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S’épanouir la rate
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Publié le mardi 7 juillet 2015, par Redaction
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Se réjouir
 

Cette expression est restée dans le langage populaire, comme pour attester une ancienne erreur de physiologie. On a longtemps regardé la rate comme le siège du rire. On croyait qu’un organe devait, en exerçant son influence sur le reste du corps, produire cette convulsion qui saisit l’homme dans quelques circonstances.

La douleur que l’on ressent au-dessous de la poitrine, la main qu’on y porte involontairement, l’existence dans cette région d’un organe volumineux qui paraît ne point concourir aux fonctions digestives, devaient suffire pour établir cette opinion.

Pour la confirmer, on put remarquer la liaison des affections tristes et de la mélancolie avec les maladies de ce viscère, ainsi que la gaieté et le sentiment de bien-être qui résulte de la liberté des fonctions gastriques, hypochondriaques et abdominales en général. On alla au-delà de l’observation : on dit et on crut que les dispositions à l’enjouement provenaient de la grandeur de la rate, et que ceux à qui on la retranchait étaient privés pour le reste de leur vie de la faculté de rire.

Ce phénomène était assez curieux pour qu’on cherchât à l’expliquer. On s’imagina que la rate était le siège du rire, parce qu’elle séparait du sang la partie bourbeuse. On n’admet plus aujourd’hui de pareilles explications ; le rire n’a plus d’organe particulier. Le vers latin d’Eberhard de Béthune (XVe siècle) qui dit : Splen ridere facit, cogit amare jecur, plaçant ainsi le rire dans la rate et l’amour dans le foie, doit donc être rejeté du langage proverbial.

Ces mots, s’épanouir la rate, qui signifient se réjouir, paraissent dire que l’influence de la gaieté se fait ressentir exclusivement sur la rate. Sous ce rapport, ils sont inexacts ; ils ne le sont pas, s’ils offrent l’idée de résoudre les engorgements de ce viscère, et de rendre la gaieté altérée par l’embarras de ses fonctions. C’est ce que dit plus exactement cette expression : désopiler la rate.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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