LA FRANCE PITTORESQUE
2 février 1702 : le maréchal de Villeroi
surpris dans Crémone
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Publié le mercredi 17 février 2010, par LA RÉDACTION
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La guerre allumée par le testament de Charles II, entre la France, l’Espagne et le Portugal d’une part, l’Empire, l’Angleterre et la Hollande de l’autre, avait éclaté en Italie vers le mois de juillet 1701. Dès les premières rencontres, le prince Eugène avait remporté sur Catinat quelques avantages, que celui-ci ne pouvait attribuer à la seule habileté de son adversaire. Obligé de suivre un plan qui n’était pas le sien, contrarié par la résistance des lieutenants-généraux, Catinat soupçonnait le duc de Savoye d’être d’intelligence avec l’ennemi. Il en avertit la cour ; on ne le crut pas, et on lui ôta le commandement. On crut le maréchal de Villeroi lorsqu’il promit de vaincre : le vainqueur de Staffarde et de la Marsaille fut obligé de servir sous ses ordres.

L’échec de Chiari, le 11 septembre 1701, prouva que le favori de Louis XIV avait trop présumé de lui-même (la cour ne ménagea pas Villeroi dans son malheur. On se déchaîne contre lui, parce qu’il est mon favori, dit Louis XIV ; et ce terme ne lui échappa que cette seule fois en sa vie).

Catinat s’était fait répéter trois fois l’ordre d’attaquer une position inexpugnable. Réduit à obéir, il chercha la mort et reçut une blessure. Après avoir dirigé la retraite de l’armée, il s’en éloigna, et vint à Paris rendre compte de sa conduite, sans se plaindre de personne.

Villeroi passait l’hiver dans Crémone, ville forte et défendue par une nombreuse garnison. Le prince Eugène apprit qu’un ancien aqueduc, récemment nettoyé et contenant peu d’eau, s’étendait au loin dans la campagne et répondait dans la ville, à la cave de la maison d’un prêtre nommé Bazzoli, prévôt de Sainte-Marie-la- Neuve : il en fit secrètement reconnaître l’entrée, s’assura du prévôt, et introduisit par cette voie des soldats choisis déguisés en paysans.

Les dispositions du prince étaient bien prises ; mais le hasard les déconcerta. Un cuisinier, allant à la provision, donna le premier l’alarme. Un colonel, qui devait l’aire une revue ce jour-là, et qui rassemblait ses troupes dès quatre heures du matin, tomba sur les Impériaux ; pendant ce temps, le reste de la garnison accourut. Il s’engagea un combat opiniâtre. Le prince Eugène, long-temps maître de la ville, conserva jusqu’au soir l’espérance de s’y maintenir ; déjà il avait reçu le serment des autorités : il témoigna une douleur excessive en voyant la nécessité de renoncer à sa conquête : on prétend qu’il s’en arrachait les cheveux.

Dans le premier moment de l’attaque, Villeroi avait été fait prisonnier : mais la prise du général n’était pas aux yeux d’Eugène un équivalent de celle de la ville : à cet égard on savait parfaitement à quoi s’en tenir chez les Impériaux et chez les Français. Les vaudevilles, les épigrammes fondirent sur le triste successeur de Catinat, qui allait être remplacé par Vendôme. Un seul couplet, souvent cité, mérite encore de l’être, parce qu’il exprimait la vérité sous une forme piquante :

Français, rendez grâce à Bellone ;
Votre bonheur est sans égal :
Vous avez conservé Crémone
Et perdu votre général.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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