LA FRANCE PITTORESQUE
5 juillet 1857 : mort de
Barthélemy Thimonnier,
inventeur de la machine à coudre
(D’après « Revue du Lyonnais », paru en 1872)
Publié le mercredi 5 juillet 2023, par Redaction
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Fils d’un teinturier, Barthélemy Thimonnier naquit à L’Arbresle (Rhône) le 19 août 1793, et fit d’abord quelques études, dans sa jeunesse, à la Manécanterie de la cathédrale de Lyon, que le cardinal Fesch réorganisait ; mais il dut bientôt les interrompre pour apprendre l’état de tailleur, qu’il exerça à Amplepuis, où ses parents s’étaient fixés en 1795.

Les broderies au crochet que les fabriques de Tarare, dans les montagnes du Lyonnais, faisaient exécuter dans les montagnes du Lyonnais et du Forez lui suggérèrent l’idée de construire une machine pouvant à la fois broder les étoffes et coudre les vêtements. En 1825, poursuivant toujours cette idée fixe, il vint à Saint-Etienne, où il pensait trouver plus facilement les moyens pratiques de dresser son mécanisme. Quant à son état, il l’exerçait pour le compte du tailleur Sabatier, dont l’établissement était sur la place Royale.

Thimonnier était allé se loger à l’écart, dans cette rue des Forges qui conserve aujourd’hui encore l’aspect pittoresque des anciens quartiers plus spécialement affectés aux ouvriers travaillant le fer. Là il se renfermait moins dans l’atelier où sa profession pouvait donner du pain à sa famille que dans un petit bâtiment isolé et ignoré de tous. Malheureusement, le tailleur d’habits ignorait les premières notions de mécanique, et il lui arriva ce qui arrive, dans le même cas, à une foule d’inventeurs ou plutôt de chercheurs : il négligea ses affaires, perdit son crédit, se ruina, et, de plus, s’entendit traiter de fou. Mais il ne se laissa ni abattre ni décourager, et poursuivit opiniâtrement ses essais.

Barthélemy Thimonnier

Barthélemy Thimonnier

En 1829, il était maître de son idée, et en 1830, il prenait, à la préfecture de la Loire, un brevet d’invention pour une machine à coudre au point de chaînette. A cette époque, Beaunier, inspecteur des mines, ayant eu occasion de la voir fonctionner, comprit toute l’importance de la découverte, et emmena Thimonnier à Paris. En 1831, la maison Germain Petit et Cie montait, rue de Sèvres, pour la confection des vêtements militaires, un atelier de quatre-vingts machines à coudre, dont la direction était confiée à Thimonnier.

Mais les ouvriers virent dans les machines de dangereux instruments de concurrence pour la main de l’homme. Une émeute les brisa, et Thimonnier fut même obligé de se cacher. L’émeute de la rue de Sèvres avait été réprimée et avait même donné lieu à des condamnations. Cependant, l’atelier était désorganisé et, pour comble de malheur, la société qui l’avait fondé dut se dissoudre quelques mois plus tard, par suite de la mort de Beaunier, qui avait chaudement épousé les intérêts de l’inventeur. Ce dernier revint à Amplepuis en 1832.

En 1834, il retourna à Paris et travailla à façon avec sa machine, tout en cherchant à la perfectionner. En 1836, à bout de ressources, il fut obligé de revenir dans son pays à pied, sa machine sur le dos, vivant en route de ce qu’il gagnait à la faire fonctionner comme objet de curiosité et, de retour à Amplepuis, il en construisit et en vendit quelques reproductions dans les localités environnantes. Mais le nom seul de couture mécanique était une cause de défaveur ; le système ne put encore prévaloir.

Le brevet de 1845 constate qu’on obtenait 200 points à la minute. Magnin, de Villefranche, se chargea alors de son exploitation, et Thimonnier, associé avec lui, fabriqua dans cette ville des machines au prix de 50 francs la pièce. Bientôt après, les deux associés prirent un brevet de perfectionnement pour l’appareil couso-brodeur (5 août 1848), pouvant faire des cordons, coudre et broder toutes sortes de tissus, depuis la mousseline jusqu’au drap et au cuir, et donnant 300 points à la minute : une aiguille tournante permettait de broder les ronds et les festons sans tourner l’étoffe. La maison prit ensuite, le 9 février 1848, une patente anglaise pour son appareil, construit dès lors en métal et avec précision.

La révolution de 1848 qui éclata peu de jours après mit obstacle à l’exploitation des brevets. Thimonnier passa alors quelques mois en Angleterre, où la patente fut cédée à une compagnie de Manchester, et revint en 1849. Envoyée à l’Exposition universelle de Londres en 1851, sa machine, par une incroyable fatalité qui s’est plusieurs fois rencontrée dans d’autres circonstances, resta entre les mains du correspondant et n’arriva qu’après l’examen du jury. Les premiers essais de perfectionnement que les Américains y avaient apportés, les machines à deux fils et à navette d’Elias Howe, avaient pris la place et le rang qui lui revenaient surtout par droit d’ancienneté d’origine.

Dès 1832, Thimonnier avait essayé ce dernier genre de mécanisme, et en 1856 il s’en occupait encore. Mais trente ans de travail, de lutte et de misère l’avaient épuisé. Il mourut malheureux à Amplepuis, le 5 août 1857, à quelques jours de ses 64 ans.

Thimonnier, bien que peu favorisé de la fortune, partageait volontiers le peu qu’il avait avec les malheureux. On racontait que pour adoucir la misère d’un de ses voisins, il se levait la nuit et portait chez lui, en cachette de sa femme dont il craignait les remontrances, les provisions de son ménage.

Ses inventions ne se bornèrent pas à la machine à coudre ; c’est lui qui eut l’idée première du vélocipède, et bien que son appareil n’ait pu être appliqué, c’est son mécanisme qui plus tard fut employé pour ces instruments de locomotion ; ses amis se souvenaient encore de lui avoir entendu parler d’un moyen de souder le cuivre à froid ; mais il ne reste rien de cette découverte. Ajoutons que Thimonnier appartenait par sa mère à une famille d’inventeurs et plusieurs de ces ancêtres se firent remarquer XVIIIe siècle dernier par leurs aptitudes mécaniques.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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