LA FRANCE PITTORESQUE
Pourquoi le mascaret
le plus spectaculaire de France
a disparu
(Source : Sud-Ouest)
Publié le samedi 21 mars 2015, par Redaction
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Qui dit grande marée, dit mascaret particulièrement spectaculaire. Longtemps, c’est la Seine qui fournissait le plus beau spectacle en France. Une véritable attraction. Histoire
 

Le mascaret de la Seine a disparu, mais pas des mémoires : il était tellement spectaculaire qu’au moment des grandes marées des trains spéciaux étaient affrétés par la SNCF depuis la gare Saint-Lazare. A Caudebec-en Caux, entre le Havre et Rouen, là où la vague était le plus visible, son souvenir est soigneusement entretenu.

« La vague était très forte, elle cassait les amarres des bateaux »
« Autrefois, quand on faisait la promotion touristique de Caudebec, on évoquait son bac, son mascaret, son église », rappelle Alain Huon, photographe professionnel et conférencier, passionné par l’histoire de cette commune touristique de 2 300 habitants. « Quatre fois par an, aux marées d’équinoxe de mars et septembre, on l’entendait, de loin, venir de Villequier, à quelques kilomètres en aval. C’était un grondement impressionnant. Puis on l’apercevait arrivant à la vitesse d’un cheval au galop et il s’éclatait sur un mur de la rive droite », raconte-t-il.

Le mascaret de Caudebec-en-Caux

Le mascaret de Caudebec-en-Caux

Trop jeune pour avoir vu personnellement le phénomène, il possède néanmoins la plus belle collection d’images, dont les photos et films pris par son père. Fille de batelier, Claire Montel a quelques souvenirs d’enfance. « La vague était très forte, elle pouvait casser les amarres des bateaux ». « Le bac où travaillait mon père se mettait en travers de la Seine, au milieu du fleuve, quand le mascaret arrivait », se remémore-t-elle.

Des trains spéciaux depuis la gare Saint-Lazare
En effet, la vague venant de l’estuaire courait sur toute la largeur du fleuve, mais gagnait de la force en léchant les rives. Surtout, quand elle rencontrait des obstacles comme le muret du centre-ville de Caudebec qui rétrécissait un peu, à ce niveau, le lit de la Seine, et qui a aujourd’hui disparu. Au XIXe siècle et au début du XXe, cet endroit était un lieu d’attroupement aux dates des marées, annoncées dans la presse locale.

Le mascaret, ou « la barre », comme on disait dans la région, était une véritable attraction, rassemblant jusqu’à 20 000 personnes, et notamment beaucoup de Parisiens. Pour répondre à cet engouement les chemins de fer mettaient en place des trains spéciaux pour l’événement, depuis la gare Saint-Lazare.

Pour les Caudebecquais, le mascaret était un but de sortie. « On allait voir le mascaret en famille. Quand j’étais gamin je venais avec mes parents et mon frère », confie Christian Capron, 65 ans, adjoint au maire de la ville. En s’écrasant sur le mur, la vague, parfois noirâtre, pouvait monter jusqu’à cinq mètres de hauteur, voire plus, mouillant les badauds qui s’étaient trop approchés de la rive. « Un mascaret sans linge à sécher, c’est un mascaret manqué », disait-on à l’époque.

Le mascaret de Caudebec-en-Caux

Le mascaret de Caudebec-en-Caux

Quelques accidents mortels se sont produits. La dernière victime fut une Havraise, Jacqueline Lebreton, 23 ans, emportée par la vague, en février 1961. Une plaque au sol dans un petit square, le long du fleuve, rappelle l’événement.

Le dragage de la Seine a tout changé
Mais quelques années après, le mascaret a disparu, en raison d’importants travaux de dragage dans l’estuaire et sur le fleuve dans les années 60, visant à rendre la Seine plus navigable pour des péniches toujours plus grosses et des bateaux de tourisme, de plus en plus prisés. Réduit à une vaguelette, surnommée « le flot », appréciée des surfeurs, le mascaret reste néanmoins emblématique de Caudebec.

Des commerces portent son nom, et dans un beau musée consacré au fleuve, appelé Museo Seine — qui ouvrira en 2016 —, un film en noir et blanc passera en boucle. « La vague reviendra sur grand écran » résume Samuel Craquelin, vice-président de la communauté de communes Caux-vallée de Seine qui finance le projet.

Hervé Lionnet
Sud-Ouest

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