LA FRANCE PITTORESQUE
10 mai 1833 : mort de François Andrieux,
dramaturge, homme politique
et professeur de belles-lettres
(D’après « Biographie universelle, ancienne
et moderne » (Tome 1) édition de 1843
et « Biographie universelle ou Dictionnaire historique des hommes
qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus,
leurs erreurs ou leurs crimes » (Tome 1), édition de 1867)
Publié le mardi 10 mai 2022, par Redaction
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Causeur élégant et improvisateur agréable, destiné à exercer le métier d’avocat, Andrieux commence de se livrer à la littérature avant que la Révolution lui offre une place dans la magistrature puis que, écarté de la politique par Bonaparte, il ne se consacre à sa carrière de professeur de grammaire et belles-lettres
 

François Andrieux, secrétaire perpétuel de l’Académie française, professeur de littérature au Collège de France, naquit à Strasbourg le 6 mai 1759 (et non à Melun, vers 1755, comme l’ont dit quelques biographes). Il fit ses études à Paris, au collège du Cardinal Lemoine, et il les avait terminées à 17 ans par de nombreux triomphes.

Ses parents, qui le destinaient au barreau, le placèrent chez un procureur. Il consacrait ses moments de loisir à des essais poétiques, qui ont été imprimés dans l’Almanach des Muses et dans le Mercure. Il était premier clerc lorsqu’il composa en 1782 son Anaximandre, comédie en un acte et en vers, sujet grec traité avec beaucoup d’esprit. Les Étourdis, joués en 1787, obtinrent un grand succès. En 1790, il donna Louis IX en Égypte, opéra qui ne réussit pas. Andrieux voulait s’élever trop haut ; il ne devait espérer de succès que dans le genre spirituel, fin, comique, et non dans le genre dramatique, comme le prouva plus tard sa tragédie de Junius Brutus représentée en 1830

Portrait de François Andrieux par Deltil (1818)

Portrait de François Andrieux par Deltil (1818)

Andrieux avait prêté le serment d’avocat en 1781 ; mais son père étant mort, laissant des enfants sans fortune, Andrieux, l’aîné de la famille, se décida à accepter l’emploi de secrétaire du duc d‘Uzès. Fatigué de cette existence précaire, il se mit en stage chez le célèbre Hardouin, en 1785, et eût été inscrit sur le tableau des avocats en 1789, si l‘ordre n’eût été dissous. Andrieux perdit donc son état.

Mais la Révolution, avec laquelle il sympathisa vivement, lui ouvrit la carrière des emplois. Il entra bientôt, en qualité de chef de bureau, à la liquidation générale. En 1796, il fut appelé par le vote électoral au tribunal de cassation. Il ne tarda pas à conquérir par ses qualités aimables et par sa grande intelligence des questions de procédure, l’estime et l’attachement de ses collègues. Mais il donna sa démission et fut bientôt élu par le collège électoral de Paris membre du conseil des Cinq-Cents (1798). Il y fit un rapport sur l’instruction primaire, et parla dans la discussion sur l’assassinat des plénipotentiaires français à Rastadt.

Deux ans plus tard il fut nommé secrétaire du tribunat, puis président de section, mais Bonaparte, dont il contrariait les projets, le destitua et le fit sortir avec Daunou, Ginguené, Benjamin Constant et plusieurs autres. Là se termina sa carrière politique.

François Andrieux était père de deux filles ; il soutenait sa mère, avancée en âge ; et une sœur d‘un rare mérite vivait auprès de lui. Rien n’eût manqué à son bonheur s‘il ne se fût pas trouvé sans fortune. Connaissant les embarras de sa position, le ministre de la police, Fouché, lui offrit une place de censeur. Mais Andrieux refusa de mutiler officiellement la pensée.

Un évènement inattendu vint le tirer quelque temps après de cet état de gêne. Dès que l‘Empire se fut élevé sur les ruines de la République, un frère de Napoléon n‘oublia point, lorsqu‘il fut devenu prince, qu’il avait été le collègue d’Andrieux au corps législatif, et qu‘il avait coutume de s’asseoir auprès de lui. Joseph alla le trouver et lui dit : « Il me tombe sur les bras une grande fortune, il faut que mes amis m’aident à en faire un bon usage » ; et Andrieux fut nommé bibliothécaire de Joseph, avec six mille francs d’appointements. Il n’oublia jamais ni la grâce du bienfait ni la reconnaissance due au bienfaiteur.

