LA FRANCE PITTORESQUE
18 janvier 1701 : couronnement du premier roi de Prusse
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Publié le samedi 21 novembre 2009, par LA RÉDACTION
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Un traité signé à Vienne en 1700 conféra à l’électeur de Brandebourg, Frédéric III, le titre de roi de Prusse. Par cet acte, le nouveau roi s’engageait à servir la cause de l’empereur contre la maison de Bourbon, dans la grande querelle de la succession d’Espagne, et à lui fournir un secours de dix mille hommes pendant toute la durée de la guerre. Voici comment s’exprime le grand Frédéric sur l’acte fondamental de la monarchie prussienne :

« Ce traité fut signé et ratifié ; Rome cria et Warsovie se tut. L’ordre Teutonique protesta contre cet acte, et osa revendiquer la Prusse ; le roi d’Angleterre, qui ne cherchait que des ennemis à la France, les achetait à tout prix ; il avait besoin des secours de l’électeur dans la grande alliance, et il fut des premiers à le reconnaître ; le roi Auguste, qui affermissait sa couronne sur sa tête, y souscrivit ; le Danemark, qui ne craignait et n’enviait que la Suède, s’y prêta facilement ; Charles XII, qui soutenait une guerre difficile, ne crut pas qu’il lui convînt de chicaner sur un titre pour augmenter le nombre de ses ennemis, et l’Empire fut entraîné par l’empereur, comme on l’avait prévu.

Ainsi se termina cette grande affaire, qui avait trouvé de l’opposition dans le conseil de l’électeur, dans les cours étrangères, chez les amis comme chez les ennemis ; à laquelle il fallut une complication de circonstances aussi extraordinaires pour qu’elle pût réussir ; qu’on avait traitée de chimérique et dont on prit bientôt une opinion différente. Le prince Eugène dit, en l’apprenant, que l’empereur devrait faire pendre les ministres qui lui avaient donné un conseil aussi perfide.

Le couronnement se fit l’année suivante (18 janvier 1701) ; le roi, que nous appellerons désormais Frédéric Ier, se rendit en Prusse, et dans la cérémonie du sacre on observa qu’il se mit lui-même la couronne sur la tète ; il créa en mémoire de cet événement l’ordre des chevaliers de l’Aigle-Noir.

Le public ne pouvait cependant pas revenir de la prévention dans laquelle il était contre cette royauté ; le bon sens du vulgaire désirait une augmentation de puissance avec une augmentation de dignité ; ceux qui n’étaient pas peuple pensaient de même. Il échappa à l’électrice de dire à quelqu’une de ses femmes, qu’elle était au désespoir d’aller jouer en Prusse la reine de théâtre vis-à-vis de son Ésope. Elle écrivit à Leibnitz : « Ne croyez pas que je préfère ces grandeurs et ces couronnes, dont on fait ici tant de cas, aux charmes des entretiens philosophiques que nous avons eus à Charlottembourg. »

Aux pressantes sollicitations de cette princesse, se forma à Berlin l’Académie royale des sciences, dont Leibnitz fut le chef : on persuada à Frédéric Ier qu’il convenait à sa royauté d’avoir une académie, comme on fait accroire à un nouveau noble qu’il est séant d’avoir une meute. Ce prince, qui naturellement aimait le luxe et les cérémonies, prit pour modèle la cour de Louis XIV ; il voulut être sacré par un évêque, et donna ce titre à l’un de ses chapelains ; il fit faire une fiole exactement semblable à la sainte ampoule, et alla se faire oindre à Kœnisberg. Il adopta les grandes perruques ; il eut un premier ministre, un grand-maître des cérémonies, cinquante cuisiniers.

Suivant un historien, le fondateur du royaume de Prusse était sans génie, sans puissance, et presque sans revenu, (foy. 25 février.)

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