LA FRANCE PITTORESQUE
Charlatans d’antan
déversant leurs boniments
(D’après « Musée universel : revue illustrée hebdomadaire », paru en 1873)
Publié le samedi 14 juillet 2018, par Redaction
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Sous Louis XIII, un grand nombre de marchands et colporteurs italiens se répandirent en France, sur tous les points du royaume. On les appelait des charlatans ; du mot ciarlare qui veut dire jaser. Ces industriels forains débitaient force calembours, force chansons ; et surtout à profusion des parfums et des opiats.
 

Ces charlatans étaient généralement accompagnés d’un singe qui attirait le public par ses grimaces excentriques. Nous publions une des gravures du temps représentant un de ces marchands en plein vent. Plus tard, ils gagnèrent des sommes si considérables, qu’ils menacèrent un instant le commerce des boutiquiers.

Charlatan du temps de Louis XIII

Charlatan du temps de Louis XIII. Gravure parue
dans Le livre des parfums, d’Eugène Rimmel (1870)

Ils parcouraient la France dans des carrosses splendides, revêtus de pourpre, escortés d’une musique brillante, portant ombrage par leur luxe et leurs prodigalités aux grands seigneurs du temps.

Ils finirent par se rendre à ce point insupportables, que le médecin du roi Louis XVI les fit bannir du royaume quelques années avant la Révolution. Ce fut une mesure honnête de Necker. Ces charlatans avaient fini par usurper les fonctions de médecin, et ruinaient non seulement les bourses, mais les santés de leurs clients.

Ils étaient doués d’une verve peu commune, si nous croyons cette anecdote éditée par Victor Fournel :

Un charlatan s’était installé, dans une bourgade, sur la place de l’Église, au moment où l’on sortait de la grand’messe. A peine les premières personnes eurent-elles mis le pied hors de l’église, qu’un grand éclat de tambours et de trompettes retentit sur la place. Le peuple se rua en avant... Quand l’homme vit les douze cents indigènes, petits et grands, accumulés à ses pieds, il fit un signe de la main droite ; la musique se tut, et un frémissement d’attente courut dans toute la foule. L’orateur se moucha lentement ; le silence était profond.

Scène de rue montrant un charlatan. Gravure du XVIIIe siècle

Scène de rue montrant un charlatan. Gravure du XVIIIe siècle

« Mes amis, s’écria-t-il en fausset, vous venez d’adorer Dieu dans son temple ; c’est bien, c’est très bien, et je vous en loue du plus profond de mon âme. Chrétiens, vous avez fait votre devoir, et l’homme qui fait son devoir est grand. Eh bien ! continua-t-il au milieu de l’attention puissamment surexcitée par ce pompeux exorde, en présence de ce temple saint, devant cet auditoire purifié par l’auguste sacrifice auquel il vient d’assister, devant ce Dieu de vérité qui m’écoute, je puis lever la main sans crainte et jurer sur mon honneur et ma conscience de chrétien que mon onguent », etc. ; le reste comme dans la chanson ordinaire.

Le fameux dentiste Duchesne, avant de procéder à ses opérations sur la place publique, s’écriait :

Un arracheur de dents au début du XIXe siècle

Un arracheur de dents au début du XIXe siècle

« Messieurs, d’autres vous arrachent les dents ; moi je ne les arrache pas, je les cueille. » Un arracheur de dents, emporté par la fougue de l’éloquence, voguait en plein lyrisme. Des incrédules riaient dans l’auditoire. Le praticien indigné s’interrompt : « Messieurs, s’écrie-t-il d’une voix foudroyante, j’en vois qui ricanent là-bas ; cela ne m’étonne nullement. Il faut vingt ans pour faire un habile médecin comme moi, capable de guérir les affections les plus incurables ; mais il ne faut qu’une seconde pour faire un imbécile, toujours prêt à rire de ce qu’il ne comprend pas. »

Nos hommes, terrifiés par cette apostrophe, ne firent semblant de rien et s’esquivèrent un moment après, tout penauds.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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