LA FRANCE PITTORESQUE
Sixte II
(né en ? – mort le 6 août 258)
Élu pape le 24 août 257
(« Histoire des souverains pontifes romains » (Tome 1)
par A. de Montor paru en 1846,
« Résumé de l’histoire des papes » par A. Bouvet de Cressé, paru en 1826
et « Le Vatican ou Portraits historiques des papes » paru en 1825)
Publié le lundi 15 août 2016, par Redaction
Imprimer cet article

On dit que ce fut Sixte II, originaire d’Athènes, qui ordonna que les corps des apôtres saint Pierre et saint Paul fussent transportés, du lieu où ils reposaient, dans les catacombes, afin qu’ils fussent plus respectés pendant les fureurs de la persécution. Alors les fidèles chantaient régulièrement les psaumes, jusqu’à la neuvième heure, dans ces souterrains sacrés. Ce pape s’opposa avec vigueur à la doctrine des Sabelliens, qui niaient qu’il y eût trois personnes en Dieu.

La dispute durait encore relativement au baptême des hérétiques ; mais on n’avait pas à déplorer une discorde fatale. Sixte défendait la doctrine d’Étienne Ier, mais avec moins de sévérité dans les paroles. Denis, célèbre évêque d’Alexandrie, demandait à être médiateur auprès de Sixte, comme saint Irénée l’avait été auprès de Victor, dans la question de la Pâque. Sixte adhéra aux insinuations de Denis, et laissa aux Églises dissidentes l’usage de leurs habitudes, jusqu’à une sentence du concile général. L’effet prouva la sagesse de cette pensée. Les Orientaux, reconnaissant qu’ils étaient soupçonnés d’erreur, et n’étant pas d’ailleurs irrités par la violence, examinèrent plus attentivement la question, et successivement diverses Églises d’Afrique, déposant le nouvel usage, adoptèrent spontanément celui de Rome ; événement qui fit croire que saint Cyprien lui-même eût abandonné peu à peu son système.

Pape Sixte II (257-258)

Pape Sixte II (257-258)

Les premières années de l’empereur Valérien (253-260) avaient promis à l’Église quelque tranquillité ; mais un ministre pervertit cette bonne disposition. Le supplice du pape saint Étienne annonçait le sort de Sixte. Macrin, homme de grand crédit à cause de sa valeur guerrière, était infatué des mystères de la magie. Il persuada au prince que le véritable secret pour rendre son règne heureux était de se concilier la faveur des démons, par des opérations théurgiques ou magiques. En même temps il déclara qu’elles n’auraient aucune efficacité si on n’exterminait tous les chrétiens, ennemis capitaux des démons et des magiciens.

Valérien changea donc de sentiment ; son premier amour était devenu de la haine, et il ordonna que l’on fît périr à la fois les évêques, les prêtres et les diacres. L’empereur avait en outre défendu aux chrétiens, non seulement de prêcher, mais même de se réunir dans les cimetières. Sixte II viola cette loi et, surpris dans le cimetière de Calixte, il fut condamné à la peine capitale. Le poète Prudence assure qu’il fut attaché à un gibet. On avait ordonné de frapper d’abord les évêques. Saint Laurent, le principal des diacres, n’était pas ce jour-là au nombre des victimes. Il suivait Sixte en pleurant, et lui disait : « Où allez- vous, mon père, sans votre fils ? Vous n’avez pas coutume d’offrir le sacrifice sans ministre. En quoi vous ai-je déplu ? Éprouvez si je suis digne du choix que vous avez fait de moi, pour me confier la dispensation du sang de Notre-Seigneur. » Sixte répondit : « Je ne t’abandonne pas, mon fils, mais Dieu te réserve un plus grand combat. N’en doute pas, dans trois jours tu seras avec moi. » Après avoir prononcé ces paroles prophétiques, il fut exécuté.

