LA FRANCE PITTORESQUE
9 janvier 1757 : mort de
l’écrivain presque centenaire
Bernard Le Bouyer de Fontenelle
(D’après « Biographie universelle ancienne
et moderne » (Tome 14), édition de 1856)
Publié le mardi 9 janvier 2024, par LA RÉDACTION
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Fils d’un avocat et d’une mère soeur du grand Corneille, celui qui affirmait que « les hommes sont sots et méchants » mais qu’il avait à vivre avec eux, semblait d’une frêle constitution, vivant cependant près d’un siècle et n’ayant de la vieillesse que la surdité et l’affaiblissement de la vue
 

Bernard Le Bouyer de Fontenelle naquit à Rouen le 11 février 1657 et mourut à Paris le 9 janvier 1757. C’est dans cet intervalle de temps, qui renferme un siècle entier moins quelques jours, que les plus grands écrivains dont s’honore la France ont commencé ou terminé leur carrière ; et parmi ces hommes illustres qui furent tous ou les amis, ou les ennemis, ou les rivaux de Fontenelle, qui tous le surpassèrent soit par la force, soit par l’originalité, soit par l’élévation de leur génie, aucun n’a été plus remarqué de son vivant ni plus célèbre après sa mort.

Il doit principalement cet avantage à la variété de ses connaissances, à la finesse de son esprit, à la souplesse et aux grâces d’un talent éminemment français, et qui ne pouvait acquérir son entière perfection et se déployer aussi heureusement que dans le pays qui l’a vu naître et dans le siècle où il a vécu : d’ailleurs, le mérite littéraire, qui seul recommande à notre souvenir tous les grands écrivains contemporains de Fontenelle, n’est en quelque sorte que la moitié de la renommée de ce dernier. Il a régné une telle harmonie entre ses écrits, ses principes et sa conduite, que l’histoire de sa vie, quoique peu variée et ne présentant rien d’extraordinaire, nous intéresse comme la peinture d’un de ces personnages achevés que notre imagination nous présente exempts des incohérences et des contradictions qui dans la vie commune déparent les caractères les plus distingués et déconcertent nos jugements.

Bernard Le Bouyer de Fontenelle

Bernard Le Bouyer de Fontenelle

Il semble que l’on voudrait surprendre dans Fontenelle le secret de cette philosophie pratique qui, pendant tant d’années, lui fit savourer tranquillement les douceurs de la vie et en écarter les peines. On cherche à deviner cet homme accusé d’égoïsme et, faisant le bien en secret ; on estime ce sage, exempt des grandes passions et maître des petites ; on chérit cet esprit éclairé qui se montre doux et conciliateur, même lorsqu’il cesse d’être impartial ; on applaudit à l’adresse de l’homme aimable qui put se ménager de puissantes protections sans qu’il en coûtât rien à son indépendance ; on admire le chef d’une illustre Académie qui sut rendre aux lettres et aux sciences la dignité, l’éclat et la considération qu’il en avait reçus.

Fontenelle, en naissant, était si faible, qu’il ne parut pas pouvoir vivre une heure ; on ne put le baptiser qu’au bout de trois jours. Dès sa première jeunesse, il s’abstint de tout divertissement pénible ; à seize ans, le billard était un exercice trop violent pour lui, et toute grande agitation lui faisait cracher le sang. Durant le cours de sa longue vie, il n’eut qu’une seule maladie ; elle fut légère et de courte durée. Son estomac fut toujours très bon, et sa poitrine toujours délicate ; aussi lorsque sur un sujet quelconque il avait exposé son opinion et les raisons sur lesquelles il s’appuyait, il se taisait et ne répondait à aucun de ceux qui le contredisaient. Cependant, comme La Motte, dans une lettre à la duchesse du Maine, l’accusait en plaisantant d’user de prétextes pour étrangler les discussions, il est à présumer que son silence dans ces occasions était le résultat d’une des règles de sa conduite, et non d’une ordonnance de son régime.

