LA FRANCE PITTORESQUE
Printemps
(Source : Le Figaro)
Publié le dimanche 25 mars 2018, par Redaction
Imprimer cet article
« Années de jeunesse », telle est la définition proposée par un verbicruciste pour le mot « printemps ». Il n’en faut pas plus pour ressentir une certaine exaltation, quelque âge que nous ayons atteint. Le lexicologue Jean Pruvost, auteur d’un Dico des dictionnaires qui fait référence, s’interroge sur l’origine du mot printemps.
 

Richelet, dans son orthographe, pour son Dictionnaire françois publié en 1680, écrit : « C’est la saison de l’année où tout entre en amour, qui suit immédiatement l’hiver et qui commence le vingt-unième de Mars ». Alors, le printemps est-il la première période de l’année ou la seconde ?

« Verte saison »
Antoine Furetière, dans son Dictionnaire universel de tonalité encyclopédique et offert dix ans après celui de Richelet, est très en verve quant à cette « verte saison, qu’on appelle aussi le renouveau, le temps où les plantes et les arbres commencent à pousser, à sentir l’approche du Soleil », susurre-t-il. De son côté, Richelet avait déjà souligné la caractéristique astronomique dudit printemps : « C’est le temps auquel le Soleil parcourt les signes du Bélier, du Taureau et des Gémeaux. »

« Mars qui rit »
Affublé du nom du dieu de la guerre dans la mythologie romane, Mars, mois où naît le printemps, « estoit le premier autrefois chez les Romains », rappelle l’abbé Furetière, ajoutant qu’ « on en use encore ainsi en quelques supputations ecclésiastiques ». Ce ne fut en réalité que depuis l’édit de Charles IX de l’an 1564, précise l’encyclopédiste avant la lettre, « qu’on a commencé en France à compter l’année par le mois de Janvier ».

Les quatre saisons. Le printemps. Image d'Épinal de l'imprimeur-libraire Pellerin (1861)

Les quatre saisons. Le printemps. Image d’Épinal de l’imprimeur-libraire Pellerin (1861)

L’année s’ouvrait bel et bien en effet au mois de mars et, ce faisant, le Printemps en était la toute première saison, d’où son nom apparu au XIIe siècle : prins tans, le premier temps. Et donc sa définition encore ainsi offerte dans le Grand Robert : « La première des quatre saisons, qui va du 21 mars au 21 juin dans l’hémisphère nord. »

Et la primevère
Ce prins temps, issu du latin primus tempus, n’était pas si on peut dire premier dans la langue. Il suffit en effet de lire Rabelais, pour percevoir qu’une autre désignation l’emportait. « De ces bœufs gras avoient fait tuer trois cent soixante sept mile et quatorze pour estre à mardy gras allés », clame-t-il, « affin qu’en la prime vere ils eussent bœuf de saison en tas. »

« Prime vere », telle était en effet la formule initiale et la plus courante pour cette saison. « À l’hyver transi [succède] la douce primevère » s’exclame encore au XVIe siècle Des Masures dans son David triomphant. Et on rappellera que notre premier grand jardinier, Olivier de Serres, ne manquait pas de donner un utile conseil aux hommes et femmes à la main verte : « En la primevère et jusqu’au mois de mai, peut-on bien aussi semer de la graine »...

L’odeur vernale
Pour les Romains, le printemps correspondait de fait au mot « ver » et « vernus » signifiait « printanier » ; il nous en reste une trace patente dans l’adjectif « vernal » indispensable en botanique où sont évoquées les espèces vernales, c’est-à-dire celles qui se développent au printemps. Et comme le mot ne manque pas de singularité, on ne s’étonne pas de lire en 1959, dans ses Mémoires intérieures, que François Mauriac était sensible à « l’odeur vernale des vacances de Pâques ».

Le primevère
C’est au masculin que le « primevere » s’impose en tant que première saison avant qu’au XVIe siècle le « printemps » ne prenne la relève, et que « la primevère », attestée en 1573, encore orthographiée en deux mots par Richelet en 1680, prime vere, ne désigne définitivement la « sorte de Fleur qui fleurit en février, Mars et Avril », ainsi appelée parce qu’ « elle est l’une des premières fleurs qui annoncent le printemps ».

Jean Pruvost
Le Figaro

Accédez à l’article source

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE