LA FRANCE PITTORESQUE
XIIe siècle (Costumes à la fin du)
(D’après un article paru en 1844)
Publié le dimanche 17 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Costumes ecclésiastiques
Au douzième siècle, les vêtements du clergé étaient restés à peu près ce qu’ils étaient pendant les siècles précédents. Dès le neuvième, l’usage de la tonsure, ou couronne formée par la suppression de tous les cheveux du sommet de la tête, était universel pour les clercs et les ecclésiastiques, quoique, de l’avis des canonistes, il ne fût pas d’institution primitive, et qu’il ne remontât guère plus haut que le septième siècle. Ce n’est, en effet, que dans le quatrième concile de Tolède, assemblé vers le milieu de ce siècle, qu’il fut ordonné à tous les clercs de porter une couronne. Les constitutions ecclésiastiques s’étaient bornées précédemment à recommander aux prêtres de porter les cheveux courts. Ces constitutions ne permettaient pas aux prêtres de célébrer les saints mystères avec la chaussure qu’ils portaient hors de l’exercice de leurs fonctions, et les Capitulaires de Charlemagne contiennent des injonctions adressées aux prêtres de ne célébrer la messe qu’avec une chaussure particulière.

L’aube n’offrait rien de particulier que sa longueur et sa simplicité. Cette tunique de dessous, tissu de laine blanche ou de lin, et dépourvue de tout ornement, était le vêtement habituel des prêtres hors des fonctions de leur ministère. Longue jusqu’à terre, l’aube devait être retenue par une ceinture de lin entrelacé et tordu. Cependant au douzième siècle, on avait fendu sur les côtés l’aube qu’on portait quelquefois de couleur, et la tunique de dessous se terminait par un petit collet. Les évêques avaient une aube très riche, une tunique violette et une chape de pourpre.

Evêque et seigneurs, d'après Herbé

Evêque et seigneurs, d’après Herbé

La dalmatique, portée par dessus l’aube et sous la chasuble, était alors un vêtement sacerdotal commun à tous les prêtres dans l’exercice de leur ministère sacré, et non réservé, comme aujourd’hui, à l’évêque seul, lorsqu’il officie pontificalement. La dalmatique, qui a la forme d’une croix et est ouverte sur le côté, était anciennement blanche et ornée de deux raies rouges devant et derrière. Celle des évêques ne différait de celle des diacres que par des manches plus larges. Les bandes ou parements placés aux deux côtés ont toujours été l’ornement particulier de cette espèce de vêtement : on les appelait plagulae, et les critiques ecclésiastiques pensent qu’elles rappellent les laticlaves et les augusticlaves des anciens. Indépendamment de ces deux bandes, d’une riche bordure au bord inférieur et au collet, et de franges à l’ouverture des manches, la dalmatique était souvent encore décorée de petites houppes disposées symétriquement par étages.
Evêque et seigneurs, d’après Herbé

La chasuble, vêtement d’abord commun aux laïques et aux clercs, était, dans l’usage habituel, une espèce de manteau en forme d’entonnoir ou de cloche qui n’avait d’autre ouverture qu’un trou au sommet pour y passer la tête, et qu’on relevait sur les deux bras, lorsqu’on voulait agir. C’est cette forme singulière qu’exprime son nom, qu’on dérive de casula, petite maison qu’en effet elle couvrait l’homme comme un toit. Le clergé ayant adopté ce vêtement pour l’autel, on en fit bientôt en étoffes précieuses : on le surchargea d’ornements et de broderies ; mais ce luxe même ne tarda pas à en altérer la forme primitive. La difficulté qu’on éprouvait à replier sur les bras cette étoffe alourdie, fit prendre le parti de l’échancrer sur les côtés jusqu’aux poignets, ensuite jusqu’aux coudes, enfin jusqu’au haut des bras ; et c’est sous cette forme méconnaissable qu’elle est arrivée jusqu’à nous, au grand regret, non seulement des antiquaires, mais même des prêtres instruits, qui comprennent parfaitement combien ce vêtement aux plis larges et magnifiques devait ajouter de majesté aux divers mouvements de l’officiant. La bande qui partage en deux le devant de la chasuble s’appelait parement.