Il parut toujours attentif à s’épargner les secousses violentes de l’âme comme celles du corps. Il ne connut point les éclats de la joie ni les angoisses du chagrin : il a avoué que jamais il n’avait ri ni pleuré, mais il était habituellement gai et souriait fréquemment. Il se montra en quelque sorte dès son plus jeune âge un favori de la raison : ses facultés se développèrent facilement et rapidement ; les études qu’il fit au collège des jésuites de Rouen furent brillantes. II entra en rhétorique à treize ans ; et la note sur le registre du collège à côté de son nom était ainsi conçue : Adolescens omnibus partibus absolutus, et inter discipulos princeps.

Les jésuites cherchèrent à l’avoir dans leur société ; les talents qui le distinguaient déjà étaient rehaussés par l’illustration littéraire de sa naissance. Il était neveu de Corneille : son père, d’une famille noble, ancienne et originaire d’Alençon, exerçait à Rouen la profession d’avocat avec plus d’honneur que de célébrité ; sa mère, Marthe Corneille, pour laquelle il avait une prédilection particulière, était une femme de beaucoup d’esprit. « Je lui ressemblais, disait-il, et je me loue en le disant. » Fontenelle avait une figure très agréable. Sa parenté avec le grand Corneille fut la seule prérogative dont il osait tirer vanité ; il se montra, du reste, non seulement indifférent mais contraire à toute autre distinction. « De tous les titres de ce monde, dit-il, je n’en ai jamais eu que d’une espèce, des titres d’académicien, et ils n’ont été profanés par aucun autre plus mondain et plus fastueux. »

Fontenelle fit son droit par déférence pour son père ; il fut reçu avocat, plaida une cause qu’il perdit, et renonça au barreau pour la culture des lettres. Il concourut plusieurs fois pour le prix de poésie de l’Académie française, sans pouvoir le remporter. En 1674 et en 1679, il vint momentanément à Paris et se lia particulièrement avec des jeunes gens de son âge, amoureux comme lui de la gloire littéraire et désirant y arriver par des moyens différents. C’étaient l’abbé de Saint-Pierre, l’abbé de Vertot et le mathématicien Varignon. « Nous nous rassemblions (dit-il dans l’éloge de ce dernier) avec un extrême plaisir, jeunes, pleins de la première ardeur de savoir, fort unis, et ce que nous ne comptions peut-être pas pour un assez grand bien, peu connus. »

Fontenelle commença sa carrière littéraire par quelques pièces de vers qui furent insérées dans le Mercure, alors rédigé par son oncle Thomas Corneille et par Visé. Les journalistes accompagnèrent la première de ces pièces, intitulée l’Amour noyé, d’un éloge de l’auteur tel qu’on aurait pu l’écrire vingt ans plus tard ; ce qui prouve que, dès lors comme aujourd’hui, on connaissait l’art d’attirer à soi la célébrité avant de l’avoir méritée. Fontenelle aida son oncle Thomas Corneille dans la composition de deux opéras ; il risqua ensuite au théâtre, sous le nom de Visé, une petite comédie en un acte intitulée la Comète, et vint après à Paris pour y faire jouer sa tragédie d’Aspar. A cette époque (1680), l’envie se servait du nom de Corneille pour déprécier et tourmenter Racine ; aussi Fontenelle, avec sa tragédie, devint l’espérance et le héros d’une cabale qui le préconisait dans les journaux et qui l’annonçait comme étant destiné à devenir le successeur de son oncle.

La chute complète d’Aspar changea ce triomphe en humiliation. Fontenelle jeta sa pièce au feu ; mais Racine, offensé, ne voulut pas qu’on oubliât Aspar, et dans l’épigramme si connue de l’origine des sifflets il fait dire à un acteur :

Mais quand sifflets prirent commencement,
C’est (j’y jouais, j’en suis témoin fidèle),
C’est à l’Aspar du sieur de Fontenelle.

