LA FRANCE PITTORESQUE
Résidus industriels incorporés
dans l’alimentation animale :
sans danger pour l’homme ?
(D’après « Actualités scientifiques », paru en 1907)
Publié le dimanche 21 juillet 2019, par Redaction
Imprimer cet article
En 1907, la revue Actualités scientifiques estime être « une nécessité logique au point de vue de l’abaissement des frais généraux de fabrication », l’incorporation de résidus industriels dans la nourriture d’animaux qu’il conviendra d’appâter, par des substances qui leur sont agréables, pour ne pas les voir rechigner à ingurgiter cette nourriture nouvelle, et affirme n’y voir aucun danger pour peu que ces résidus soient affranchis de toute infection parasitaire...
 

Une des conséquences immédiates de l’activité industrielle actuelle, c’est la production de nombreux résidus provenant de la préparation des matières alimentaires. Tout produit fabriqué, tout aliment ayant passé par les usines, y a laissé des déchets : pulpes de sucreries et de distilleries, malts de brasseries, drèches, marcs, tourteaux de graines, résidus de boulangerie, déchets de boucherie et de préparation des conserves.

Que faire de tout cela ? La plus grande partie possède encore une réelle valeur alimentaire, et c’est une nécessité logique au point de vue de l’abaissement des frais généraux de fabrication que de lâcher d’en tirer parti. On a donc recours aux animaux domestiques pour transformer d’une façon immédiatement profitable ces déchets qui, sans cela, devraient être détruits d’une façon quelconque.

Quand hommes et animaux faisaient encore bon ménage ?

Quand hommes et animaux faisaient encore bon ménage ?

Ainsi, les résidus industriels entrent dans des formules très variées de « rations alimentaires ». Les animaux sont, dès lors, obligés de se plier à des conditions toutes différentes de celles que comporterait leur alimentation naturelle et normale à l’état de liberté. Celte accoutumance est-elle dangereuse pour leur organisme ? Il n’y paraît pas. La « machine animale », lorsqu’on ne lui demande pas des tours de force, et surtout lorsqu’on modifie son fonctionnement avec les précautions voulues, se prête fort bien à des conditions nouvelles. Les produits qui en résultent pour l’alimentation humaine, laquelle occupe le sommet dans l’utilisation, ne peuvent être suspects que si les résidus industriels ayant servi de point de départ pouvaient servir de véhicules à des infections parasitaires ; alors, la distinction s’imposerait avant tout.

Mais, comment les animaux désignés pour cette coopération acceptent-ils les modifications qu’elle comporte ? Ce n’est pas toujours sans de muettes protestations auxquelles il convient d’opposer la patience et les ressources d’une présentation alléchante. Rares sont cependant les animaux qui boudent d’une façon irréductible. Quelques-uns semblent prendre étonnamment goût aux expériences. Nanssen, lors de son expédition au Groenland, avait embarqué en Islande un courageux poney islandais pour lequel le foin vint bientôt à manquer. On lui proposa de la viande de phoque : il la mangea. Ensuite on lui donna de la viande sèche et des conserves comme aux hommes de l’équipage : jamais le poney ne fut mieux portant. Il finit même par manger comme tout le monde sur le navire des guillemots rôtis mélangés avec du goémon comme fourrage. Le naturaliste Spallanzani cite aussi un pigeon qui, accoutumé à manger de la viande, ne voulait plus toucher aux graines.

Ce sont là de curieuses exceptions. Sans aller aussi loin, lorsque l’on veut mélanger des résidus industriels aux rations des animaux, divers procédés peuvent être pratiqués pour leur faire admettre la transition d’un régime à l’autre. Il y a, tout d’abord, l’impitoyable méthode du jeûne : elle s’applique aux animaux comme aux humains. Après quelques jours de jeûne, les sujets se décident à consommer ce qu’ils avaient dédaigneusement refusé. Mais le procédé a de graves inconvénients. Certains d’entre eux s’obstinent pendant longtemps dans leur refus, maigrissent, tombent malades ; il y en a qui succombent.

Quelques éleveurs font des pâtons avec les résidus, les portent dans la abouche des animaux et les leur font avaler de force. Dans la plupart des cas, si le pâton n’est pas désagréable par lui-même, les sujets y prennent goût, l’acceptent bientôt volontiers et finissent par le rechercher. Mais, il y a encore quelques refus que l’on ne peut pas vaincre.

L’addition de condiments aux résidus est une pratique « de conciliation » qui a plus de succès et moins d’inconvénients que les précédentes. Après quelques essais préparatoires, on ajoute aux rations le condiment que les animaux ont paru préférer : cela est souvent du sel tout simplement, ou bien du miel, ou de la mélasse, quelquefois même de la poudre de réglisse ou de guimauve. On a ainsi une petite dépense supplémentaire, mais elle dure fort peu de temps, et dès que la nouvelle habitude est prise on peut supprimer le condiment : il est oublié.

On emploie aussi, avec succès, et c’est probablement la meilleure méthode, le mélange avec les résidus non pas de condiments proprement dits mais simplement d’aliments qui leur sont agréables. L’avoine pour les herbivores, les pommes de terre cuites et le petit-lait pour les porcs, sont les plus usités. On commence par mélanger un peu de résidu industriel à « cet aliment préféré », puis on va en augmentant la proportion de résidu jusqu’à le donner tout seul ; il ne semble pas, lorsque l’opération a été faite bien méthodiquement, que la transition finale soit perçue.

La conclusion, en tout état de cause, c’est que pour les animaux comme pour les humains, ce qu’il faut éviter principalement, c’est le passage brusque d’un mode d’alimentation à un autre. En ce qui concerne les humains, on ponse souvent qu’il y a préjugés de leur part, crainte de la chose nouvelle, manie plus ou moins invétérée : les animaux se chargent de nous démontrer qu’il y a d’autres motifs d’ordre physiologique plus élémentaire et plus impérieux et que la rigueur n’est pas toujours, bien loin de là, le moyen d’en triompher convenablement.

En plus des conditions de digestibilité des aliments, il y a en effet toujours à tenir compte des possibilités d’assimilation. Or si l’on connaît assez bien les circonstances favorables à la digestion, on ne connaît guère celles de l’assimilation ; ces dernières sont révélées à l’organisme animal par une sorte d’instinct dont il convient de se préoccuper. Cet instinct peut avoir été diminué ou modifié d’une façon illogique par des habitudes d’alimentation, et alors on pourra lui faire regagner, avec un peu de patience et de méthode, ce qu’il a perdu. Mais, en thèse générale, il fournit des indications spontanées d’une grande importance. Nous les retiendrons comme annexes de ce que nous avons dit, au point de vue purement pratique, de l’accoutumance des animaux à consommer des résidus industriels.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE