LA FRANCE PITTORESQUE
Carabin
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Publié le mardi 26 juin 2018, par Redaction
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D’où vient le nom de carabin que l’on donne familièrement et spécifiquement aux étudiants en médecine ?
 

Du temps de Henri IV et de Louis XIII, il y avait dans nos armées des cavaliers appelés carabins. Choisis parmi les plus habiles tireurs, ces cavaliers formaient des compagnies séparées et quelquefois des régiments ; ils servaient à la garde des officiers généraux ; on les employait pour saisir les passages, pour charger les premières troupes que l’ennemi faisait avancer, et pour harceler les postes. Souvent ils ne faisaient que lâcher leur coup, puis se retiraient.

Ils avaient pour arme une carabine, espèce de fusil dont le canon était rayé intérieurement en spirale, et dont la balle, enfoncée au moyen d’une baguette et d’un maillet, portait à une grande distance, et pouvait être dirigée avec une grande précision.

Carabin du temps de Henri IV

Carabin du temps de Henri IV

Dans son Traité des Armes, Gaia émet l’opinion que le mot carabin vient du mot espagnol cara, visage, et du mot latin binus, qui signifie double, car ces soldats, à cause de leur manière de combattre, tantôt en fuyant, tantôt en faisant volte-face, semblaient être des gens à deux visages.

Telle est l’origine et aussi l’étymologie de carabin. Maintenant, comment ce mot a-t-il pu être employé à désigner un jeune disciple d’Esculape ? En France, où chaque profession avait autrefois son patron (saint Joseph pour les charpentiers, saint Fiacre pour les jardiniers, saint Éloi pour les forgerons, etc.), les chirurgiens adoptèrent saint Côme, qui avait pratiqué la médecine en Arabie au IIee siècle de l’ère chrétienne, et il se forma au XIIIe siècle, sous l’invocation de ce saint, une confrérie de chirurgiens dits de saint Côme laquelle, pendant longtemps, d’après le lexicographe Marie-Nicolas Bouillet (1798-1864), partagea avec la Faculté l’enseignement des sciences médicales.

Or, soit que cette société existât encore réellement à l’époque où le carabin figurait dans les armées, soit qu’elle n’existât plus que dans les souvenirs du peuple, voici, semble-t-il, ce qui arriva :

Le carabin, comme très habile tireur, devait être un grand tueur de gens, et l’apprenti chirurgien, à une époque où les maîtres eux-mêmes passaient pour si habiles à expédier dans l’autre monde et où ils étaient l’objet de tant de plaisanteries (Molière les a-t-il assez joués !), fut dans l’esprit du peuple probablement assimilé à l’homme de guerre en question, et de là l’expression de carabin de saint Côme, d’abord employée tout entière, puis réduite bientôt à carabin, pour désigner le frater, le serviteur du chirurgien, et, enfin, l’étudiant en médecine en général.

Salle de garde. Chant de carabins

Salle de garde. Chant de carabins

Nous avons précisé qu’il arrivait souvent que le carabin ne faisait que décharger son arme sur l’ennemi pour se retirer immédiatement. C’est de cette manière de combattre qu’est venu l’usage d’appeler carabin celui qui se contente de hasarder quelque chose au jeu sans s’y arrêter longtemps, qui ne fait que risquer un coup, et de désigner aussi par le même mot un homme qui, dans la conversation, dans une dispute, ne fait que jeter quelques mots vifs, qui se tait et s’en va.

De carabin pris dans cette dernière acception, on a fait carabinade, action, tour que fait quelqu’un dans une compagnie d’où il se retire aussitôt, et aussi carabiner, mot signifiant venir jouer quelque temps, et s’esquiver tout-à-coup sans vouloir continuer le jeu.

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