L’auteur d’Aspar chercha à se venger à son tour par des épigrammes sur Esther et Athalie, qui ne réussirent pas mieux que sa tragédie ; mais il fut plus heureux contre Boileau, qui venait de produire alors deux pièces de vers, l’Ode sur la prise de Namur et la Satire sur les femmes, qui parurent inférieures à ses autres ouvrages. Voici l’épigramme que Fontenelle fit à ce sujet :

Quand Despréaux fut sifflé sur son ode,
Ses partisans criaient dans tout Paris :
Pardon, messieurs, le pauvret s’est mépris ;
Plus ne louera, ce n’est pas sa méthode.
Il va draper le sexe féminin.
A son grand nom vous verrez s’il déroge :
Il a paru, cet ouvrage malin ;
Pis ne vaudrait quand ce serait éloge.

Peu de temps après survint la fameuse querelle sur la prééminence des anciens et des modernes, à laquelle Fontenelle prit part ; ce qui augmenta encore les préventions que Racine et Boileau avaient conçues contre lui : ils le repoussèrent tant qu’ils purent de l’Académie française, où il ne fut reçu qu’en 1691 et après avoir été refusé quatre fois. L’extrême bonté de la Motte avait désarmé Boileau lui-même, qui lui pardonnait ses paradoxes spirituels contre les anciens et la poésie, mais qui cependant ne pouvait lui passer ses liaisons avec Fontenelle. « C’est un excellent homme que M. de la Motte, disait Despréaux ; c’est dommage qu’il se soit encanaillé de Fontenelle. »

L’amitié de la Motte et de Fontenelle fut constante : pendant trente ans ils ont eu les mêmes ennemis et les mêmes admirateurs. Fontenelle, après la mort de la Motte, saisit une fois l’occasion de le louer sans restriction dans une séance académique ; mais peut-être exprimait-il encore plus vivement la haute estime qu’il avait pour les talents de son ami, quand dans sa vieillesse il se plaisait à répéter : « Le plus beau trait de ma vie est de n’avoir pas été jaloux de M. de la Motte. » D’après ce que nous venons de dire, on a pu se convaincre combien on a eu tort d’avancer que Fontenelle n’avait jamais répondu à aucune critique : il est vrai de dire qu’il n’est sorti des bornes de la modération qui le caractérisait que dans ses disputes avec Racine et Boileau ; mais on trouve dans ses œuvres plusieurs réponses à des critiques de quelques-uns de ses ouvrages. Dans une d’elles, il se contente de repousser les injures personnelles de son adversaire, par cette phrase pleine de sens : « Quelquefois, en voyant nos grands hommes disputer avec tant d’aigreur, et qui pis est avec si peu de bonne foi, j’admire leurs raisonnements, et j’ai pitié de leurs raisons ; ils parlent de philosophie, mais ils ne parlent pas en philosophes. »

En 1699 on voulut donner une nouvelle forme à l’Académie des sciences, et Fontenelle en fut nommé secrétaire. C’est dans cette place, qu’il occupa pendant quarante-deux ans, qu’il a acquis une gloire justement méritée. En effet, si l’on veut avoir une idée exacte de son mérite comme écrivain, il faut lire son Histoire de l’Académie des sciences, qui renferme deux préfaces, les extraits des mémoires des savants et leurs éloges : c’est le moins connu et le plus beau de ses ouvrages. Dans aucun il n’a montré un esprit plus vaste, plus lumineux, plus universel. Les vérités ensevelies dans les longueurs et les obscurités du langage mystérieux des sciences deviennent sous sa plume brillantes de clarté et de précision. Voltaire a dit de lui à ce sujet : « L’ignorant l’entendit, le savant l’admira. »

Fontenelle a déployé un si rare talent dans les éloges des savants académiciens, qu’on les a tirés de la grande collection à laquelle ils appartenaient, pour en faire un recueil à part, qui est venu se placer auprès des livres classiques dans la bibliothèque des littérateurs et des gens de goût et qui a été plusieurs fois réimprimé. Fontenelle semble en quelque sorte avoir épuisé toutes les formes pour attirer la curiosité du vulgaire sur ces sages bienfaiteurs de la société ; il intéresse vivement à leurs nobles passions et au succès de leurs recherches : il n’est pas jusqu’à leur ignorance et à leur simplicité dans le commerce de la vie dont il ne sache tirer parti ; et en se rendant complice de la vanité de ses lecteurs, qu’aurait gênée le tableau uniforme de la supériorité de tant d’hommes éminents, il peint leurs manières bizarres et leurs innocents ridicules avec tant d’art et de mesure, qu’il sait par cela même les rendre encore plus respectables et nous faire admirer ceux dont il nous fait rire.

