LA FRANCE PITTORESQUE
Nouvel an (Le)
et son lot d’étrennes « diaboliques »
(D’après « Dictionnaire des antiquités chrétiennes contenant le résumé
de tout ce qu’il est essentiel de connaître sur les origines
chrétiennes jusqu’au Moyen Age exclusivement » paru en 1865)
Publié le samedi 1er janvier 2011, par Redaction
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Consistant en l’échange d’objets à l’occasion du nouvel an, la pratique d’étrennes qualifiées de « diaboliques » par les Pères et les conciles fut très tôt réprouvée et censurée par l’Eglise, au motif qu’il s’agissait d’un usage païen
 

L’usage des étrennes dans l’antiquité chrétienne ne nous est connu que par ses abus, et par la sévérité que l’Église mit toujours à les réprimer. C’était un reste de paganisme qui se maintint avec une ténacité dont la vigilance des pasteurs ne put triompher qu’à la longue.

Les achats d'étrennes

Les achats d’étrennes

Chez les anciens, les étrennes étaient des présents qui s’échangeaient en l’honneur des dieux et comme gage d’heureux augure. D’après une tradition romaine les étrennes du 1er janvier tireraient leur origine du roi Tatius, qui aurait été dans l’usage d’aller, en ce jour, cueillir la verveine dans le bois sacré de Strenua ou Strenia, déesse de la santé, dans les vues d’attirer sa protection sur l’année qui commençait. D’autres disent que le peuple se rendait en procession au palais du roi sabin pour lui offrir pieusement, avec les souhaits de bonne année, des branches de cet arbuste, qui était censé porter bonheur.

Ce qui est certain du moins, c’est que cette simplicité primitive disparut avec les mœurs antiques ; au commencement de l’empire, l’abus des étrennes était devenu si excessif, que Tibère, si nous en croyons Suétone, se crut obligé d’en restreindre la distribution aux seules calendes de janvier. Car il s’en donnait encore à l’occasion des fêtes des principales divinités, de celle de Saturne par exemple, au mois de décembre, Saturnulitia sportula, et de celle de Minerve, Minervale munus. Caligula paraît avoir respecté les règlements restrictifs de son prédécesseur ; mais il s’en dédommagea en exploitant ses calendes de janvier avec une rapacité inouïe : « Il faisait annoncer qu’il recevrait les étrennes au commencement de l’année, et il se tenait tout le jour dans le vestibule de son palais pour accueillir les offrandes du peuple romain, ad captandas stipes. » (Suétone, In Caium)

Les objets qui s’échangeaient à l’occasion du nouvel an étaient fort variés. Après l’âge d’or des étrennes herbacées, vint celui des comestibles de toute sorte ; on donna plus tard des pièces d’airain, d’argent, d’or ; puis des meubles, des vêtements. Les objets d’étrennes les plus ordinaires, étaient des pugillaires, ou diptyques, à peu près semblables, quant à l’usage du moins, à nos portefeuilles et à nos agendas. Beaucoup de monuments de petites dimensions relatifs aux vœux du nouvel an nous ont été conservés. Ce sont des médailles, des lampes, des tessères de métal ou même de terre cuite.

Janvier. Les étrennes attendues

Janvier. Les étrennes attendues

Mais ce n’est que comme observance idolâtrique d’abord, que la pratique des étrennes fut réprouvée et censurée par les Pères et les conciles : « Tu vas, disait saint Augustin à ses ouailles, tu vas célébrer la solennité des étrennes, tout comme un païen. Faut-il donc que ton amour se porte sur des objets tout opposés à ceux de ta foi et de ton espérance ? Les autres donnent des étrennes, vous, chrétiens, donnez des aumônes. » Ce fut sans doute à raison de cette origine impure des étrennes, et des mobiles si éloignés de l’esprit chrétien qui en accompagnaient la distribution, qu’elles furent souvent appelées étrennes diaboliques. Cette qualification se rencontre dans beaucoup de textes anciens, et en particulier dans un sermon attribué au même saint Augustin (Inter Augustinianos, sermon CXXV) : « Il se trouve des gens qui, aux calendes de janvier, reçoivent et rendent des étrennes diaboliques, diabolicas strenas. »

« Ils observent les augures, continue le même auteur, auguria observant, et, à leurs yeux, il serait d’un fâcheux présage de prêter quoi que ce soit à son voisin, le premier jour de l’année ; ils n’osent pas même, crainte de malheur, donner du feu de leur foyer à ceux qui leur demandent ce faible service. Mais en revanche, la plupart, surtout les habitants de la campagne, mettent à leur porte, pendant la nuit qui précède le premier janvier, des tables chargées de toute sorte de viandes, au service des passants ; et ils se persuadent qu’une telle libéralité assure à son auteur une abondance égale sur sa table pendant tout le cours de l’année. »

Il existait encore en France des traces de cette pratique superstitieuse au septième siècle ; et un concile d’Auxerre, tenu à cette époque (613) dut, pour la déraciner, s’armer de toutes les rigueurs canoniques : Non licet kalendis januarii... strenas diabolicas observare.

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