LA FRANCE PITTORESQUE
Goujat
(D’après « Le Courrier de Vaugelas », paru en 1879)
Publié le vendredi 2 février 2024, par Redaction
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Qualifiant à l’origine un valet chargé de servir les soldats, et notamment de porter leurs armes, le mot goujat serait issu du vocable gascon goujon utilisé pour désigner un garçon
 

Dans les armées d’autrefois, le mot goujat désignait un valet qui servait les soldats. Chez les Gascons, qui imitèrent l’infanterie espagnole, il aurait désigné le jeune homme chargé de la conduite et de l’entretien du bidet qui portait l’arquebuse à croc. Plus tard, quand les armes s’allégèrent et que le cheval de peloton qui les avait portées jusque-là fut supprimé, le goujat les porta lui-même sur son dos.

Depuis Louis XII, il se chargeait, moyennant une petite rétribution, du bagage des soldats d’extraction noble qui se faisaient appeler « capitaines » quoiqu’ils fussent sans aucun grade réel. Un goujat portait la caisse du tambour-major. Vers le milieu du XVIIIe siècle, le goujat était considéré comme palefrenier des chevaux de bât, et Bombelles (1746) n’emploie goujat que dans ce sens.

Le mot goujat aurait désigné le jeune homme chargé de la conduite et de l'entretien du bidet qui portait l'arquebuse à croc
Le mot goujat aurait désigné le jeune homme chargé de la conduite et de l’entretien
du bidet qui portait l’arquebuse à croc. © Crédit illustration : Araghorn

Ainsi, d’après ce qui précède, le goujat ne devait pas être tenu en bien haute estime, fait confirmé du reste par la citation suivante, empruntée à un édit du roi Henri III : « Que les goujats, en cas qu’il s’en trouve plus d’un par trois soldats, seront chastiés du fouet ; sera tenu le fourrier avoir par escript le nom desdits goujats pour les faire chasser, sous peine du fouet pour la première fois, et, s’ils s’y retournent, d’estre pendus et estranglés sans aucune forme ne figure de procès. »

Aussi, n’est-il pas étonnant que goujat, resté dans la langue après que l’homme qu’il désigne a cessé d’exister dans l’armée, y soit toujours un terme de mépris, et s’applique à un personnage sale et grossier, plus encore au moral qu’au physique.

Maintenant, d’où goujat a-t-il été tiré ? Le mot goujat, qui répond au mot grec signifiant porte-bagage, au ferentarius des Romains, au pack-knecht, domestique du paquet, des Allemands, se rendait en italien par bagaglione, galuppo, et, en espagnol, par galopin, criado, ce qui signifie, en d’autres termes, qu’il n’est originairement ni grec, ni latin, ni allemand, ni italien, ni espagnol. Ce mot vient, selon Borel, du gascon ou du languedocien goujon, signifiant garçon, de même que, dans le midi de la France, gouge signifie encore fille ou servante.

Chromolithographie des années 1960. Illustration de Louis Carrière
Chromolithographie des années 1960. Illustration de Louis Carrière

Voici d’ailleurs une autre preuve que le terme goujat vient bien d’un nom masculin ayant pour féminin gouge ; c’est que, parmi les maçons du Limousin, on désigne encore par ce terme un apprenti dont la fonction est de porter des matériaux où les ouvriers peuvent en avoir besoin.

Indépendamment de goujon, le mot goujat a encore les formes gouget, goyart, goujart (analogue à soudard). Ces formes sont devenues des noms propres, et voilà pourquoi on les rencontre en cette qualité dans l’Almanach Bottin (1ère partie), qui indique, pour Paris, l’adresse de 3 Gougeard, de 26 Goujon, de 13 Goyard et de 10 Goujet. C’est l’équivalent de Garçon, répété 3 fois dans le même ouvrage.

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