Fontenelle ne travailla pas seulement à l’Académie des sciences en qualité de secrétaire, mais il paya aussi son tribut d’académicien en composant la Géométrie de l’infini. Lorsqu’il présenta cet ouvrage au régent, il lui dit : « Monseigneur, voilà un livre que huit hommes seulement en Europe sont en état de comprendre, et l’auteur n’est pas de ces huit-là. » Abstraction faite de cette plaisanterie, il ne paraît pas en effet que Fontenelle ait été très profond en mathématiques : il n’a composé que l’ouvrage que nous venons de citer, la préface de l’Analyse des infiniment petits de Lhospital, qui fut remarquée dans un temps où les écrits de ce genre étaient peu soignés et peu intelligibles, et un mémoire sur l’extension de la propriété du nombre 9.

Tout ce que l’on chérit dans les ouvrages de Fontenelle, cet art d’instruire en amusant, de définir avec clarté, de démontrer avec précision, de mettre à la portée de tous les esprits les vérités les plus abstraites, de transporter dans les sciences les expressions de la conversation et d’appliquer les expressions et les idées des sciences à la morale, à la littérature et aux sujets les plus simples : Fontenelle portait tout cela dans la société et dans le commerce du grand monde ; et il y joignait ce qu’on ne peut mettre dans un livre, la grâce de l’élocution, l’enjouement, l’à-propos et ce culte aimable envers les femmes auquel il ne renonça jamais.

Ses plaisanteries, toujours spirituelles, étaient toujours exemptes de malignité, et il se vantait de n’avoir jamais donné le plus petit ridicule à la plus petite vertu. Il était si réservé dans ses assertions, que Crébillon a dit de lui qu’il craignait d’avoir raison. En conversation, il écoutait avec attention et savait faire valoir l’esprit des autres. On a retenu le mot de madame d’Argenton qui, soupant en grande compagnie chez le duc d’Orléans et ayant dit quelque chose de très fin qui ne fut pas senti, s’écria : « Ah ! Fontenelle, où es-tu ? » Les succès de Fontenelle dans la société excitaient plus l’envie que ceux qu’il obtenait dans la littérature. La Bruyère, qui lui fut toujours contraire, traça de lui dans son livre un portrait satirique sous le nom de Cydias, où l’on ne peut le méconnaître.

Fontenelle ne se maria point et demeura toujours à Paris chez son oncle Thomas Corneille, ensuite chez Le Haguais, avocat à la cour des aides. Quelques années après, le duc d’Orléans, depuis régent, lui donna dans le Palais-Royal un appartement que Fontenelle occupa jusqu’en 1730. Il le quitta pour aller demeurer chez son neveu à la mode de Bretagne, Richer d’Aube, auquel les vers de Rulhières ont donné une sorte de célébrité. Fontenelle avait coutume de dire : « Le sage tient peu de place et en change peu. » On voit que cependant il en changea assez souvent ; mais jamais il n’entreprit de voyages.

Ses liaisons avec le régent et le cardinal Dubois ne nuisirent point à l’intégrité et à l’indépendance de son caractère. Le régent lui ayant demandé sa voix pour faire entrer Rémond de Saint-Mard à l’Académie française, Fontenelle la lui refusa. Un jour le régent lui dit : « Fontenelle, je crois peu à la vertu. — Monseigneur, lui répondit le philosophe, il y a pourtant d’honnêtes gens, mais ils ne viennent pas vous chercher. » Fontenelle était à la fois économe et libéral : il avait, par ses places et ses pensions, des revenus assez considérables ; et une partie était employée à des bienfaits, dont plusieurs n’ont été connus qu’après sa mort et seulement par ceux qui les avaient reçus. Quand ses largesses étaient sues de ses amis et qu’on lui en parlait : « Cela se doit. » Ainsi même la bienfaisance n’était pas chez lui un plaisir du cœur, mais un besoin de sa raison.

