LA FRANCE PITTORESQUE
Feu d’artifice (Premier) français :
il effraie Charles dit « le Téméraire »
(D’après « Singularités historiques contenant ce que l’histoire
de Paris et de ses environs offre de plus piquant et de
plus extraordinaire », paru en 1825)
Publié le lundi 17 janvier 2011, par Redaction
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Pendant la Ligue du Bien public et après la célèbre bataille de Montlhéry menée par le comte de Charolais, plus tard appelé Charles le Téméraire, un trait de feu venant frapper une fenêtre du bâtiment des seigneurs qui s’étaient retirés à Etampes, met en émoi toute la ville
 

Après la bataille de Montlhéry donnée, le 16 juillet 1465, entre les troupes de Louis XI et celles des nobles mécontents, à la tête desquelles étaient notamment le comte de Charolais et Charles de France (duc de Berry et seul frère vivant du roi), le roi se retira à Corbeil, et les seigneurs ligués, à Etampes. C’est alors qu’un fait banal y donna une alarme très vive. Les deux Charles, après leur souper, s’étaient placés à une fenêtre ; ils parlaient ensemble, et regardaient dans la rue le peuple et les soldats qui s’y promenaient en foule. Tout à coup on voit jaillir dans l’air un vif et bruyant trait de feu qui vient, en serpentant, frapper contre la croisée occupée par les deux princes.

Charles le Téméraire

Charles le Téméraire

A cette apparition subite et extraordinaire, ils restent interdits : tout le monde est saisi d’effroi. Le comte de Charolais, épouvanté, ordonne au seigneur de Contay, de faire sur-le-champ armer tous les gens d’armes de sa maison, les archers de son corps et autres ; le duc de Berry fait pareillement prendre les armes à tous les gens de sa garde ; dans un instant on vit, devant la porte du logis des princes, deux ou trois cents soldats armés, et un grand nombre d’archers. On fit partout des recherches pour découvrir d’où pouvait provenir une chose si merveilleuse, si alarmante, et qu’on regardait comme une invention diabolique, un véritable maléfice dirigé contre les personnes du comte de Charolais et du duc de Berry.

Après bien des perquisitions, on trouva l’auteur d’un si violent tumulte ; il était Breton, et se nommait maître Jean Boute-Feu, ou Jean des Serpens – ces noms de boutefeu, ou des serpens, furent sans doute donnés à cet homme à cause des fusées qu’il avait inventées. Il vint se jeter aux pieds des princes, leur confessa qu’il avait à la vérité lancé des fusées en l’air, mais que son intention était plutôt de les amuser que de leur nuire, et pour prouver que ces feux d’artifice n’avaient rien de criminel, ce folâtre, comme le nomme Commines, en jeta trois ou quatre devant les princes , et par-là détruisit bien des soupçons. Chacun se mit à rire, en voyant qu’une aussi petite cause avait produit tant d’alarmes : on alla se désarmer, et puis se coucher.

Le savant Dreux du Radier s’est trompé, en indiquant que les premières fusées furent tirées en 1618 dans l’île Louvier, lorsqu’on célébra à Paris la canonisation de sainte Thérèse. L’invention était déjà connue : Bassompierre, dans ses Mémoires, parle d’une fête donnée quelque temps avant au roi, par le duc d’Epernon, qui fut suivie de feux d’artifice. Il y avait même sous le règne de Henri II des maîtres artificiers en titre d’office. Froumenteau, dans son livre intitulé le Secret des finances, met au rang des dépenses qui furent faites à la cour, depuis le commencement du règne de Henri II jusqu’au 30 décembre 1580, les feux artificiels. Il paraît que ces feux n’étaient pas alors fort dispendieux, puisque dans l’espace de trente-un ans, ils ne coûtèrent que neuf mille livres tournois.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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