scientifique Henri de Parville évoque les efforts de savants du XIXe siècle pour établir un contact avec les habitants supposés de la Lune, et s’amuse de ses contemporains qui, recevant grâce à la télégraphie sans fil d’étranges signaux, pensent y déceler une tentative des Martiens de communiquer
 

Les journaux américains viennent de nous annoncer gravement que, depuis quelque temps, nous recevions toutes les nuits, vers minuit, un télégramme de la planète Mars, explique notre chroniqueur. Dans le courant du dernier siècle, on annonça de même que Herschel, au cap de Bonne-Espérance, venait d’apercevoir des habitants sur la lune. Depuis, on les perdit de vue, et il fut impossible de les retrouver même avec nos instruments modernes. On en conclut, naturellement, qu’ils étaient morts. La lune n’est plus qu’un vaste cimetière, dont la douce clarté sert seule de trait d’union entre la Terre et un monde désormais éteint.

Comme il n’y avait plus rien à faire de ce côté, on s’adressa à Mars. Pourquoi précisément Mars ? C’est que Mars possède, comme nous l’avons montré le premier jadis, la constitution physique la plus rapprochée de celle de la Terre. La planète est même, par suite de son évolution, en avance sur notre monde. Nous sommes, sur terre, un peu en retard. La mentalité des habitants de Mars doit donc être supérieure à celle des habitants de notre planète.

Visite aux habitants de la planète Mars

Aussi on pensa, sur Terre, que nos voisins de l’espace comprendront aisément un signal géométrique, car la géométrie, source de vérité, doit être la même sur tous les mondes. Un savant allemand avait ouvert la voie vers 1850 pour vérifier la découverte d’Herschel et attirer l’attention des habitants de la lune. Il avait proposé de construire sur le globe un immense carré de l’hypoténuse ; il n’était pas possible que sur la lune on ne connût pas le carré de l’hypoténuse. Les Sélénites, frappés par cette figure, nous répondraient, sans doute, par une autre non moins connue ; par un cercle, par exemple.

L’idée fut reprise pour Mars. On dressa des plans, on fit des calculs et l’on reconnut que les opérations seraient extrêmement coûteuses et entameraient trop le budget national. On attendit des jours meilleurs, et, en ce moment, paraît-il, le projet est moins que jamais réalisable.

Ne pouvant aller jusqu’à Mars, on espéra que Mars viendrait à nous. Sur ces entrefaites, on entrevit quelquefois de grands feux sur la planète, et l’on pensa que les Martiens faisaient des essais de communication à l’aide de la télégraphie lumineuse. Les expériences ne se renouvelèrent point. Nous ne connaissions pas encore la télégraphie sans fil. Mars devait s’en servir depuis longtemps. Aussi, dès que nous eûmes installé des stations, il devint probable que les Martiens songeraient quelque jour à nous transmettre, à travers l’espace, des signaux caractéristiques.

Or, précisément, à la station du cap Clear, en Angleterre, et surtout aux postes correspondants d’Amérique, on reçoit presque tous les soirs, entre minuit et une heure, un message, toujours le même, indéchiffrable dans toutes les langues télégraphiques connues. Le fait est indéniable et impressionne beaucoup de curieux de l’au delà. Le message n’est traduisible en aucune langue terrestre. Ce ne peut donc être, dit-on, qu’un télégramme de Mars. Et les imaginations s’échauffent !

L’énigme est, pourtant, facile à déchiffrer. A-t-on oublié qu’il y a quelques années, quand M. Marconi voulut établir qu’il lui était possible d’envoyer, avec un télégraphe sans fil, des dépêches à travers l’Océan, il installa en Amérique une station de grande puissance ? Or, un beau soir, il reçut enfin un signal qu’il crut être d’origine anglaise. On annonça qu’il était prouvé que les ondes électriques traversaient l’Atlantique. Mais, chose singulière, l’expérimentateur ne recevait jamais que le même signal et environ à la même heure de nuit. Et ce signal était incompréhensible.

Sur le papier de l’appareil récepteur, apparaissaient trois points disposés en S. Et, toujours, ces trois points, cet S. Un télégraphe Morse ordinaire enregistre, précisément, ces trois points, quand la tension électrique de l’atmosphère est très forte, les soirs d’orage. Marconi dut en conclure que te signal enregistré ne venait pas d’Angleterre, mais résultait d’un phénomène atmosphérique agissant sur l’appareil récepteur de la station. Tout le merveilleux de l’aventure martienne disparaissait incontinent.

L’appareil révèle, tout bonnement, un état électrique particulier de l’atmosphère, qui n’a rien de commun avec un signal interplanétaire. Il se comporte comme un enregistreur d’un phénomène électrique. Et l’on sait, du reste, qu’avec un récepteur de télégraphie sans fil, la présence d’un orage est révélée à de très grandes distances par des perturbations caractéristiques.

Pourquoi, maintenant, ce signal naturel vers minuit ? Probablement parce que, vers minuit, se produit un maximum de tension électrique dans les hautes couches atmosphériques. La question n’est pas élucidée. Conclusion : la planète Mars ne nous transmet aucune dépêche. C’est bien regrettable.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE