LA FRANCE PITTORESQUE
Morituri te salutant
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Publié le mardi 21 juin 2016, par Redaction
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Ceux qui vont mourir te saluent
 

« Ave, Caesar, morituri te salutant ! César, ceux qui vont mourir te saluent ! » Telles étaient les paroles que prononçaient, en s’inclinant devant la loge impériale, les gladiateurs qui défilaient dans le cirque, avant le combat où presque tous, en effet, devaient trouver la mort. Cette salutation suprême, empreinte d’une sombre résignation, rappelait l’origine de ces luttes sanglantes : les combats de gladiateurs procèdent sans aucun doute des sacrifices humains offerts aux dieux du paganisme, et surtout de cet usage, général dans l’Antiquité, d’immoler des esclaves aux funérailles des riches et des puissants.

Les Étrusques et les Campaniens, au lieu d’égorger silencieusement les victimes, trouvèrent les premiers un sanglant plaisir à donner des armes à leurs prisonniers de guerre, qui, forcés de s’entr’égorger, pouvaient du moins faire éclater une dernière fois leur courage sous les yeux de leurs vainqueurs. Tel était le sentiment qui animait d’une mâle fierté le Germain, le Gaulois, le Numide, lorsque, vaincus sur les champs de bataille par les légions romaines, ils venaient dans le cirque chercher la mort des guerriers ; c’était avec orgueil qu’ils donnaient ou recevaient cette mort, aux applaudissements frénétiques du peuple roi ; c’était avec une sombre joie qu’ils s’offraient, avant le combat, aux regards des patriciens, des chevaliers, des vestales toujours placées au premier rang de l’amphithéâtre ; c’était d’une voix ferme qu’ils jetaient à l’empereur leur dernier cri : César, ceux qui vont mourir te saluent !

« Jamais il ne sortira de ma mémoire, ce Napoléon. Je le verrai toujours, à cheval, l’œil ardent et comme éternel, avec cette figure calme, antique, impériale, et passant en revue, insoucieux du destin, les gardes, qui défilaient devant lui. Il les envoyait alors en Russie, et les vieux grenadiers fixaient sur lui leurs regards avec une gravité prophétique, avec un dévouement sombre et terrible, fiers d’aller au-devant de la mort ! Te, Caesar, morituri salutant ! » (Henri HEINE)

« Charles-Frédéric envoya son petit-fils, Charles-Louis, au couronnement de Notre-Dame, en 1804, à Paris, par la même raison que les rois d’Asie envoyaient leur postérité s’éteindre au milieu des splendeurs de l’empire romain : Morituri te salutant ! » (Revue de Paris)

« Ni la poésie, ni la philosophie, ni la liberté n’expirent. Nous ne voulons pour signe de leur énergie et de leur avenir que les indignes chaînes dont on travaille à les garrotter aujourd’hui. Aussi, ne jetons pas aux adversaires des progrès du monde le cri du gladiateur antique : Morituri te salutant ! » (LERMINIER)

« Danton lui-même, soupçonné de tendances constitutionnelles, est débordé : Robespierre règne, Marat triomphe, la terreur commence ; la France est livrée aux monstres, et les gladiateurs chrétiens n’ont plus qu’à dire à ce César aviné et sanglant qu’on ose appeler le peuple : Caesar, morituri te salutant ! » (DE PONTMARTIN)

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