Il ne repoussa jamais le reproche de froideur et de défaut de sensibilité qu’on lui faisait souvent ; il semble qu’il avait calculé les avantages de ce genre de réputation et qu’il la possédait au delà même du vrai. « Fontenelle (disait madame Geoffrin) porte dans la société tout ce qu’on peut y apporter, excepté ce degré d’intérêt qui rend malheureux. » C’est de son vivant que la marquise de Lambert, son amie, a tracé ce portrait où elle dit de lui : « Nul sentiment ne lui est nécessaire ; il est libre et dégagé : aussi ne s’unit-on qu’à son esprit et on échappe à son cœur ; il ne demande aux femmes que le mérite de la figure ; dès que vous plaisez à ses yeux, cela lui suffit, et tout autre mérite est perdu. »

Sans doute Fontenelle était né avec des goûts modérés et des passions tranquilles, mais sa philosophie était aussi bien le résultat de ses réflexions que celui de son tempérament et de son caractère ; il en a en quelque sorte écrit le code et révélé les secrets dans un petit opuscule intitulé : Du Bonheur. Le célèbre Delille a souvent dit que c’est la lecture de ce morceau qui lui inspira les vers suivants, où il chercha à peindre la philosophie de Fontenelle :

Fontenelle, toujours craignant quelque surprise,
Aux passions sur lui ne donne point de prise,
Soigne attentivement son timide bonheur,
Même dans l’amitié met en garde son cœur ;
Ami des vérités, par crainte les enchaîne,
Et s’abstient du plaisir pour éviter la peine.

Cependant Fontenelle eut un véritable ami : ce n’était ni un homme puissant ni un auteur célèbre, mais un compagnon de sa jeunesse, un camarade de collège ; il lui resta constamment attaché. Cet ami se nommait Brunel ; il était procureur ou avocat à Rouen. Fontenelle fit même pour lui une chose blâmable et contre l’exacte probité, lorsque, étant déjà membre de l’Académie française, il composa pour Brunel un discours qui remporta le prix.

L’abbé Trublet cite de ces deux amis une correspondance qui fait honneur à tous les deux. Brunel à Rouen écrit à Fontenelle à Paris ces seuls mots : « Vous avez mille écus ; envoyez-les-moi. » Fontenelle répond par ceux-ci : « Lorsque j’ai reçu votre lettre j’allais placer mes mille écus, et je ne retrouverai pas aisément une aussi belle occasion ; voyez donc. » Toute la réponse de Brunel fut : « Envoyez-moi vos mille écus. » Fontenelle sut un gré infini à son ami de son laconisme et lui envoya les mille écus. Après la mort de Brunel, qui eut lieu en 1711, l’abbé de Vertot, dans une lettre adressée à madame de Stahl, peint Fontenelle comme inconsolable de la perte qu’il venait de faire, et longtemps après on lui a entendu dire : « Sans cette mort, le reste de ma vie eût tourné tout autrement. »

Cependant il fut heureux jusque dans ses derniers moments, et la sérénité de sa vieillesse le prouve : il conserva toujours sa gaieté et ses facultés morales ; il dit au médecin qui le soigna dans ses derniers jours : « Je ne souffre pas, mais je sens une difficulté d’être. » Sa mort enfin ne fut que le dernier des évanouissements auxquels il était devenu sujet dans sa vieillesse et dont il avait même ressenti de légères attaques dans toute la vigueur de l’âge. Seize ans auparavant un public nombreux et choisi, réuni dans l’enceinte de l’Académie française, n’avait pu entendre sans attendrissement le passage suivant de son discours : « Cinquante ans se sont écoulés depuis ma réception dans cette Académie... Ceux qui la composent présentement je les ai vus tous entrer ici, tous naître dans ce monde littéraire ; et il n’y en a absolument aucun à la naissance duquel je n’aie contribué. »

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