LA FRANCE PITTORESQUE
17 janvier 1562 : édit en faveur
de la religion réformée
(D’après « Histoire générale de France depuis les temps les
plus reculés jusqu’à nos jours » par Abel Hugo (Tome 4), paru en 1841)
Publié le dimanche 15 janvier 2017, par LA RÉDACTION
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Après l’édit de juillet 1561 et le colloque de Poissy de l’automne suivant, les catholiques s’insurgeaient de voir les protestants faire des assemblées publiques à Paris : des prêtres irrités s’assemblèrent en l’église de Saint-Médard et firent sonner les cloches lors d’un prêche protestant
 

L’édit de juillet, rendu en 1561, condamnait à mort tous les calvinistes qui tiendraient des assemblées. Depuis cette époque le colloque de Poissy avait eu lieu, du 9 septembre au 14 octobre 1561.

C’est après ce colloque qu’eut lieu un événement qui allait entraîner la promulgation de l’édit de janvier 1562. Un jour, les prêtres de l’église Saint-Médard, au faubourg Saint-Marcel de Paris, s’assemblèrent, et Castelnau rapporte que sitôt que le ministre protestant eut commencé de prêcher, les prêtres catholiques de Saint-Médard « sonnèrent les cloches le plus fort qu’ils purent, de sorte que les protestants qui étaient en fort grand nombre en un jardin près du temple ne pouvaient rien entendre : qui fut cause que deux ou trois de l’assemblée des protestants allèrent par devers les prêtres pour les faire taire ; ce qu’ils ne purent obtenir, et de là vinrent aux paroles et aux prises dont il y en eut un qui mourut.

Catherine de Médicis

Catherine de Médicis

« Les prêtres incontinent fermèrent leur église, et, montant au clocher, sonnèrent le tocsin pour émouvoir le peuple catholique, qui accourut soudain au lieu où se faisait le prêche. Mais les protestants s’y trouvèrent les plus forts, et avec grande violence rompirent les portes de l’église, où ils trouvèrent un des leurs battu et blessé à mort, ne se pouvant mouvoir, lequel ils avaient envoyé dire aux prêtres qu’ils cessassent de sonner les cloches. Irrités de cela, ils pillèrent l’église, et abattirent et rompirent les images, en menaçant de mettre le feu au clocher si les prêtres ne cessaient de sonner le tocsin. Il y eut plusieurs prêtres blessés et quelques autres emprisonnés par les sergents et chevaliers du guet.

« Le jour d’après, les catholiques brûlèrent les bancs et sièges des protestants et voulaient brûler la maison où se faisait le prêche, s’il n’y fût arrivé des officiers de la justice et des forces pour les empêcher ; qui fut cause que la reine, mère du roi (Catherine de Médicis, mère de feu François II et du nouveau roi Charles IX], ayant fait acheminer à Saint-Germain un nombre de personnages des plus suffisants du royaume et de tous les parlements, pour, avec le conseil privé du roi, faire quelque bon édit et trouver remède au mal qui croissait, et à l’altération qui était entre les catholiques et les protestants ; il en fut fait un le dix-septième de janvier, portant qu’il serait permis aux protestants de faire l’exercice de leur religion hors les villes seulement et sans aucunes armes, avec injonction à tous de se comporter modestement.

« Alors les ministres prêchèrent plus hardiment, qui çà qui là, les uns par les champs, les autres en des jardins et à découvert, partout où l’affection ou la passion les guidait et où ils pouvaient trouver du couvert, comme ès vieilles salles et masures, et jusques aux granges ; d’autant qu’il leur était défendu de bâtir temple et prendre aucune chose d’église. Les peuples curieux de voir chose nouvelle, y allaient de toutes parts et aussi bien les catholiques que les protestants, les uns seulement pour voir les façons de cette nouvelle doctrine, les autres pour l’apprendre, et quelques autres pour connaître et remarquer ceux qui étaient protestants.

« Ils prêchaient en français, sans alléguer aucun latin et peu souvent les textes de l’Évangile, et commençaient ordinairement leurs sermons contre les abus de l’Église, qu’aucun catholique prudent ne voudrait défendre. Mais de là ils entraient pour la plupart en invectives, et à la fin de leurs prêches faisaient des prières et chantaient des psaumes en rythme français, avec la musique et quantité de bonnes voix, dont plusieurs demeuraient bien édifiés, comme désireux de chose nouvelle, de sorte que le nombre croissait tous les jours.

Arrêt du Conseil d'Etat de 1562 imposant l'enterrement de nuit aux protestants

Arrêt du Conseil d’Etat de 1562 imposant l’enterrement de nuit aux protestants

« Là aussi se parlait de corriger les abus et d’une réformation, de faire des aumônes et choses semblables, belles en l’extérieur, qui occasionnèrent plusieurs catholiques de se ranger à ce parti ; et est croyable que si les ministres eussent été plus graves et plus doctes, et de meilleure vie pour la plupart, ils eussent eu encore plus de suite. Mais voulurent du premier coup blâmer toutes les cérémonies de l’Église romaine et administrer les sacrements à leur mode, sans garder la modestie qu’observent encore aujourd’hui plusieurs protestants, comme ceux d’Allemagne et d’Angleterre, qui ont encore leurs évêques primats et leurs ministres, qui ont pris et retiennent le nom de curés, diacres et sous-diacres, chanoines, doyens, et portent les surplis et ornements de l’Église catholique avec les robes longues. »

L’édit de janvier permit aux calvinistes de s’assembler pour l’exercice de leur religion hors des villes et sans armes ; il enjoignit aux magistrats de veiller à ce qu’ils ne fussent ni troublés, ni injuriés. Il leur défendit toute levée d’hommes ; mais il les autorisa à recevoir l’argent qui serait donné volontairement en forme d’aumône. L’édit contenait plusieurs autres articles réglementaires.

Le Parlement de Paris refusa longtemps de l’enregistrer : il y eut des remontrances et des lettres de jussion. La joie trop vive des calvinistes, le silence sombre et menaçant des catholiques, présagèrent une rupture prochaine.

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