LA FRANCE PITTORESQUE
Fête du Maestiboursch à Mouterhouse (Moselle)
(Extrait de « Pays lorrain », paru en 1908)
Publié le lundi 18 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Mouterhouse, village des cheminées et des vents noirs, a, indépendamment de ses fêtes religieuses, ses ducasses civiles, dont les dates s’échelonnent le long du calendrier et auxquelles se rattachent des particularités dignes d’être notées. Ainsi en est-il de cette singulière coutume, vieille comme Hérode, de choisir chaque fois, parmi les jeunes gens qui devront se présenter dans l’année au conseil de révision, un « Maestiboursch », sorte de charge honorifique et non sans profit d’ailleurs, qui s’enlève parfois à l’adjudication, parfois à l’acclamation, rarement au vote.

Vue de Mouterhouse Photo RL (ville de Bitche)

Vue de Mouterhouse
Photo RL (ville de Bitche)

Pendant tout le temps de la fête de Septembre, qui dure trois longs jours, on le voit gravement se promener par les rues avec les insignes de sa dignité, à savoir un beau tablier blanc, offert gracieusement par la cantinière, et un petit ruban à la boutonnière ; vraiment, la gravité correcte de sa toilette lui donne l’air d’un petit maître de cérémonies.

C’est surtout le premier jour de la Kirmess que son rôle est important. Le dimanche, en effet, à la sortie des vêpres, pendant qu’une foule compacte s’entasse devant la maison de direction des forges, on entend tout à coup les joyeuses bordées d’une bruyante fanfare, et au même moment, une cinquantaine de jeunes gens, rasés de frais, une casquette en cône mou à double pont plantée sur l’oreille, agitant des chopes et des bouteilles, un petit sapin orné de fleurs et de rubans multicolores, et un drapeau aux couleurs alsaciennes (rouge et blanc) débouchent sur la place, scandant des coups de talon frénétiques et toupillant avec des rages furieuses de plaisir.

Arrivés à un endroit précis, déterminé par une coutume séculaire, clarinettes, pistons et contrebasses se rangent de côté et la masse des curieux s’écarte. Après quelques paroles aimables et quelques recommandations du directeur de l’usine, commence le rite obligé qui précède immédiatement l’entrain des folies chorégraphiques. Rien n’est imposant comme la solennité avec laquelle le Maestiboursh ouvre le bal : à peine l’orchestre a-t-il préludé, qu’il se met à tourner lentement sur lui-même, les bras arrondis, avec des grâces et des sentimentalités majestueuses de danseur de pavane.

Après cette valse cérémonieuse, toujours de rigueur, la musique entonne un hymne doux et mélodieux : le Maestiboursch se tient devant eux, la casquette d’une main, un petit sapin de l’autre et avec des mouvements de tête et des courbettes profondes, il règle le mouvement du Lied. Dix fois, il s’oublie dans de molles girations cadencées, qui amusent bien les spectateurs ; mais souvent aussi, figé dans une raideur candide de prix de sagesse, la paupière mi-close sur ses prunelles immobiles, il semble rappeler au respect de la danse, les fougueux qu’une ardeur trop grande risquerait d’écarter des bienséances.

Tout à coup, au signal convenu, au milieu et des clameurs qui se mêlent et se confondent avec les ronflements des bases et les déchirantes sonorités des cornets a piston, et qui en toute autre occasion auraient ameuté la foule, la jeunesse furibonde se dirige vers la maison du maire de la commune, où se répètent les mêmes solennités que précédemment. Cette cérémonie achevée, on se rue vers la salle de danse aménagée ad hoc dans un vaste hangar des forges en bousculant au passage la masse pataude et bigarrée des spectateurs et des étrangers qui sont venus de près et de loin se rôtir les ailes au gaz de la fête.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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