LA FRANCE PITTORESQUE
Vestiges (Réapparition des) du camp
Saint-Maurice, annexe d’un
ancien bagne de Guyane
(Source : Inrap)
Publié le jeudi 24 novembre 2016, par Redaction
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Saint-Maurice est à l’origine, en 1863, un centre de concessions agricoles. En 1867, l’administration pénitentiaire décide d’implanter une usine à sucre et à distiller. Un camp s’organise autour de la sucrerie-distillerie qui produit du sucre (jusqu’en 1894), du tafia (alcool de mélasse) et du rhum jusqu’à sa fermeture en 1949. Il s’agit de la première distillerie de Guyane.
 

Le terrain est localisé en périphérie de la ville de Saint-Laurent-du-Maroni, dans le quartier Saint-Maurice en pleine urbanisation, au bord de la rivière Balaté. Il correspond à l’emprise des bâtiments industriels et des lieux de vie des transportés qui y travaillent, des surveillants militaires qui les encadrent et du personnel libre œuvrant à la bonne marche d’une sucrerie-distillerie.

Une industrie associée à des concessions agricoles
Saint-Maurice est à l’origine, en 1863, un centre de concessions agricoles. En 1867, l’administration pénitentiaire décide d’implanter une usine à sucre et à distiller. Les plans du XIXe siècle et les photographies du siècle suivant précisent l’organisation pénitentiaire autour de l’usine : bâtiments annexes à l’usine, quartier des surveillants, quartier des transportés, quartier du personnel libre...

Un patrimoine architectural insoupçonné
Alors que les inventaires patrimoniaux avaient jusqu’à présent considéré qu’il ne restait aucun vestige du camp, il a fallu la démolition des bâtiments d’une scierie qui s’était installée par la suite sur la parcelle, et le défrichage des lieux alentours pour se rendre compte que le rez-de-chaussée de l’ancienne caserne des surveillants était toujours en élévation.

La caserne des surveillants du camp de Saint-Maurice en Guyane

La caserne des surveillants du camp Saint-Maurice
en Guyane. © Crédit photo : Jérôme Briand, Inrap

D’après un rapport d’inspection de 1883, le bâtiment est en construction depuis deux ans. Il apparaît sur le plan d’ensemble le plus ancien, daté de 1884. La caserne possédait à l’origine un étage pour le logement des surveillants, le rez-de-chaussée étant affecté au service intérieur et à divers magasins. Un autre bâtiment, détaché de la caserne, installé parallèlement à celle-ci, abritait les servitudes (cuisines, wc...). Le bâtiment principal, de forme rectangulaire, mesure 20 x 8 m. Au nord, une galerie ouverte, agrémentée d’une succession d’arches reposant sur un mur-bahut, lui est accolée. De cette galerie partait un escalier desservant l’étage aujourd’hui disparu. L’intérieur du bâtiment présente encore les stigmates de sa réoccupation récente en habitation moderne.

Malgré son état et les nombreux réaménagements subis, ce bâtiment présente un caractère patrimonial indéniable et exceptionnel pour l’histoire de la colonisation pénale du Maroni. Alors que les constructions en bois avaient la préférence de l’administration pénitentiaire au début du bagne, la caserne serait l’un des tout premiers bâtiments en pans de briques construits à Saint-Laurent-du-Maroni.

Des vestiges témoignant de l’organisation spatiale d’un camp
Lors du démarrage de l’opération, la présence de structures construites affleurantes au sol a été constatée, à l’emplacement de la distillerie de l’usine. Un décapage superficiel et partiel a confirmé et validé la relative bonne conservation d’arases de murs fondés en pierres de granit, de sols de briques et de substructions servant probablement de supports aux appareils distillatoires. L’ouverture de tranchées a montré que le reste de l’usine était enfoui sous un remblai hétérogène variant entre 20 et 50 cm d’épaisseur.

Si certaines structures apparaissent bien conservées, d’autres ne sont que résiduelles, en partie démantelées lors de la destruction des élévations de l’usine et du décapage qui a suivi avant la mise en place des couches d’installation de la scierie dans la seconde moitié du XXe siècle. Ces perturbations ont été plus destructives pour les bâtiments annexes à l’usine. De tous ces bâtiments, seules les fondations maçonnées des murs des forges ont été reconnues. Il est probable aussi que les bases de piliers de l’une des cases servant de logement aux transportés soient conservées, ainsi que les structures creuses associées environnantes (fossés, trous de poteau). Des lambeaux de couches d’occupation ont également été identifiés, ce qui a permis de recueillir des fragments de mobilier de la vie quotidienne.

Dans les deux tiers nord de la parcelle, l’activité de la scierie a par contre définitivement détruit les vestiges des logements du personnel libre, même si quelques indices ont pu être aperçus (trous de poteau ou couches d’occupation résiduelles). L’archéologie des bagnes en Guyane est un domaine de recherche en plein essor.

Institut national de recherches archéologiques préventives
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