LA FRANCE PITTORESQUE
15 août 1758 : mort de l’hydrographe,
géodésiste et physicien Pierre Bouguer,
fondateur de la photométrie
(D’après « Biographie universelle ancienne
et moderne » (Tome 5), édition de 1854)
Publié le lundi 15 août 2022, par Redaction
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Esprit brillant, s’illustrant notamment par les travaux qu’il mena au Pérou pour déterminer la forme exacte de la terre, Bouguer est un des hommes ayant le plus fait pour les sciences, les servant par son courage et les honorant par ses vertus
 

Professeur d’hydrographie, membre de l’Académie des sciences de Paris, de la Société royale de Londres, etc., Pierre Bouguer naquit au Croisic le 10 février 1698. Son père, Jean Bouguer, professeur d’hydrographie estimé, dont on a un Traité de navigation (1699), lui donna les premières leçons de mathématiques, et, ce qui est plus rare, il lui en inspira le goût ; mais bientôt le jeune Bouguer eut dépassé son maître.

En 1727, à l’âge de vingt-neuf ans, il remporta le prix proposé par l’Académie sur la mâture des vaisseaux. En 1729, il en remporta un second sur la meilleure manière d’observer les astres à la mer ; et, en 1731, un troisième sur la méthode la plus avantageuse pour observer à la mer la déclinaison de l’aiguille aimantée. Cet enchaînement de succès l’avait fait connaître avantageusement comme physicien et comme géomètre ; mais il se donna des titres encore plus solides en publiant son Traité de la gradation de la lumière, dont la première édition parut en 1729.

Pierre Bouguer

Pierre Bouguer

Il examine dans cet ouvrage la proportion dans laquelle la lumière est absorbée par les corps que nous nommons transparents ou diaphanes, et qui ne sont réellement tels qu’en partie. Pour fixer cette proportion, il fallait imaginer de nouveaux instruments propres à mesurer l’intensité de la lumière, avant son entrée dans les corps, et après son passage à travers leur substance ; Bouguer réussit dans cette invention délicate, et il l’employa d’une manière fort ingénieuse pour comparer les intensités de la lumière émise ou réfléchie par les différents astres.

Il fit entre autres cette curieuse remarque, que la lumière du soleil est plus intense au centre de son disque que sur les bords, tandis que le contraire a lieu sur le disque de la lune ; ce qui indique que le soleil est enveloppé d’une épaisse atmosphère, au lieu que la lune n’en a point, ou n’en a qu’une dont la densité est insensible dans ces observations. Le génie de Bouguer pour la physique se montre partout dans cet ouvrage rempli de recherches fines, ingénieuses, toujours dirigées et soutenues par un heureux accord du calcul avec l’art de l’observation.

Vers cette époque, on agitait dans l’académie des sciences la fameuse question de la figure de la terre. On crut, avec raison, ne pouvoir mieux la décider qu’en faisant mesurer deux degrés de latitude, l’un à l’équateur, l’autre près du pôle, et en comparant les longueurs de ces deux degrés ; car celui du pôle devait être égal à celui de l’équateur si la terre est sphérique : il devait être plus grand si la terre est aplatie aux pôles, moindre si elle est aplatie à l’équateur. Ces deux voyages promettaient encore beaucoup d’autres comparaisons importantes pour l’astronomie, la physique et la géographie.

L’Académie choisit pour aller à l’équateur Bouguer, Godin, La Condamine, et ce choix valut à Bouguer une place de pensionnaire. Il était bien juste de lui donner cette récompense pour son dévouement à une si pénible entreprise, dont personne n’était plus propre à assurer le succès. En effet, il fut l’âme de l’expédition, il porta dans le choix des triangles, dans l’examen des instruments, dans le détail des observations, cet esprit de sagacité, de finesse et d’exactitude qui lui était propre.

Recherches d’astronomie, de physique, de géographie, d’histoire naturelle, rien ne lui échappa. Il porta le coup d’œil d’un philosophe sur tous ces objets, même sur ceux dont il s’était le moins occupé auparavant. Malgré la protection des autorités espagnoles, ce que Bouguer et ses compagnons eurent de dangers à braver, de fatigues à supporter et d’obstacles à vaincre, se peut difficilement concevoir. Ils en triomphèrent à force de courage et de persévérance.

Bouguer, à son retour, publia les résultats de cette belle opération, dans son ouvrage de la Figure de la terre, livre qui ne peut être trop étudié par les physiciens et les astronomes, parce qu’il offre un modèle parfait de l’art d’observer. Cet ouvrage mit le comble à la réputation de Bouguer, dont le mérite était depuis longtemps incontestable. S’il avait eu lui-même le sentiment de ce mérite comme il aurait dû l’avoir, les dernières années de sa vie n’auraient pas été si cruellement troublées par des disputes littéraires ; et ce voyage au Pérou, qui était un des titres de sa renommée, ne serait pas devenu la cause de ses plus grands chagrins. Il voyait avec peine que La Condamine, plus homme de lettres que lui, et plus répandu dans le monde, recevait beaucoup de louanges pour l’opération du Pérou, au succès de laquelle il avait, à la vérité, contribué de tous ses moyens et par tous ses efforts ; mais pourtant dans une proportion infiniment moindre que Bouguer.

Ce dernier s’imaginait que La Condamine voulait s’approprier tout le mérite de cette expédition ; et il se plaint amèrement de cette injustice dans des lettres manuscrites adressées à l’illustre Daniel Bernouilli, son ami, dont le talent avait le plus grand rapport avec le sien. En réalité, on ne rien, dans la correspondance manuscrite de Bouguer et de La Condamine au Pérou, qui puisse autoriser ces soupçons. Les lettres de La Condamine sont toutes remplies des expressions du respect de l’admiration qu’il portait à son savant collègue ; les mesures qu’il lui proposait de prendre, et que le malheureux Bouguer ne manquait pas de regarder comme des pièges, paraissent toujours dictées par les meilleures intentions.

Bouguer attaqua La Condamine ; celui-ci se défendit ; il le fit avec décence ; mais, ce qui était un avantage immense dans une lutte pareille, il le fit de manière à être lu. Ces répliques désolèrent Bouguer, et probablement avancèrent sa fin. Quelques jours avant de mourir, il porta chez un libraire le manuscrit de la seconde édition de son ouvrage sur la gradation de la lumière, en le pressant de l’imprimer promptement, pour qu’il pût encore le revoir ; mais il n’eut pas cette satisfaction : il mourut le 15 août 1758, âgé de 60 ans et demi. Toutefois ses intentions furent remplies avec un zèle religieux par l’abbé de Lacaille, qui était resté constamment son ami.

Signalons que Bouguer est l’inventeur de l’héliomètre, ou lunette à deux objectifs, pour mesurer les diamètres apparents du soleil et des planètes. Il fit un grand nombre d’expériences sur la longueur du pendule simple à différentes latitudes ; elles sont rapportées dans son livre de la Figure de la terre. Il fit des recherches sur la dilatation des métaux, sur les densités de l’air à diverses hauteurs, sur les réfractions atmosphériques, enfin sur une infinité d’objets de physique, de géométrie et d’astronomie.

Malgré tant d’occupations, il trouvait encore le moyen de travailler au Journal des Savants, dont il fut pendant trois ans un des principaux rédacteurs, depuis le 27 septembre 1752 jusqu’au 25 juin 1755.

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