LA FRANCE PITTORESQUE
Deo ignito
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Publié le dimanche 17 avril 2016, par Redaction
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Au Dieu inconnu
 

Les Athéniens, le peuple le plus éclairé de l’Antiquité, saisissaient toutes les occasions de faire briller leur intelligence : légers et superficiels, ils admettaient volontiers toutes les croyances et tous les dieux ; cette facilité était même poussée si loin que, pour ne pas s’exposer à quelque oubli involontaire, ils avaient élevé un temple, avec cette inscription : AU DIEU INCONNU.

Lorsque le grand apôtre des Gentils, saint Paul, arriva au milieu d’eux et leur parla de purifier leurs temples, de renverser leurs statues de leurs faux dieux, et de pratiquer une morale plus pure, ils ne saisirent pas d’abord le sens de ces paroles, et s’écrièrent qu’il fallait faire examiner la question par l’aréopage. C’était la réunion des grands esprits de l’époque, le tribunal le plus renommé de la Grèce.

Saint Paul comparut donc devant l’aréopage : « Athéniens, dit-il, il me semble que la puissance divine vous inspire plus qu’à tous les hommes une crainte religieuse ; car, en traversant votre ville et en contemplant les objets de votre culte, j’ai rencontré un autel avec cette inscription : Au Dieu inconnu. Ce Dieu que vous adorez sans le connaître, c’est lui que je vous annonce, le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui est dans le monde, le Seigneur du ciel et de la terre, qui n’habite point les temples bâtis par les hommes, et qui n’est point honoré par les œuvres des mortels comme s’il avait besoin de quelque chose, lui qui donne tout à tous, la vie et la respiration !... »

L’apôtre continua longtemps encore, tenant son auditoire sous le charme de sa parole ; à peine eut-il cessé de parler, qu’une grande agitation se manifesta dans l’assemblée, non pas cette agitation qui annonce les menaces et le danger, mais celle qui révèle une impression profonde. Quelques-uns des membres de l’aréopage se convertirent, entre autres Denys, qui, plus tard, fut le premier évêque d’Athènes.

Les mots Diis ignotis (aux dieux inconnus) avaient été choisis par Rivarol comme épigraphe de son Petit almanach des grands hommes, qui lui fit tant d’ennemis.

« Hommes de la nouvelle Athènes, j’ai traversé votre cité, j’ai passé sur vos places publiques, j’ai vu tous vos dieux : dieu du plaisir, dieu de l’argent, dieu de l’industrie, dieu de l’orgueil, et au milieu de ce panthéon qu’habitent tant de divinités modernes, j’ai vu des autels élevés à une divinité mystérieuse. Au frontispice de vos palais de l’industrie, de vos temples des arts et de vos musées européens, j’ai relu cette inscription : Deo ignito ; j’ai demandé le nom de ce Dieu inconnu, on m’a répondu : le Progrès. » (Le Père FÉLIX, Conférences)

« Tous tant que nous sommes, nous marchons à la découverte d’un dieu inconnu, deo ignito ; car le travail de l’esprit humain n’est pas de nier Dieu, mais de le déplacer. » (LERMINIER)

« M. le vicomte d’Arlincourt, qui a dédié, dans son parc, un temple à chacun de ses ouvrages (remarquez que je ne dis pas un tombeau), pourra ériger à son Prince noir, refusé par le comité du Théâtre Français, un autel, avec cette inscription : Diis ignotis. » (CHALLAMEL, France littéraire)

« — Tout homme qui pense doit marcher sous la bannière du Christ !... Lui seul a consacré le triomphe de l’esprit sur la matière ; lui seul nous a puissamment révélé le monde intermédiaire qui nous sépare de Dieu !
— Bah ! reprit Émile, en jetant à Raphaël un indéfinissable sourire d’ivresse, pour ne pas nous compromettre, portons le fameux toast : Diis ignotis. » (BALZAC)
Peau de chagrin

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