LA FRANCE PITTORESQUE
Évariste
(né en ? – mort le 26 ou 27 octobre 109)
Élu pape vers 99
(« Histoire des souverains pontifes romains » (Tome 1)
par A. de Montor paru en 1846,
« Résumé de l’histoire des papes » par A. Bouvet de Cressé, paru en 1826
et « Le Vatican ou Portraits historiques des papes » paru en 1825)
Publié le mercredi 10 août 2016, par Redaction
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Évariste, pape et successeur de saint Clément, l’an 99, marcha sur les traces de son prédécesseur, et mourut saintement, le 26 ou 27 octobre 109. Il serait originaire d’Antioche et fils d’un juif. Il vint étudier à Rome où il se distingua par sa piété et son érudition.

Dès qu’il eut été reconnu comme souverain pontife, il ordonna, selon la tradition apostolique, que les mariages fussent célébrés publiquement et avec la bénédiction du prêtre, et que chaque évêque ne prêchât qu’assisté de sept diacres, afin que leurs rivaux ne leur imputassent pas des erreurs, comme dit Chacon, ou plutôt comme le suppose Bianchini, dans ses notes ad Anasatisum ; afin que ses diacres connussent l’aiguillon de la vérité, dans le ministère de la prédication.

Évariste distribua aux prêtres les titres, c’est-à-dire les églises de Rome, d’où quelques auteurs ont cru que ce pontife avait institué les cardinaux-prêtres. Au rit de la consécration des églises, passé du Vieux ou Nouveau Testament, Évariste ajouta quelques cérémonies. En trois ou quatre ordinations, il créa cinq évêques, six ou, suivant d’autres, dix-sept prêtres et deux diacres.

Pape Évariste (99 - 109)

Pape Évariste (99 - 109)

Sous son pontificat, l’Église fut attaquée au dehors par la persécution de l’empereur Trajan (28 janvier 98 - 9 août 117) — troisième persécution des chrétiens par les empereurs romains —, et déchirée au dedans par divers hérétiques. Mais une des consolations de ce pontife fut le courage de saint Ignace, disciple de saint Pierre et de saint Jean. Évariste avait conservé des correspondances avec la Palestine et la Syrie, et savait que saint Ignace, appelé aussi Théophore ou Porte-Dieu, avait été ordonné évêque d’Antioche en 68, après saint Évode, successeur immédiat de saint Pierre. Ignace gouvernait ce siège avec le zèle qu’on devait attendre d’un élève et d’un imitateur des apôtres. Rien n’égalait l’ardeur de sa charité, la vivacité de sa foi et la profondeur de son humilité.

Toutes ces vertus parurent avec éclat dans la troisième persécution qu’éprouva le christianisme sous le règne de Trajan, de ce même Trajan que Dante traite si bénévolement dans sa Divine Comédie. Ignace parut, et parla devant l’empereur avec toute la grandeur d’âme d’un chrétien, et reçut de la bouche même de ce prince, qu’on ne cesse de nous présenter comme un modèle de justice et d’humanité, l’arrêt d’une mort barbare. Envoyé d’Antioche à Rome pour y être exposé aux bêtes, il vit saint Polycarpe à Smyrne, parcourut différentes Églises, écrivit à celles qu’il ne put visiter, encourageant les forts et fortifiant les faibles.

Lorsqu’il fut arrivé à Rome, où il se rendait de lui-même, sans gardes, parce qu’il avait donné sa parole de ne pas de détourner en chemin, il s’opposa aux fidèles qui voulaient l’arracher à la mort. Le jour marqué pour le supplice, entendant les lions pressés par la faim, Ignace dit : « Je suis le forment de Jésus-Christ, pour être moulu par les dents des bêtes, et devenir un pain tout à fait pur. » Exposé à deux lions, il les vit venir sans trembler, leur servit de pâture aux applaudissements des païens, et rendit l’âme à Dieu en 107, pendant qu’Évariste priait en secret pour un si noble martyr.

Dans une de ses Épîtres, Ignace s’écrie : « Nunc incipio Christi esse discipulus, nihil de his quae videntur desiderans ; ignis, crux, bestia in me veniant, tantum ut Christo fruar. » (Maintenant je commence à être disciple du Christ, ne désirant rien de ce qu’on voit ici-bas, pourvu que je trouve Jésus-Christ ; que le feu, que la croix, que les bêtes viennent contre moi, n’importe, pourvu que je jouisse de Jésus-Christ).

Signalons ici qu’un moine du IXe siècle fabriqua un grand nombre de fausses décrétales ou constitutions des évêques de Rome, des quatre premiers siècles, dans lesquelles on supposait qu’on avait traité différents points relatifs à la discipline et à l’administration universelle de l’Église chrétienne.

Parmi ces lettres supposées, s’en trouve une attribuée à saint Evariste. L’imposteur les avait toutes rassemblées en un volume, en les entremêlant avec d’autres, dont l’authenticité était reconnue, et avait donné au corps entier de l’ouvrage le titre de Collection de Canons et Epîtres pontificales.

Ayant introduit son recueil dans les archives d’un monastère d’Allemagne, le faussaire fit en sorte, sous le règne de Charlemagne, de faire retrouver son livre, dont, probablement, il avait indiqué la place, comme par l’effet d’un heureux hasard. L’ignorance générale et le défaut de connaissances critiques à cette époque ne permirent pas de concevoir des soupçons sur cette supercherie.

Cette découverte fut célébrée à Rome, comme celle de la chose la plus précieuse, et les décrétales furent canonisées par les papes, intéressés à les citer, comme des lois, dans toutes les occasions où il leur convenait de s’en servir, pour exercer leur pouvoir sur les autres évêques ou églises du monde chrétien, dont le gouvernement intérieur et particulier ne leur appartenait que par usurpation.

Toutefois le mensonge n’a qu’un temps, et tôt ou tard la vérité perce les nuages dont l’imposture sacerdotale cherche à l’envelopper. La fiction fut découverte, et c’est aux savants laborieux du XVIe siècle que ce bienfait est dû.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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