Andrieux reçut dans ce même temps la croix de la Légion d‘honneur ; il fut encore nommé, en 1804, bibliothécaire du Sénat, puis professeur de grammaire et de belles-lettres à l’École polytechnique. Depuis l’an III (1795), époque de sa fondation, sous le titre d’École des travaux publics, jusqu’à la fin de la République, l’enseignement dans cette école célèbre n’avait embrassé que l‘analyse et la mécanique, la géométrie pure et appliquée, la chimie, la physique, l’architecture et le dessin.

François Andrieux fut donc le premier professeur nommé à la nouvelle chaire ; il était fait pour professer, pour instruire, et nul mieux que lui n’a su faire passer rapidement ses élèves de l’amour de la science à l’attachement au professeur. Son cours était très suivi, intéressant, semé d’anecdotes piquantes et gracieuses. Andrieux était un causeur élégant, correct, un improvisateur agréable, léger, spirituel. « Cependant, dit un de ses biographes, en avouant que son enseignement avait de l’attrait, nous devons ajouter qu’Andrieux fut un apôtre très ardent de l’impiété, et qu’il tournait en ridicule la religion et le clergé avec un zèle qui allait presque au fanatisme.

« Ceux qui ont suivi son cours savent avec quelle affectation maligne il recherchait les occasions de se faire applaudir par ses épigrammes philosophiques. C’est sans contredit un des hommes qui ont le plus contribué de nos jours à égarer la jeunesse, qu’attiraient à ses leçons ses saillies piquantes, déguisées sous une apparence de bonhomie. Les idées philosophiques avaient en effet séduit la jeunesse d’Andrieux, qui fut, comme l’a dit Tissot sur sa tombe, le disciple de Voltaire et l’héritier de ses doctrines. »

Mais bientôt ses fonctions ne se bornèrent pas à donner des leçons ; il fut chargé d‘examiner les compositions d‘analyses grammaticales, faites dans toute la France par les candidats, devant les examinateurs qui les envoyaient à Paris. Andrieux était dans cette partie le juge suprême. Il fit pour la dernière fois cet examen au concours d‘octobre 1815 . Quelques mois après (mars 1816) la Restauration lui avait donné dans sa chaire un successeur, Aimé Martin. On ajouta à l’enseignement de la grammaire et des belles-lettres, celui de l‘histoire et de la morale, ce qui ne rendait pas, pour le successeur, la tâche plus aisée.

Comme Andrieux avait reçu en 1814 le titre inamovible de professeur de littérature au Collège de France, il continua d‘occuper cette chaire, autour de laquelle il attira pendant 19 ans un brillant concours d‘auditeurs. À l’époque de l‘invasion du choléra (1832), Andrieux sentit tout à coup ses forces s’affaiblir ; sa santé devint chancelante : forcé d’interrompre son cours, il essaya plusieurs fois de le reprendre. On le pressait de se reposer : « Non, disait-il, un professeur doit mourir en professant ».

Déjà les médecins l’avaient condamné ; mais il ne sentait pas sa fin approcher. Il ne pouvait se résoudre à quitter sa chaire : « Vous y périrez, lui dit-on un jour. — Eh bien ! c’est mourir au champ d’honneur ». Et il allait mourir quand le jour de sa fête arriva : ses enfants et sa sœur vinrent l‘embrasser « des fleurs dans les mains, le sourire sur les lèvres et le deuil dans le cœur. » Il était gai, riant, heureux... Quatre jours après il avait cessé de vivre, le 10 mai 1833, à l‘âge de 74 ans.

Pendant trente ans de professorat, François Andrieux forma plusieurs générations d’hommes qui, en diverses carrières, illustrèrent la France. Il fut juge intègre, législateur sans ambition, poète aimable , joyeux conteur. Il faut cependant dire qu‘écrivant sans prétention, Andrieux porta plus d’une fois cette négligence trop loin. Il laissa une infinité de productions ; tous les genres lui étaient familiers. Après la mort d‘Auger, François Andrieux fut nommé secrétaire de I’Académie. Alors il embrassa avec ardeur l’ensemble et les détails de l‘administration de cette compagnie. On peut regarder comme modèles, divers de ses rapports sur les prix proposés.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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