LA FRANCE PITTORESQUE
27 novembre 1252 : mort de la reine
Blanche de Castille, mère de Louis IX
(D’après « Biographie universelle ancienne
et moderne » (Tome 4), édition de 1843)
Publié le samedi 19 novembre 2016, par Redaction
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Fatigués de la guerre, les Français accueillirent avec la plus vive joie cette princesse dont on remarquait la grande beauté et l’éclat du teint, ce qui lui valut le nom de Blanche ou de Candide. On devait y admirer un jour un sens droit et ferme, un courage à l’épreuve des événements les plus imprévus et les plus fâcheux, un esprit fertile en ressources.
 

Née le 4 mars 1188, fille du roi de Castille Alphonse VIII et d’Aliénor d’Angleterre, petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine et de Henri II d’Angleterre, épouse du roi de France Louis VIII et mère du roi Saint-Louis, Blanche fut amenée en France en 1200, âgée alors de 12 ans : le futur Louis VIII était plus âgé qu’elle de quelques mois seulement ; et l’histoire a remarqué qu’ils vécurent ensemble pendant vingt-six ans, sans s’éloigner l’un de l’autre, et sans que leur union eût été altérée un seul instant.

Blanche, aussi séduisante par sa beauté qu’étonnante par son esprit et la fermeté de son caractère, prit un grand ascendant sur son époux ; elle assistait avec lui au conseil, le suivait dans ses expéditions militaires, et paraissait tellement née pour dominer, que Philippe Auguste, son beau-père alors régnant sur le royaume de France, ne rougissait pas de la consulter, et de céder à ses conseils.

Gravure de Jean-Charles Pardinel extraite du Plutarque français (1844)

Gravure de Jean-Charles Pardinel extraite du Plutarque français (1844)

L’habitude de se livrer aux affaires dans une cour où les grands vassaux rivalisaient de puissance avec les rois adoucit ce qu’il y avait de trop altier dans le caractère de cette princesse. Sans renoncer à l’austérité de ses principes, elle mit de l’adresse, de la coquetterie même dans sa conduite, et ne négligea aucun moyen permis pour satisfaire ses désirs, tout entiers renfermés dans la prospérité de la France et la gloire de son fils. Elle forma saint Louis, seul monarque qui n’ait été comparé ni à ses prédécesseurs, ni à ceux qui l’ont suivi ; et, deux fois régente dans des circonstances difficiles, elle assura la tranquillité du royaume.

Louis VIII son époux étant mort en 1226, Blanche se hâta de faire sacrer Louis IX, l’aîné de ses fils, et s’empara de l’autorité, sans attendre le consentement des grands dont elle connaissait les dispositions et les projets ; mais, quoique tout se fît par sa volonté, elle crut devoir faire agir et parler son fils comme s’il avait gouverné lui-même ; ainsi, on vit Louis IX, à peine dans sa treizième année, commander les armées et haranguer en public avec toute l’assurance d’un monarque qui aurait vieilli sur le trône.

Elle ne donna sa confiance qu’au cardinal Romain, parce qu’étant étranger, il ne pouvait trouver de véritable appui qu’en elle. C’est ainsi qu’Anne d’Autriche, dans des circonstances semblables, accorda une préférence exclusive au cardinal Mazarin. Les Français ne supportant qu’avec impatience la domination des femmes, on vit bientôt se former un parti des plus puissants seigneurs, dont quelques-uns réclamaient la régence, comme parents du jeune roi ; ils prirent les armes, et essayèrent plusieurs fois d’enlever Louis IX, sachant bien que, s’ils pouvaient s’emparer de sa personne, ils le feraient aisément parler au gré de leurs prétentions.

Mais Blanche déconcerta toutes leurs mesures. Disposant des trésors de la couronne, elle assembla une armée ; et, par la promptitude de ses démarches, par sa fermeté et son adresse, elle rompit l’association formée par les seigneurs avant qu’elle eût eu le temps de devenir formidable. Elle fit en personne le siège de Bellême au Perche, au milieu d’un hiver extrêmement rigoureux, et s’en rendit maîtresse malgré les efforts du duc de Bretagne Pierre Mauclerc, soutenu par les Anglais ; elle poursuivit sa condamnation avec la plus grande sévérité, le fit déclarer coupable de lèse-majesté et de félonie, et lui accorda ensuite sa grâce, afin de montrer qu’elle savait aussi bien pardonner que venger les droits du trône.

