LA FRANCE PITTORESQUE
Comment son interdiction assura
à la pomme de terre son essor
(D’après « Le Jardin des Plantes : description complète, historique
et pittoresque du Muséum d’histoire naturelle, de la Ménagerie,
des serres, etc. » (Tome 1), paru en 1842)
Publié le vendredi 9 février 2018, par Redaction
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Afin d’inciter les Français à ne plus bouder la pomme de terre, le savant Parmentier, qui en connaissait les immenses qualités et désespérait de voir notre pays l’adopter, eut au XVIIIe siècle une idée lumineuse...
 

Aujourd’hui cultivée partout en France, la pomme de terre non seulement nous donne à peu de frais un aliment agréable et sain, mais nous avons trouvé moyen de changer sa fécule en sucre et en alcool. C’est aux savants travaux et au zèle infatigable du chimiste Antoine Parmentier (1737-1813) que nous devons l’extension de sa culture et de son emploi.

Les grands propriétaires avaient, il est vrai, suivi l’impulsion donnée par Louis XVI ; ils avaient permis à la pomme de terre de végéter dans quelques coins de leurs domaines ; mais les paysans ne la cultivaient qu’avec répugnance ; ils refusaient d’en manger, et l’abandonnaient à leurs bestiaux. Il en était même qui ne la jugeaient pas digne de servir d’aliment à ces derniers.

Ce fut Parmentier qui, le premier, fit du pain de pomme de terre. Il avait entrepris de vulgariser en France l’usage de ce précieux tubercule ; il comprenait que si la pomme de terre pouvait suppléer le froment, toute famine devenait à jamais impossible. Aussi cet homme généreux consacra-t-il sa fortune, son talent, sa vie entière à cette œuvre immense de charité ; ce n’était pas assez pour lui d’encourager la culture de la pomme de terre par des écrits, des discours, des récompenses, en un mot par tous les moyens d’influence que lui donnait sa haute position : il acheta ou prit à ferme une grande quantité de terres en friche, à plusieurs lieues de rayon autour de Paris, il y fit planter des pommes de terre.

Antoine Parmentier

Antoine Parmentier

La première année, il les vendit à bas prix aux paysans des environs ; peu de gens en achetèrent ; la seconde année, il les distribua pour rien, personne n’en voulut. A la fin, son zèle devint du génie : il supprima les distributions gratuites, et fit publier à son de trompe dans tous les villages une défense expresse, qui menaçait de toute la rigueur des lois quiconque se permettrait de toucher aux pommes de terre dont ses champs regorgeaient. Les gardes champêtres eurent ordre d’exercer pendant le jour une surveillance active, et de rester chez eux pendant la nuit.

Dès lors, chaque carré de pommes de terre devint, pour les paysans, un jardin des Hespérides, dont le dragon était endormi ; la maraude nocturne s’organisa régulièrement, et le bon Parmentier reçut de tous côtés des rapports sur la dévastation de ses champs, qui le faisaient pleurer de joie. A dater de cette époque, il n’eut plus besoin de stimuler le zèle des cultivateurs : la pomme de terre avait acquis la saveur du fruit défendu, et sa culture s’étendit rapidement sur tous les points de la France.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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