LA FRANCE PITTORESQUE
Merci : d’où vient la formule ?
(Source : Le Figaro)
Publié le vendredi 3 décembre 2021, par Redaction
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L’expression « merci » est de nos jours autant employée par déférence que par respect. Une politesse désintéressée, à l’origine bien mercantile... Mais d’où vient ce terme ? Le Figaro revient sur son histoire.
 

L’humilité ! Voilà la grande affaire de notre siècle. À tendre l’oreille dans le métro (parisien) et à observer le manque de civilité (roi dans les magasins), il semblerait que la politesse soit devenue le fait de gens trop policés pour vivre dans la polis. Comme si le bon usage ou plus généralement les vieilles servitudes langagières, reléguées au rang du langage châtié, s’étaient transformés en vulgaires paroles de subordination... De quoi prendre parfois des excuses et civilités comme des insultes.

La politesse aujourd’hui, semble-t-il, à la merci de gens sans merci, a un prix. Un coût qui n’est toutefois pas sans rappeler les premières origines étymologiques de son apparent terme de déférence « merci ». Le Figaro revient sur l’histoire de cette marque d’attention.

« La merci », nous conte Claude Duneton dans son livre La Puce à l’oreille, « fut d’abord une faveur, une récompense ». Du latin merces (mercedem à l’accusatif), le nom féminin renvoie originellement à l’idée d’un « marché » passé entre deux individus puis celle « d’une faveur que l’on accorde à quelqu’un en l’épargnant ». « Pour Dieu et pour moi, ayez, la merci que je vous demande », implore Lancelot dans le Chevalier de la Charette de Chrétien de Troyes. Comprenez : « Ayez la pitié que je demande ». La « grâce » ne peut en réalité être obtenue qu’en échange d’un bien mercantile. « Celui qui vous tenait à sa merci était celui qui fixait son prix pour votre libération », note le linguiste.

« Merci » ou les faveurs d’une dame
La merci sous-entend également en ses racines l’idée d’un rapport vertical. « Merci, sire, soyez en paix », dira plus haut Lancelot. Une manière de signifier sa sujétion à son bienfaiteur. N’est donc pas anodin de retrouver la conception d’asservissement dans les formules qui font encore foi aujourd’hui : « être corvéable à merci » et « se rendre à merci », dans le sens de « capituler ».

Outre ces rapports d’intérêt sur lesquels se fonde le substantif, le mot « merci », accordé au masculin, prend les sens de « grâce » et « pitié ». Adieu le marché et bonjour la charité ! Rien à voir en effet avec le paronyme latin merx « marchandise », quand le nom est accompagné de l’article « le ». Employé dès 881 en France sous la forme mercit, « miséricorde », le mot se parera au fil des siècles de diverses significations telles « pitié », « faveurs d’une dame » et « remerciement ». Conception qui « prendra racine dès le XIVe siècle », rappelle Claude Duneton, « sous la forme grand merci à partir du XVIe siècle, époque où grand était encore à la fois masculin et féminin ».

Parfois souligné d’un adjectif « grand merci », numéral « mille mercis » ou accolé au nom de Dieu, dans l’expression « Dieu merci ! » pour remplacer le terme « heureusement », le substantif s’utilise de nos jours, principalement pour faire état de sa gratitude.

Si l’Académie française n’a pas statué sur le bon usage des expressions « merci pour » et « merci de » — toutes les deux correctes — précisons toutefois que placé derrière un verbe à l’infinitif, la locution exacte sera toujours et exclusivement « merci de ».

Alice Develey
Le Figaro

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