Elle était secrètement servie par Thibaut, comte de Champagne, qui, se piquant d’une grande passion pour elle, ne s’était lié aux mécontents que pour l’instruire de leurs desseins. Quand sa trahison leur fut connue, ils voulurent s’en venger en lui faisant la guerre ; mais Blanche marcha à son secours, montrant toujours le roi à la tête de l’armée ; et, dès qu’elle n’eut plus rien à redouter, elle se chargea elle-même d’abaisser cette maison de Champagne depuis si longtemps redoutable à la couronne par l’étendue et la position de ses domaines. Le comte Thibaut poussa la galanterie jusqu’à se plaindre bien plus amèrement des rigueurs de Blanche que de la politique de la régente, qui lui enlevait une partie de son héritage.

Dans le temps même où elle prévoyait qu’elle aurait à dissiper une grande faction, elle osait renouveler la guerre contre les Albigeois, guerre qui durait depuis Philippe Auguste. Elle eut la gloire de la terminer et maria Louis IX à Marguerite, fille du comte de Provence. La fin de sa régence fut aussi tranquille que le commencement en avait été agité : c’est un rapport de plus entre cette princesse et Anne d’Autriche. Toutes deux furent calomniées par les partis : toutes deux ont été vengées par l’histoire, et par l’attachement des rois dont elles avaient formé le cœur, et conservé le pouvoir.

La reine Blanche de Castille et son fils Louis IX. Lithographie parue dans Les reines de France (1890)

La reine Blanche de Castille et son fils Louis IX.
Lithographie parue dans Les reines de France (1890)

Lorsqu’à la suite d’une maladie violente dont il fut attaqué en 1244, Louis IX fit vœu de marcher à la conquête de la terre sainte, on vit la reine mère employer les larmes, les prières, lui opposer le sentiment des ecclésiastiques les plus respectables, pour l’engager à renoncer à cette résolution. Elle n’ignorait pas cependant que la régence lui serait confiée pendant l’absence du roi ; mais l’ambition de cette princesse était au-dessus de pareils calculs. Trop habile pour ne pas prévoir les suites de cette croisade, la puissance dont elle allait être revêtue lui était moins chère que le bonheur de la France et la présence de son fils. Elle l’accompagna jusqu’à Marseille, et perdit connaissance en recevant ses adieux ; il semblait qu’un secret pressentiment l’avertît qu’ils ne devaient plus se revoir.

De retour à Paris, elle s’occupa de l’administration du royaume avec une assiduité qui ne se démentit jamais ; l’ordre qu’elle mit dans les finances lui permit de rendre moins pesants les malheurs qui accablèrent les Français en Égypte ; l’argent ne manqua jamais au roi. Elle maintint les seigneurs dans le devoir, les étrangers dans le respect des traités ; et, lorsque les paysans se révoltèrent, en apprenant la captivité du roi ; que, sous le nom de pastoureaux, ils se livrèrent aux plus grands excès, Blanche retrouva, pour les soumettre, la même activité qui l’avait distinguée dans sa jeunesse.

Pour apprécier le mérite de cette reine, il faut lire l’histoire depuis 1225 jusqu’en 1232 ; rien de ce qui s’est passé en France pendant cet intervalle ne lui a été étranger. Elle était jalouse du crédit qu’elle avait sur l’esprit du roi, jusqu’à l’obliger à cacher une partie de l’attachement que lui inspirait Marguerite, sa femme : cette jalousie tenait moins à l’ambition qu’à la tendresse extrême qu’elle avait pour un fils dont le mérite flattait à la fois son cœur et sa vanité ; car elle l’avait élevé avec une prédilection particulière ; et, malgré cette tendresse jalouse, elle lui disait souvent : « J’aimerais mieux vous voir mort, que souillé d’un péché mortel. »

La longue absence de Saint-Louis, le bruit répandu qu’il voulait se fixer dans la Palestine, lui causèrent une douleur qui contribua à abréger ses jours ; elle mourut à Melun, le 27 novembre 1252, dans la 65e année de son âge, et fut enterrée à l’abbaye de Maubuisson qu’elle avait fondée en 1242.

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