LA FRANCE PITTORESQUE
In anima vili
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Publié le jeudi 26 mai 2016, par Redaction
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Sur une âme vile
 

Les expérimentations scientifiques se font d’ordinaire sur des animaux, c’est-à-dire sur des êtres dont la vie est regardée par l’homme comme de peu d’importance ou plutôt comme rien. Voici une anecdote qui prouve qu’il est bon quelquefois de savoir le latin :

Muret, érudit du seizième siècle, fut obligé de fuir en Italie ; sa pauvreté le força d’entrer dans un hôpital pour s’y faire traiter d’une maladie très sérieuse. Les médecins dissertaient en sa présence et, voulant tenter sur lui une expérience dont le succès était douteux, ils dirent en se servant d’un langage qu’ils supposaient inintelligible pour Muret : « Faciamus experimentum in anima vili. Faisons une expérience sur cette âme vile. » Muret, se tournant vers celui qui avait parlé, lui dit avec indignation : « Appellas vilem animam pro qua mortuus est Christus ! Tu appelles vile une âme pour laquelle est mort Jésus-Christ ! »

« Je dois à M. Turgot, ce digne ministre, la suppression de toutes les gabelles et de tous les commis qui désolaient mon petit pays, moitié français, moitié suisse. J’en souhaite autant aux citoyens de Franconville et de Pontoise, mais ils sont trop près du centre. On a commencé par notre chère frontière pour faire un essai in anima vili, mais l’expérience est belle. » VOLTAIRE, (Lettre à M. de Tressan)

« Ce savant docteur regardait ses salles comme une espèce de lieu d’essai, où il expérimentait sur les pauvres les traitements qu’il appliquait ensuite à ses riches clients, ne hasardant jamais sur ceux-ci un nouveau moyen curatif avant d’en avoir ainsi plusieurs fois tenté et répété l’application in anima vili, comme il le disait avec cette sorte de barbarie naïve où peut conduire la passion aveugle de l’art. » Eugène SUE, Les Mystères de Paris)

« Nos plus petites découvertes en ce genre (expériences faites sur des animaux vivants) s’achètent au prix de douleurs effroyables. In anima vili, dites-vous ? Soit, mais non pas sur des âmes insensibles. Nous ne disons plus comme Malebranche frappant du pied sa chienne : Cela ne sent point. » (PRÉVOST-PARADOL)

« Le commerce du magnétisme s’exerce encore par des somnambules isolées qui donnent des consultations à domicile. Etre somnambule est un métier comme un autre, et même meilleur qu’un autre. La plupart de ces femmes commencent cet état à l’hôpital entre les mains de jeunes étudiants en médecine, qui, enchantés de l’occasion de faire une expérience in anima vili, les magnétisent pour satisfaire leur curiosité, en l’absence des chefs. » (A. ESQUIROS)

« On assure que le docteur Hahnemann n’a ni l’air vague ni la pâleur d’un mystique. On me l’a dépeint comme un beau vieillard à qui vous ne donneriez pas soixante ans, quoiqu’il se vante d’en avoir plus de quatre-vingts. C’est déjà être soi-même un argument visible en faveur de son système ; d’autant plus que le docteur allemand ne s’est pas épargné dans ses nombreuses expériences in anima vili. (L. VÉRON)

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