LA FRANCE PITTORESQUE
Fugit irraparabile tempus
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Publié le jeudi 5 mai 2016, par Redaction
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Le temps s’enfuit, perdu pour toujours (VIRGILE, Géorgiques, liv. III, v. 284)
 

Dans la fable qui a pour titre Le Lièvre et la Tortue, La Fontaine a mis en action le vers de Virgile. Le lièvre compte sur sa vitesse, il s’amuse, mais le temps perdu ne se répare pas... et la tortue arrive au but avant lui.

La pensée de Virgile se retrouve dans ce vers de Perse : Hoc quod loquor inde est (traduit ainsi par Boileau : Le moment où je parle est déjà loin de moi).

L’imitation de Boileau frappa vivement, si l’on en croit Brossette, le grand Arnauld, à qui l’épître est adressée. Voici ce qu’il raconte : « Boileau, qui se levait ordinairement fort tard, était encore au lit la première fois qu’il récita cette épître à M. Arnauld, qui était venu le visiter. Quand le poète en fut à ce vers, il le prononça d’un ton léger ; tout à coup Arnauld se leva de son siège et se mit à marcher fort vite par la chambre, répétant à plusieurs reprises : Le moment où je parle est déjà loin de moi. »

« Ménagez le temps, c’est l’étoffe dont la vie est faite », disait le bonhomme Richard.

On raconte que le chancelier d’Aguessau, habitué à se rendre dans la salle à manger aussitôt qu’on l’avertissait, et ayant remarqué que sa femme le faisait attendre régulièrement quelques minutes, fit disposer dans un coin, sur un pupitre, de petits carrés de papier qu’il remplissait pendant cet intervalle. Au bout d’un certain temps, les petits carrés de papier formaient un livre.

« S’il était contre les règles de voir en ce moment la prisonnière, j’aimerais mieux revenir plus tard, car j’ai beaucoup d’affaires aujourd’hui, et fugit irraparabile tempus, se dit Butler en lui-même. » (Walter SCOTT, La Prison d’Édimbourg)

« Le travail du bain dure au moins une demi-heure, et les Turcs, qui ne se tourmentent point comme nous de l’irraparabile tempus, passent encore une ou deux heures à fumer, à sommeiller dans une placide indolence, dans une douce torpeur, qui est pour eux une sorte de béatitude. » (Xavier MARMIER)

« Dans les livres de tous les temps et de tous les peuples, on trouve répété à chaque instant le fugit irraparabile tempus ; on l’a écrit sur le marbre, sur le papyrus, sur la cire, sur le papier ; ce qui n’a jamais empêché ceux qui écrivaient, lisaient et répétaient ces lieux communs, de passer leur vie à se plaindre des heures qui durent un siècle. » (Alphonse KARR, Clotilde)

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