Quatre jours plus tard, ce fut au tour de saint Laurent d’être supplicié, Fleury rapportant en quelles circonstances : « Cependant le préfet de Rome, croyant que les chrétiens avaient de grands trésors en réserve, et voulant s’en assurer, se fit amener saint Laurent, qui en avait la garde, comme le premier des sept diacres de l’Église romaine. Le voyant en sa présence, il lui dit : Vous vous plaignez d’ordinaire que nous vous traitons cruellement : il n’y a point de tourments. Je vous demande doucement ce qui dépend de vous. On dit que, dans vos cérémonies, les pontifes offrent les libations avec des vases d’or ; que le sang de la victime est reçu dans des coupes d’argent, et que, pour éclairer vos sacrifices nocturnes, vous avez des cierges fichés à des chandeliers d’or. On dit que, pour fournir à ces offrandes, les frères vendent leurs héritages, et réduisent souvent leurs enfants à la pauvreté ; mettez au jour ces trésors cachés : le prince en a besoin pour l’entretien de ses troupes. Aussi bien, j’apprends que, selon votre doctrine, il faut rendre à César ce qui lui appartient : je ne crois pas que votre Dieu fasse battre monnaie. Il n’a pas apporté de l’argent, quand il est venu au monde ; il n’y a apporté que des paroles : rendez-nous l’argent, et soyez riches en paroles.

« Saint Laurent répondit sans s’émouvoir : J’avoue que notre Église est riche, et l’empereur n’a pas de si grands trésors. Je vous ferai voir ce qu’elle a de plus précieux : donnez-moi seulement un peu de temps pour mettre tout en ordre, en dresser l’état, et en faire le calcul. Le préfet, content de cette réponse, et croyant tenir les trésors de l’Église, accorda trois jours de terme. Pendant ces trois jours, saint Laurent courut par toute la ville pour chercher en chaque rue les pauvres que l’Église nourrissait, et qu’il connaissait mieux que personne, les aveugles, les boiteux, les estropiés, les ulcérés. Il les assemble, il écrit tous leurs noms, et les range devant l’église. Le jour marqué étant passé, il va trouver le préfet, et lui dit : Venez voir les trésors de notre Dieu ; vous verrez une grande cour pleine de vases d’or, et des talents entassés sous les galeries. Le préfet le suit ; et voyant ces troupes de pauvres, hideux à regarder, qui s’écrièrent en demandant l’aumône, il se tourne vers Laurent avec des yeux troublés et menaçants. De quoi vous fâchez-vous ? répondit-il. L’or que vous désirez si ardemment n’est qu’un vil métal tiré de la terre, et sert de motif à tous les crimes. Le vrai or est la lumière dont ces pauvres sont les disciples ; la faiblesse de leur corps est un avantage pour l’esprit ; les vraies maladies sont les vices et les passions ; les grands du siècle sont les pauvres vraiment misérables et méprisables. Voilà les trésors que je vous avais promis ; j’y ajoute les perles et les pierreries ; vous voyez ces vierges et ces veuves : c’est la couronne de l’Église. Profitez de ces richesses pour Rome, pour l’empereur et pour vous-même.

« C’est donc ainsi que tu me joues ! dit le préfet. Je sais que vous vous piquez, vous autres, de mépriser la mort : aussi ne te ferai-je pas mourir promptement. Alors il fait apporter un lit de fer, et étendre, dessous, de la braise demi-éteinte, pour brûler le martyr plus lentement. On le dépouille, on l’étend et on l’attache sur ce gril. Son visage parut, aux chrétiens nouveau-baptisés, environné d’un éclat extraordinaire. Après que le martyr eut été longtemps sur un côté, il dit au préfet : Faites-moi retourner ; je suis assez rôti de ce côté. Puis, regardant au ciel, il pria Dieu pour la conversion de Rome, et rendit l’esprit. Des sénateurs, convertis par l’exemple de sa constance, emportèrent son corps sur leurs épaules. »

Il faut reportera cette même époque le martyre de saint Fructueux, évêque de Tarragone. Le gouverneur Émilien lui dit : « Es-tu évêque ? » Fructueux répondit : « Oui ». Émilien repartit : « Tu ne l’es plus », et commanda qu’il fût brûlé vif. Un chrétien, nommé Félix, s’approcha de lui, et, prenant sa main, le pria de se souvenir de lui. Fructueux lui dit tout haut : « Je dois avoir dans l’esprit toute l’Église catholique , étendue depuis l’Orient jusqu’à l’Occident. »

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE