LA FRANCE PITTORESQUE
Aes triplex
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Publié le jeudi 14 avril 2016, par Redaction
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Triple airain
 

Horace (liv. Ier, ode III, v. 9) parle de l’audace du premier navigateur :

Illi robur et aes triplex
Cirea pectus erat, qui fragilem truci
Commisit pelago ratem
Primus...

(Un triple chêne, un triple airain couvrait le coeur de celui qui, le premier, confia aux flots redoutables une barque fragile).

Pellisson, dans ses stances sur l’Origine de la poste, adressées à Ménage, a parodié plaisamment les vers d’Horace :

Que ce fut d’un rude vilain
Que la poste eut son origine !
Il avait trois plaques d’airain,
Mais autre part qu’à la poitrine.

L’abbé Desfontaines, dans ses Feuilles littéraires, reprochait sans cesse à Piron la dureté de ses vers et le désignait souvent par aes triplex. Piron répliqua par l’épigramme suivante :

Pour dire à ma muse une injure,
Faible et téméraire écrivain,
Je vois d’ici quelle aventure
T’offrit ces deux mots : Triple airain.
Tu les cherchas longtemps en vain,
Tant que, suant à grosse goutte,
Tu t’essuyas le front, sans doute,
Et les trouvas là sous ta main.

« Le pauvre tulipier avait plus d’aes triplex autour du cœur qu’Horace n’en attribue au navigateur qui, le premier, visita les infâmes écueils acrocérauniens. » (Alexandre DUMAS, La Tulipe noire)

« Je suis, à l’égard de la musique, à peu près comme l’homme d’Horace : Illi robur et aes circa pectus erat. Ce qui veut dire, en français, que les prouesses des pianistes ont peu de prise sur un vétéran qui a donné sa démission et ne sert plus dans leur régiment. Je connais leurs ruses de guerre ; il faut une batterie bien forte et bien servie pour me terrasser. » (Revue de Paris)

« Monsieur Paturot, ajouta-t-il avec des yeux enflammés de colère, permettez-moi, en terminant, de vous mettre en présence de votre conscience, si tant est que cet organe n’ait pas été détérioré chez vous par une longue inactivité, s’il n’est pas dans la situation dont parle Horace : Illi robur et aes triplex ? c’est-à-dire cuirassé d’un triple molleton... » (L. REYBAUD, Jérôme Paturot)

« Si l’auteur du discours prononcé à l’Académie le 10 mars 1760, n’a pas prévu l’opinion qu’il a donnée de lui à beaucoup d’honnêtes gens, il est bien aveugle ; mais s’il l’a prévu, illi robur et aes triplex. » (VOLTAIRE)

« Le jansénisme soutient, sans rougir ni trembler, qu’il est membre de cette Église qui l’anathématise. Jusqu’à présent, pour savoir si un homme appartient à une société quelconque, on s’adresse à cette même société, et dès qu’elle a dit : il ne m’appartient pas, tout est dit. Le jansénisme seul prétend échapper à cette loi : Illi robur et aes triplex circa frontem. Il a l’incroyable prétention d’être de l’Église catholique malgré l’Église catholique. » (Joseph de MAISTRE)

« A cet élégant flambard d’eau douce (le canotier) il ne manque, pour faire peur à l’Anglais, que les aiguillettes et le poignard du lieutenant de vaisseau. Tous sont affublés de fantastiques sobriquets, tels que l’Araignée, l’Écureuil, Grain-de-Sel, Fil-de-Fer, Goliath, etc. Ils aiment à se donner une nationalité factice : les uns arborent le pavillon américain, les autres le pavillon anglais, ceux-ci le pavillon grec, ceux-là consentent à rester Français. Même manœuvre qu’à bord des navires de guerre : le commandement se fait au sifflet, il y a un porte-voix pour le capitaine. En un mot ils se prennent tout à fait au sérieux. On écrirait des volumes avec toutes les plaisanteries qu’on a faites et qu’on fera sur leur compte ; mais elles n’ont aucune prise sur leur superbe dédain : Illi robur et aes triplex. » (W. DUCKETT)

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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