LA FRANCE PITTORESQUE
21 mars 717 : Charles Martel
devient maître de l’Austrasie
après la bataille de Vincy
(D’après « Histoire des Français depuis le temps des Gaulois
jusqu’en 1848 » (tome 1), édition de 1868
et « Dictionnaire historique, généalogique et géographique
du département de l’Aisne » (tome 2), paru en 1857)
Publié le lundi 21 mars 2022, par Redaction
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Au moment de cette bataille, Charles Martel est maire du palais d’Austrasie — partie du royaume des Francs correspondant au nord-est de la France actuelle, et dont la capitale est alors Metz —, cependant que l’officiel roi des Francs depuis 715, Chilpéric II, ne règne dans les faits que sur le seul royaume de Neustrie — partie du royaume des Francs dont l’étendue correspond au nord-ouest de la France actuelle, et dont la capitale est Soissons.

À la mort en 714 de Pépin de Herstal (dit aussi Pépin le Gros ou Pépin d’Héristal), père de Charles Martel et lui aussi maire du palais d’Austrasie, les Neustriens se soulevèrent pour reprendre leur indépendance ; ils battirent les Austrasiens, élurent pour maire Rainfroi (Ragenfried), tirèrent du cloître un descendant incertain des rois mérovingiens et le firent roi sous le nom de Chilpéric II. Puis ils s’allièrent avec les Frisons — peuple germanique —, pour que ceux-ci attaquassent l’Austrasie par le nord, et eux-mêmes s’avancèrent jusqu’à la Meuse.

« Il y eut alors de grands troubles et de terribles persécutions dans les royaumes des Francs », peut-on lire sous la plume du deuxième continuateur de la Chronique de Frédégaire. Un fils naturel de Pépin d’Herstal, Charles Martel, homme fait et déjà célèbre par sa valeur, avait été, au désir de l’épouse de Pépin, Plectrude, emprisonné quelque temps avant la mort de son père, sans que la cause en soit connue. Il s’échappe de sa prison, se présente aux Austrasiens découragés d’avoir pour chefs une femme (Plectrude) et un enfant (Théodebald, petit-fils de Pépin alors âgé de 6 ans), et se met à leur tête, en 715. Il court au-devant des Frisons, qui allaient se joindre aux Neustriens ; mais il est battu. Alors les Neustriens traversent les Ardennes sans obstacle, se joignent aux Frisons devant Cologne, forcent Plectrude, qui s’était renfermée dans cette ville, à leur livrer une partie de ses trésors, et reprennent le chemin de leur pays, en 717.

Charles Martel. Gravure publiée en 1836 dans le cadre d'une série de portraits en pied des personnages illustres de France

Charles Martel. Gravure publiée en 1836 dans le cadre d’une série
de portraits en pied des personnages illustres de France

Mais Charles épiait leur retour : il les attaque et les bat complètement à Vincy, le 21 mars 717, près de Cambrai, les poursuit jusqu’à Paris, et il les aurait entièrement détruits si une irruption de Saxons ne l’eût forcé de revenir sur le Rhin. Il repoussa les Barbares, jeta, à l’exemple de son père, des troupes de moines sur leur pays, puis se tourna sur Cologne et s’empara de cette ville. Plectrude, dont le petit-fils venait de mourir, « lui rendit les trésors de son père et remit tout en son pouvoir », nous apprennent les Annales d’Éghinard. Alors il se donna un roi de la famille mérovingienne nommé Clotaire (Clotaire IV), et gouverna tout l’empire avec le simple titre de chef ou duc des Francs.

Remarquons qu’il plane une incertitude quant au Vincy mentionné par les anciennes chroniques. Selon Maximilien Melleville, érudit qui consacra plusieurs ouvrages à sa ville natale de Laon, beaucoup d’auteurs placent le lieu de la bataille livrée par Charles Martel, à Vincy-Reuil-et-Magny, petit village de l’ancienne Thiérache, situé sur la rive droite de la Serre, à 45 km au nord-est de Laon. Melleville précise que dom Lelong, qui rédigea notamment une Histoire du diocèse de Laon, place quant à lui le lieu de cette bataille à Vincy, près de Crèvecoeur-sur-l’Escaut — à 8 km au sud de Cambrai.

Quoi qu’il en soit, après cette bataille, les Neustriens n’étaient pas entièrement abattus ; ils cherchaient partout des ennemis aux Austrasiens, et demandèrent des secours à Eudes d’Aquitaine « en lui envoyant des présents et la royauté » (Chronique de Frédégaire). Les Aquitains regardaient les Francs du Rhin comme bien plus barbares que ceux de la Seine ; ils avaient à craindre que les bandes de Charles ne voulussent, comme celles de Clovis, goûter des fruits et des richesses du midi : ils se réunirent donc aux Neustriens et marchèrent contre Charles, en 718. Celui-ci les battit près de Soissons, et les poursuivit jusqu’à Orléans. Eudes revint à grand’peine dans son pays, emmenant avec lui Chilpéric II, et il n’obtint la paix et la possession paisible de ses États qu’en livrant ce roi et ses trésors (719). Charles Martel, dont le roi Clotaire IV venait de mourir, fit reconnaître Chilpéric par les trois royaumes — Austrasie, Neustrie, Aquitaine —, et régna seul comme son père.

Ce fut le dernier effort des Neustriens, qui désormais ne furent plus distingués de l’ancienne population gauloise et suivirent ses destinées. Le siège de l’empire des Francs se trouva alors transporté vers la Meuse et le Rhin, au centre de leur ancienne patrie. C’est ce qui doit arrêter les invasions du Nord, auxquelles avaient succombé les Neustriens, après les Romains, et auxquelles auraient succombé à leur tour les Austrasiens si, au lieu de rester armés sur les bords du Rhin, ils s’étaient éparpillés dans la Gaule.

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