L’étole, qui caractérise l’office des diacres, a toujours fait également partie du costume du prêtre et de celui de l’évêque. Les diacres portaient originairement l’étole pendante par devant, comme les évêques et les prêtres, et non de gauche à droite, en manière d’écharpe, comme ils la portent maintenant, afin d’avoir le côté droit libre pour le service. Le manipule, qui, d’après les usages ecclésiastiques, repose toujours sur le bras gauche, était, dans l’origine, une espèce de mouchoir que le prêtre portait pour s’essuyer.

Noble, dames nobles et bourgeois, d'après Mifliez

Noble, dames nobles et bourgeois,
d’après Mifliez

La coiffure à côtes de melon a été remarquée assez fréquemment sur des statues du douzième siècle. Montfaucon est porté à la considérer comme une couronne ; mais il est bien certain que ce n’est qu’une mitre de forme ancienne, et que cet ornement servait à désigner des évêques. Le luxe distingua les couvents de la noblesse, et certaines religieuses avaient la tunique de pourpre bordée de petit gris, la chape violette et des bottines à pierreries.

Costumes de dames nobles et de princesses
Agnès de Baudement épouse de Robert de France, comte de Dreux, est représentée, sur le sceau d’un acte de l’an 1158, avec coiffure volumineuse et haute flottant sur ses épaules, et vêtue d’une robe dont les manches étroites et fermées jusqu’aux poignets s’ouvrent et descendent de là jusqu’à terre. Sur la statue sépulcrale de cette princesse, les manches, au contraire, se terminent aux poignets : elle porte une escarcelle pendue à sa ceinture et un bijou à son cou ; son manteau, dont la coiffure semble faire partie, descend jusqu’à terre ; sa couronne, comme celle des duchesses, comtesses, etc., de ces temps, est d’une forme singulière, et ressemble à une couronne murale des Romains.

Sur une statue élevée à Pontigny en l’honneur d’Alix, fille de Thibaud IV, comte de Champagne, troisième femme de Louis VII, qu’elle épousa en 1160, et mère du roi Philippe dit Auguste, cette reine porte sous son manteau une robe fermée par devant, quoique garnie d’une rangée de boutons ; une guimpe, qui couvre le bas de son visage et le cou, laisse cependant le haut de sa poitrine découvert ; son petit chaperon, d’une étoffe, bordé de perles, ne laisse voir qu’une partie du toupet : les rayons tronqués de sa couronne se terminent par des perles.

Guerriers, d'après Montfaucon

Guerriers, d’après Montfaucon

Les femmes se paraient aussi à cette époque de la gauzape, sorte de robe sans manche, que les hommes nommèrent cotte d’armes et que l’on commença à orner d’armoiries sous Philippe II. Les robes des dames reprirent, sous le règne de ce prince, de la grâce et de l’élégance. Pour contraster avec la roture, on les fit traînantes, et on les orna d’hermine ; mais au lieu de bigarrures, les mouches devinrent l’ornement distinctif de la haute noblesse.

Costumes militaires
Une statue placée à une des portes du portique méridional de Chartres, représente un chevalier du douzième siècle avec son équipement complet (sauf le casque), c’est-à-dire l’armure maillée avec chaperon, chausses, gantelets. Il est revêtu par dessus d’une longue cotte d’armes ; vêtement dont l’emploi paraît avoir été nécessité par le besoin de mettre à l’abri de la pluie l’armure de maille, si perméable de sa nature (cette cotte était ordinairement très longue, en drap d’or ou d’argent et doublée de fourrures précieuses).

Ce chevalier est chaussé d’éperons aigus, porte sa large épée soutenue par un ceinturon, et tient d’une main sa lance garnie de son gonfanon ; son autre main s’appuie sur son bouclier, beaucoup plus court que ceux du siècle précédent, et participant déjà de cette forme à laquelle les antiquaires appliquent le nom d’écu.

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